Comme nous l’expliquons depuis des mois, parfois un peu seuls contre tous, l’embellie conjoncturelle, comme son nom l’indique d’ailleurs, ne pouvait pas perdurer dans la zone euro, en France et a fortiori en Italie.
Les évènements et les statistiques de ces dernières semaines n’ont donc fait que confirmer l’inévitable. A commencer par le net ralentissement de la croissance française, qui a débuté dès le premier trimestre 2018.
En effet, là aussi comme nous l’annoncions encore la semaine dernière dans nos prévisions hebdomadaires, l’INSEE a révisé à la baisse son estimation du PIB français du premier trimestre 2018. Celui-ci n’a donc pas progressé de 0,3 % comme annoncé initialement mais de 0,2 %.
Encore plus inquiétant, les deux postes clés de l’économie française ont été revus en nette baisse, en particulier l’investissement des entreprises, dont la progression sur le premier trimestre est passée de 0,5 % à 0,1 %, son plus mauvais résultat depuis le troisième trimestre 2016.
Voici le fichier pdf :
France : fort ralentissement du PIB et de l’investissement des entreprises.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : INSEE, ACDEFI
Conséquence logique de cette déconvenue, son glissement annuel est passée de 6 % au quatrième trimestre 2017 à désormais 3,5 %, un plus bas depuis le premier trimestre 2017.
Or, si l’investissement décélère, il en sera de même de l’emploi, donc des revenus, mettant encore en difficulté le deuxième moteur de l’économie française, en l’occurrence la consommation des ménages. D’ores et déjà, sa progression du premier trimestre a été rabotée, passant de 0,2 % en première estimation à désormais 0,1 %.
Beaucoup plus problématique, après avoir déjà reculé de 0,1 % tant au quatrième trimestre 2017 qu’au premier de 2018, la consommation de biens a encore chuté de 1,5 % en avril.
La stabilisation du taux de chômage français (calculé par Eurostat) à 9,2 % en avril (en hausse de 0,1 point par rapport à la fin 2017) montre malheureusement que les ménages vont continuer de refréner leurs dépenses.
Le taux de chômage français se stabilise à 9,2 %, contre 8,5 % dans la zone euro, 4,1 % au Royaume-Uni et 3,4 % en Allemagne.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Eurostat, ACDEFI
Et, bien entendu, les ponts, les grèves et les intempéries du mois de mai ne vont pas arranger la situation, qui risque donc de rester difficile sur l’ensemble du deuxième trimestre. L’indice INSEE de confiance des ménages a d’ailleurs perdu 0,6 point en mai, atteignant un niveau de 99,8, un plus bas depuis janvier 2017.
La consommation des ménages est et restera très fragile.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : INSEE, ACDEFI
Dans ce cadre, nous sommes malheureusement au regret de confirmer notre prévision d’une stagnation du PIB français au deuxième trimestre et d’une croissance de 1,5 % en moyenne sur l’ensemble de l’année 2018.
Un résultat qui sera légèrement inférieur à ceux de l’Allemagne et de la zone euro, qui devraient réaliser une croissance annuelle moyenne d’au mieux 1,9 %.
C’est du moins ce que confirment les dernières enquêtes Markit des directeurs d’achat, celles des instituts ZEW et IFO, sans oublier l’indice Sentix et les indicateurs de la Commission européenne, qui, dans tous les cas, ont encore régressé en avril-mai.
Pour ne rien arranger, l’inflation est repartie en forte hausse en mai. Le glissement annuel des prix à la consommation a ainsi flambé à 2,2 % en Allemagne, 2 % en France et 1,9 % dans la zone euro. Il s’agit de sommets depuis respectivement février 2012, août 2012 et février 2017.
Remontée spectaculaire de l’inflation dans la zone euro, en Allemagne et en France.
Sources : Eurostat, Destatis, INSEE, ACDEFI
Mais attention, il ne s’agit pas là d’une inflation favorable, c’est-à-dire engendrée par la vigueur de la demande.
Non, la reflation de mai s’explique par de mauvaises raisons, en l’occurrence la hausse des prix des produits énergétiques, qui va évidemment grever le pouvoir d’achat des ménages et par là-même leurs dépenses d’investissement et de consommation.
Ce qui nous conforte, une nouvelle fois, dans notre prévision de la poursuite du ralentissement économique dans l’ensemble de la zone euro.
Dans ce cadre, après avoir atteint 8,5 % en avril (un plus bas depuis décembre 2008), le taux de chômage de l’UEM devrait désormais se stabiliser durablement, voire remonter légèrement d’ici la fin 2018.
Le taux de chômage de la zone euro recule à 8,5 %, avant de se stabiliser, voire de remonter légèrement.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Eurostat, ACDEFI
Du moins si tout va bien, car si la crise italienne s’installe dans la durée, ce qui est malheureusement de plus en plus probable, la croissance et le marché du travail devraient nettement se détériorer.
Une instabilité qui ne va évidemment pas manquer de fragiliser encore l’économie italienne qui, rappelons-le, n’a toujours pas retrouvé son niveau de PIB d’avant-crise. En effet, le niveau actuel de la richesse italienne réelle (c’est-à-dire hors inflation) est encore 5,5 % inférieur à celui du premier trimestre 2008.
Le PIB italien est encore 5,5 % inférieur à son niveau du début 2008.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Eurostat, Calculs ACDEFI
Parallèlement, l’Italie est l’un des rares pays de la zone euro qui n’a pas bénéficié d’une nette baisse de son taux de chômage au cours des dernières années.
En avril 2018, le taux de chômage italien est même le seul de la zone euro à augmenter, retrouvant un niveau de 11,2 %, contre 11,1 % le mois précédent.
En avril, le taux de chômage italien remonte à 11,2 %, contre par exemple 7,4 % au Portugal.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Eurostat, ACDEFI
Certes, il demeure encore inférieur à ses homologues espagnols et grecs (respectivement 15,9 % et 20,8 %), mais ces derniers ont fortement baissé depuis 2015, indiquant par là même que le marché du travail s’est nettement amélioré, ce qui n’a malheureusement pas été le cas en Italie.
Dans le même temps, le taux de chômage des moins de 25 ans y est resté horriblement élevé, ré-augmentant même à 33,1 % en avril. A titre de comparaison, le taux de chômage des jeunes polonais est passé de 43 % en 2003 à 28 % en 2013 et 11 % aujourd’hui, contre par exemple 17,3 % dans la zone euro et 21 % en France.
Le taux de chômage des moins de 25 ans atteint 33,1 % en Italie et 11 % en Pologne.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Eurostat, ACDEFI
La récente et très forte remontée des taux d’intérêt des obligations de l’Etat italien ne va évidemment pas améliorer la situation. D’ailleurs, en dépit de la baisse des taux au cours des deux derniers jours, il ne faut pas se voiler la face : l’Italie a bien été frappée par un mini-krach obligataire. L’explosion du « spread » avec le taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat espagnol en témoigne.
L’Italie frappée par un mini-krach obligataire.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Source : ACDEFI
Encore plus frappant : pour la première fois dans l’histoire contemporaine, le taux d’intérêt à dix ans des obligations de l’Etat italien a dépassé celui de l’Etat portugais. Une situation qui a commencé dès le début 2018 et qui s’est fortement aggravée en mai.
Pour la première fois, le taux à dix ans des obligations de l’Etat italien dépasse celui de l’Etat portugais.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Source : ACDEFI
De quoi confirmer qu’un pays du Sud de l’Europe en difficulté, en l’occurrence le Portugal, peut faire des réformes efficaces, de manière à retrouver le chemin de la croissance et de la crédibilité.
Marc Touati