Si la fête est bien en train de se terminer sur les marchés financiers, elle pourrait prochainement subir le même sort sur le front de la conjoncture économique internationale.
Certes, selon les enquêtes des directeurs d’achat de janvier, seuls cinq pays sont actuellement en récession industrielle et quatre proches d’y entrer ou d’y revenir. Pour autant, comme le montre le tableau ci-dessous, l’indice PMI « monde » a perdu 0,1 point en janvier, sa première baisse depuis l’été 2017.
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L’indice PMI industriel « monde » baisse pour la première fois depuis l’été 2017.
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Sources : Markit, ACDEFI
Bien entendu, avec un niveau de 54,4, il reste toujours très favorable, d’autant que son homologue dans les services a atteint 54,1 en janvier.
Cependant, si déjà lorsque les marchés financiers sont euphoriques, les indices PMI se portent moins bien, que vont-ils devenir à présent que les investisseurs financiers commencent à déraper, ce qui rejaillira forcément sur les conditions de financement des entreprises ?
D’ores et déjà, certaines locomotives de la croissance mondiale ont d’ailleurs commencé à ralentir.
Ainsi, alors que sa croissance a nettement ralenti en 2017, se stabilisant autour des 6 %, contre plus de 8 % en 2016, l’Inde continue de faire preuve d’une certaine fragilité. C’est du moins ce qu’indiquent les indices Nikkei des directeurs d’achat indiens : 51,7 dans les services, après certes 50,9 en décembre, et 52,4, dans l’industrie, contre 54,7 en décembre.
La croissance indienne se stabilise autour des 6 %.
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Sources : Mospi, Nikkei, ACDEFI
Même son de cloche au Brésil, avec des indices Markit PMI en janvier de 50 dans les services et 51,2 dans l’industrie.
La croissance brésilienne toujours à la peine.
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Sources : IBGE, Markit, ACDEFI
Autrement dit, tant en Inde qu’au Brésil, la croissance ne devrait pas faire de miracle en 2018, avec des niveaux respectifs d’environ 6 % et 1 %.
Fort heureusement, la croissance mondiale pourra toujours compter sur l’économie chinoise pour rester appréciable. Ainsi, après un automne de ralentissement, l’indice Caixin des directeurs d’achat dans les services a fortement rebondi. Il est effectivement passé de 51,9 en novembre à 53,9 en décembre, pour atteindre 54,7 en janvier, un plus haut depuis mai 2012.
Chine : les services au top, l’industrie à la traîne.
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Sources : NBSC, Caixin, ACDEFI
Cependant, dans l’industrie, son homologue reste décevant puisqu’il s’est stabilisé à 51,5. Encore plus inquiétant, l’excédent commercial chinois a fondu en janvier.
L’excédent commercial chinois fond comme neige au soleil…
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Sources : NBSC, ACDEFI
En effet, il est passé de 54,69 milliards de dollars en décembre à 20,34 milliards de dollars. Sur douze mois, l’excédent chinois a ainsi plongé de 438,19 milliards de dollars en décembre à désormais 407,18 milliards de dollars, un plus bas depuis décembre 2014.
Depuis son record de juillet 2016 à 618,11 milliards de dollars, sa chute atteint 34,1 %, soit une dégringolade de 210,93 milliards de dollars.
De quoi rappeler que l’appréciation du yuan de 2017 continue de coûter cher au commerce extérieur chinois. Le pire est que traditionnellement, au cours du mois de février, qui marque le nouvel an chinois, les exportations ont tendance à ralentir, tandis que les importations flambent. La réduction de l’excédent commercial de la Chine paraît donc loin d’être terminée.
La réduction de l’excédent commercial chinois n’augure rien de bon pour la croissance et le yuan.
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Sources : NBSC, ACDEFI
L’ensemble de ces évolutions laissent donc augurer d’un nouveau ralentissement de la croissance chinoise et aussi d’une dépréciation du yuan. Le problème est que les Etats-Unis « ne se laisseront pas faire », annonçant par là même une intensification de la guerre des devises.
Et ce, d’autant que le déficit commercial américain a encore flambé en décembre. En effet, après avoir déjà atteint 50,435 milliards en novembre, celui-ci a été de 53,118 milliards de dollars en décembre, un record depuis octobre 2008. En données annuelles, le déficit des Etats-Unis a atteint 566,031 milliards de dollars en 2017, là aussi un sommet depuis 2008. Ce qui n’est pas sans rappeler des heures difficiles pour l’économie de l’Oncle Sam.
Déficit extérieur américain : 53,1 milliards de dollars en décembre et 566 milliards de dollars sur l’année 2017.
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Sources : BEA, ACDEFI
Piètre consolation, après avoir baissé de 4,7 % en 2015 et de 2,5 % en 2016, les exportations de biens et services en valeur ont progressé de 5,5 % en 2017, leur meilleure performance depuis 2011. C’est cependant nettement insuffisant pour compenser la progression de 6,7 % des importations l’an passé.
Encore plus inquiétant, la nette dépréciation du dollar de l’année 2017 n’a pas réussi à inverser la tendance du creusement du déficit extérieur. Pourtant, cette inversion se produit généralement six mois après le début du mouvement de dépréciation. A croire que l’appareil productif américain ne parvient plus à profiter pleinement de l’arme du taux de change.
La baisse du dollar de 2017 n’a pas réussi à stopper le creusement du déficit extérieur américain.
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Sources : BEA, ACDEFI
Autre déficit extérieur abyssal : celui de la France : 62,46 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année 2017, soit 13,19 milliards de plus qu’en 2016 et un sommet depuis 2013.
Déficit extérieur de la France en 2017 : 62,46 milliards d’euros, un plus haut depuis 2013.
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Sources : Minefi, ACDEFI
Le pire est que cette détérioration s’est produite dans un contexte d’amélioration de la croissance de notre principal client, en l’occurrence la zone euro. Dans la mesure où celle-ci va ralentir en 2018 et où les conséquences négatives d’un euro trop fort vont s’intensifier, il est malheureusement clair que le commerce extérieur français va encore se dégrader au cours des prochains trimestres.
En conclusion, que ce soit dans le monde émergent, aux Etats-Unis, dans la zone euro et en France, la croissance a bien mangé son pain blanc…
Marc Touati