La tendance est déjà en marche depuis trois mois, mais elle ne cesse de se renforcer depuis trois semaines et a fortiori au cours des derniers jours : les écarts de taux d’intérêt et de croissance s’agrandissent de plus en plus entre les Etats-Unis et la zone euro.
Ainsi, sans surprise, la Réserve fédérale américaine a augmenté son taux objectif des federal funds de 25 points de base, le portant à 2 %, un plus haut depuis octobre 2008.
Ce resserrement est tout à fait logique, dans la mesure où l’inflation américaine a fortement augmenté au cours des derniers mois, et en particulier en mai.
Après avoir déjà flambé de 1,6 % entre janvier et avril, les prix à la consommation ont encore progressé de 0,4 % en mai. Conséquence logique de cette tension, leur glissement annuel a bondi à 2,8 %, soit 0,7 point de plus qu’en janvier dernier et surtout un sommet depuis février 2012.
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L’inflation américaine au plus haut depuis février 2012.
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Sources : BLS, ACDEFI
Certes, hors énergie et produits alimentaires, les prix à la consommation ont été plus sages. Ils ont ainsi augmenté de 0,2 % en mai, atteignant un glissement annuel de 2,2 %.
Pour autant, ce dernier s’est tendu de 0,5 point en six mois et atteint désormais un plafond depuis février 2017.
De plus, il se rapproche dangereusement de l’objectif structurel de la Réserve fédérale, en l’occurrence un glissement annuel des prix hors énergie et produits alimentaires de 2,5 %. Un niveau qu’il devrait d’ailleurs atteindre dès le mois de juillet prochain.
On comprend dès lors pourquoi la Fed a d’ores et déjà annoncé qu’elle augmenterait son taux objectif des federal funds d’au moins 50 points de base d’ici la fin 2018.
La Fed est obligée d’augmenter encore son taux objectif des federal funds.
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Sources : BLS, Federal Reserve, ACDEFI
Un resserrement qui s’impose également au regard du rebond récent et à venir de la croissance américaine et aussi du plein-emploi qui prévaut outre-Atlantique, avec un taux de chômage de 3,8 %.
Le plein-emploi justifie également les resserrements monétaires de la Fed.
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Sources : BLS, Federal Reserve, ACDEFI
En d’autres termes, après avoir permis à l’économie américaine de se redresser nettement et de retrouver le plein-emploi, la Fed doit ramener ses taux directeurs vers des niveaux normaux.
Ce qui permettra également de calmer la fougue des marchés boursiers, qui, après une petite pause en février, recommence à devenir dangereuse.
La Fed doit enfin stopper l’exubérance irrationnel des marchés boursiers.
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Sources : Federal Reserve, ACDEFI
Très loin de ce resserrement monétaire imposé par la bonne santé de l’économie américaine, la Banque Centrale Européenne se trouve dans une situation bien plus problématique.
Tout d’abord, l’inflation remonte également dans la zone euro, mais cette tension s’explique principalement par le renchérissement des cours des matières premières énergétiques et non par une demande trop forte.
L’inflation augmente aussi dans la zone euro mais pour des mauvaises raisons.
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Sources : Eurostat, ACDEFI
Cette augmentation de l’inflation se généralise à l’ensemble de la zone euro, notamment en Allemagne et en France. Ce qui commence d’ailleurs également à peser sur l’ensemble des prix, y compris hors énergie.
En France, l’inflation remonte à 2 % et à 1 % hors énergie et produits alimentaires.
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Sources : INSEE, ACDEFI
Or, si l’inflation augmente alors que la croissance ralentit, la situation économique ne peut que se détériorer, l’inflation grevant la pouvoir d’achat, donc réduisant la consommation, puis la croissance et l’emploi et le cercle pernicieux continue…
D’ores et déjà, la croissance de la zone euro n’a non seulement pas redémarré aussi fort qu’aux Etats-Unis, mais surtout elle commence à ralentir fortement.
Le plongeon de l’indice ZEW annonce un effondrement de la croissance de la zone euro.
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Sources : Eurostat, ZEW, ACDEFI
Après la chute des indices Markit et Sentix au cours des derniers mois, l’indice ZEW relatif aux perspectives d’activité dans la zone euro a même plongé de 15 points sur le seul mois de juin. Il atteint ainsi un plancher depuis juillet 2016, qui avait été marqué par le vote en faveur du Brexit et les attentats de Nice.
Ensuite, pour retrouver un plus bas il faut remonter à août 2012, à une époque où le glissement annuel du PIB de la zone euro oscillait autour de – 1,0 %.
Dans ce cadre, on comprend aisément pourquoi Mario Draghi a promis de maintenir le taux refi à 0 % au moins jusqu’à l’été 2019.
Le différentiel de taux directeurs entre la BCE et la Fed devrait donc encore nettement augmenter.
Fed-BCE : le différentiel de taux directeurs s’accroît et cela est loin d’être terminé.
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Sources : Federal Reserve, BCE, ACDEFI
Alors qu’il atteint actuellement 200 points de base (un plus haut depuis décembre 2006), ce spread devrait encore augmenter à 250 points de base d’ici la fin de l’année, et certainement 275 points au printemps 2019, ce qui constituera alors un sommet depuis octobre 2001. Or, à cette époque, l’euro valait 0,90 dollar.
La baisse de l’euro/dollar va mécaniquement s’intensifier.
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Sources : Federal Reserve, BCE, ACDEFI
En conclusion, l’euro/dollar va encore nettement se déprécier, ce qui jouera normalement positivement sur la croissance de la zone euro, sauf si la crise politique et existentielle de cette dernière dégénère au cours des prochains trimestres. Autrement dit, la prudence doit rester de mise.
Marc Touati