Il y a tout juste dix ans, l’année 2008 commençait a priori « sous les meilleures auspices ». La crise des « subprimes » semblait circonscrite, la croissance mondiale apparaissait vigoureuse et les marchés financiers redevenaient euphoriques. A tel point que les organismes officiels internationaux tels que le FMI, la Banque mondiale, la BCE ou encore la Commission européenne se voulaient formels : 2008 serait une année de croissance forte, d’inflation soutenue et d’apaisement financier international… Que d’erreurs collectives colossales !
Pourtant, aussi bizarre que cela puisse paraître, l’année 2018 a commencé presque de la même manière. Le FMI, la Fed, la BCE et tutti quanti se veulent démesurément optimistes : la croissance et est restera forte, l’inflation élevée, tandis que le krach boursier de début février devrait rapidement laisser place à une nouvelle vague d’euphorie…
Face à ce manque de discernement et aussi parce qu’il est utile de se rappeler des erreurs du passé pour ne pas les rééditer, il nous a paru opportun de nous poser une question à la fois simple et déterminante : Et si 2018 était pire que 2008 ? Nous répondrons à cette question en trois temps : l’explosion de la crise des « subprimes » cette semaine, la quasi-faillite systémique de 2008 et la sortie de crise de 2009 la semaine prochaine, pour finir la semaine suivante, par les risques d’avènement d’une nouvelle crise encore plus grave que celle de 2008.
La « porte des enfers » donc fut franchie le 14 septembre 2008, et une crise économico-financière historique s’installa. Comme aurait dit Dante « Vous qui pénétrez ici, abandonnez tout espoir…»
En fait, tout commença à l’été 2007, avec l’explosion de la crise des « subprimes ». Ces dernières caractérisaient des dettes hypothécaires octroyées à des ménages peu ou non solvables. Elles existaient depuis les années 1990 et ne faisaient que matérialiser une des promesses de campagne de Bill Clinton : faire en sorte que tous les ménages, même les plus modestes, puissent accéder à la propriété.
Jusqu’en 2003, ces dettes ne présentaient pas vraiment de danger et paraissaient même salutaires pour de très nombreux Américains. Mais « l’ingéniosité » et la cupidité de certains financiers changèrent la donne.
En finance, comme en économie, voire dans la vie tout court, il y a effectivement une règle de base : plus le rendement augmente, plus le risque augmente. Autrement dit, il n’est pas possible d’accroître ses gains sans prendre davantage de risques.
Pourtant, grâce à des modèles mathématiques de plus en plus complexes et donc de moins en moins maîtrisables, les « nouveaux maîtres de la finance » donnèrent l’impression de pouvoir supprimer le risque.
Pour ce faire, ils se livrèrent tout d’abord à ce qu’on appelle la titrisation des dettes « subprimes », c’est-à-dire la transformation de ces dernières en titres, semblables à des obligations. Ces titres furent ensuite intégrés dans des produits complexes et opaques, qui furent finalement notés par les agences de notation, AAA, c’est-à-dire sans risque.
De la sorte, il paraissait donc possible d’augmenter le rendement sans accroître le risque. Le pire est que personne ou presque n’osa s’opposer à un tel non-sens économique et encore moins y mettre le holà. Face à ces produits miracles dignes de David Copperfield, les meilleurs financiers de la planète péroraient : « Ne vous inquiétez pas, vous ne pouvez pas comprendre, mais tout est sous contrôle… ».
Seulement voilà, lorsque la Réserve fédérale américaine augmenta fortement ses taux directeurs en 2006-2007, les ménages peu solvables qui avaient contracté des dettes « subprimes » à taux variables virent leurs remboursements mensuels flamber dangereusement.
Incapables d’honorer leurs engagements, ils décidèrent alors de passer au plan B et de mettre en vente leur maison. Mais, comme de plus en plus d’Américains faisaient la même chose, les prix immobiliers s’effondrèrent. Devant l’absence d’acheteurs de leurs biens immobiliers, les ménages modestes s’engagèrent alors dans une spirale infernale qui les entraîna dans la faillite. Les organismes vendeurs de « subprimes » fermèrent alors les uns après les autres. Conséquence logique de ces déboires, les titres basés sur les « subprimes », qui étaient pourtant notés AAA, ne valurent tout simplement plus rien.
Face à cette déconvenue, les banques durent alors intégrer ces moins-values dans leurs bilans. Une vague de défiance à l’égard de celles-ci s’engagea automatiquement, plongeant le monde bancaire dans une crise de liquidités. En clair : les banques refusèrent de se prêter de l’argent entre elles.
Consciente du danger, la Réserve fédérale américaine réagit alors en abaissant fortement ses taux directeurs et en injectant des liquidités sur le marché interbancaire.
L’hémorragie était donc stoppée dès l’automne 2007. Malheureusement, c’était sans compter l’incompétence, la malchance et de trop nombreuses erreurs des dirigeants économiques et financiers de la planète…
A suivre…
Marc Touati