On commençait presque à s’y habituer : du premier trimestre 2016 au dernier de 2017, le glissement annuel du PIB de la zone euro a constamment été supérieur à son homologue américain. Du jamais vu depuis 2007-2008.
Seulement voilà, toutes les bonnes choses ont une fin et, au premier trimestre 2018, la normalité a repris le dessus. Ainsi, en vertu d’un net ralentissement de la croissance eurolandaise et d’une augmentation de celle de l’Oncle Sam, cette dernière a largement repris l’avantage.
La croissance de la zone euro repasse déjà sous celle des Etats-Unis.
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Sources : BEA, Eurostat, ACDEFI
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre le quatrième trimestre 2017 et le premier de 2018, le glissement annuel du PIB américain est passé de 2,6 % à 2,9 %, un plus haut depuis le deuxième trimestre 2015, mais celui de la zone euro est tombé de 2,8 % à 2,5 %, un plus bas depuis le deuxième trimestre 2017.
Depuis 1995, l’écart de croissance Etats-Unis-UEM repart donc logiquement à la hausse, pour atteindre désormais 74,9 points.
Dans le sillage du ralentissement de l’activité dans la zone euro, le taux de chômage y a également stagné en mars, à un niveau de 8,5 %. Il s’agit évidemment d’un résultat honorable, notamment lorsqu’on le compare au sommet de 12,1 % atteint de février à juillet 2013, mais toujours nettement supérieur au plancher de 7,3 % qui prévalait d’octobre 2007 à mars 2008.
Le plus ennuyeux est que si déjà avec une croissance de 2,8 % fin 2017, le taux de chômage n’a pas pu descendre sous les 8,5 %, que va-t-il devenir demain, avec le net ralentissement de la croissance, qui ne fait d’ailleurs que commencer comme en témoigne la baisse récente des indicateurs avancés ?
Zone euro : la croissance ralentit et le chômage ne baisse plus.
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Sources : Eurostat, ACDEFI
Autrement dit, de la même façon que la croissance de l’UEM a déjà mangé son pain blanc, il est clair que son taux de chômage risque d’augmenter au cours des prochains trimestres, maintenant un écart particulièrement élevé avec son homologue américain.
Les écarts de taux de chômage ne sont pas prêts de s’annuler…
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Sources : BEA, Eurostat, ACDEFI
Bien entendu, tout n’est pas rose aux Etats-Unis. Loin s’en faut. D’ailleurs, au premier trimestre 2018, les deux principaux moteurs de la croissance que sont la consommation des ménages et l’investissement des entreprises ont ralenti notablement. Leurs glissements annuels demeurent néanmoins appréciables à respectivement 2,6 % et 6,1 %. De quoi confirmer que les récentes baisses d’impôts ont et continueront d’agir positivement sur les dépenses des ménages et des entreprises.
Aux Etats-Unis, la consommation des ménages et l’investissement des entreprises ralentissent mais restent dynamiques.
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Sources : BEA, ACDEFI
De plus, au premier trimestre 2018, la croissance américaine a bénéficié d’une contribution positive du commerce extérieur, notamment grâce à la dépréciation du dollar en 2017.
A l’inverse, les économies de la zone euro et notamment celle de la France ont et vont continuer de pâtir d’un euro trop fort. Le glissement annuel du PIB français est d’ailleurs tombé bien plus bas que celui de la zone euro, à 2,1 % précisément, confirmant que l’Hexagone contribue négativement à la croissance eurolandaise.
Croissance au premier trimestre 2018 : 2,5 % dans la zone euro, 2,1 % en France et 1,2 % au Royaume-Uni.
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Sources : Eurostat, INSEE, ONS, ACDEFI
Piètre consolation, le glissement annuel du PIB britannique est tombé encore plus bas, en l’occurrence 1,2 %, un plancher depuis le deuxième trimestre 2012. Fort heureusement pour la « perfide Albion », l’évolution récente des indicateurs des directeurs d’achat laissent entrevoir un léger mieux pour le deuxième trimestre 2018.
L’économie britannique souffre mais n’a pas déposé les armes.
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Sources : ONS, Markit, ACDEFI
Et si les indicateurs des directeurs d’achat de la zone euro sont supérieurs à ceux du Royaume-Uni, leur nette tendance baissière depuis trois mois indique que la croissance eurolandaise devrait rapidement repasser sous les 2 %.
La croissance eurolandaise devrait rapidement repasser sous les 2 %.
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Sources : Eurostat, Markit, ACDEFI
Mais en dépit de la décélération de l’Europe, la croissance mondiale continue de bien résister. En avril, l’indice « Monde » des directeurs d’achat dans l’industrie a même retrouvé le chemin de la hausse, qu’il avait perdu depuis janvier dernier.
La croissance mondiale résiste tant bien que mal.
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Sources : Markit, ACDEFI
Pour autant, il faut également souligner qu’avec un niveau de 53,5, cet indicateur avancé de la croissance mondiale reste inférieur de 0,7 point à son niveau de février dernier et de 1 point par rapport à celui de décembre 2017.
Autrement dit, le soft landing de la croissance mondiale reste d’actualité.
Une fois encore, le salut de l’économie internationale tient principalement à la résistance du monde émergent, et notamment de la Chine.
Ainsi, en dépit d’un inévitable ralentissement à venir, la croissance de l’Empire du milieu va rester solide. C’est du moins ce qu’indique l’évolution récente des indicateurs Caixin des directeurs d’achat chinois, qui ont atteint 51,1 dans l’industrie et 52,9 dans les services. Rien d’exceptionnel, mais des niveaux suffisamment élevés pour confirmer que la croissance chinoise sera comprise entre 6,5 % et 6,8 % sur l’ensemble de l’année 2018.
Les indicateurs avancés de l’économie chinoise restent appréciables mais toujours pas euphoriques.
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Sources : NBSC, Caixin, ACDEFI
Même son de cloche du côté de l’économie indienne, qui demeure fragile, mais toujours bien résistante. Ainsi, après avoir fait craindre le pire en début d’année, les indices Nikkei des directeurs d’achat ont retrouvé le chemin de la hausse en mars et avril. Au cours de ce dernier mois, ils ont atteint des niveaux de 51,6 dans l’industrie et 51,4 dans les services.
De quoi confirmer que la croissance indienne devrait se stabiliser entre 6 % et 6,5 % sur l’ensemble de l’année 2018, contre 6,3 % en 2017 et 7,8 % en 2016.
L’économie indienne résiste bien mais demeure fragile.
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Sources : Mospi, Nikkei, ACDEFI
Au total, nous sommes donc confortés dans notre prévision d’une croissance mondiale ralentie et qui atteindra un niveau toujours appréciable d’environ 3,2 % en moyenne sur cette année, contre 3,8 % en 2017 et une moyenne de 3,5 % depuis 1980.
Marc Touati