Comme chaque début d’année, les analystes, prévisionnistes et autres « devins » se livrent à l’exercice difficile d’établir des prévisions économiques et financières pour l’année qui commence. Dans cet exercice, il y a les pessimistes invétérés, les optimistes idéalistes, ceux qui veulent simplement se faire remarquer en annonçant les scénarii les plus extrêmes possibles et puis ceux, dont nous essayons de faire partie depuis des années, qui tentent de réaliser des prévisions les plus justes possibles. Avec évidemment des satisfactions et des déceptions.
Comme nous le détaillions la semaine dernière, le bilan de nos prévisions de l’année écoulée a été appréciable avec seulement cinq erreurs, qui sont néanmoins cinq de trop. S’il ne sert évidemment pas à grande chose de s’appesantir sur le passé, cet exercice de bilan des prévisions est cependant indispensable en termes de crédibilité, d’humilité et de transparence. Le pratiquant depuis une vingtaine d’années et étant parmi les seuls à le faire sur la place de Paris, il nous permet également de savoir que les prévisions ne doivent pas être aussi volatiles que les marchés et surtout ne doivent pas obéir à une volonté de suivre le consensus ou, à l’inverse, de dire absolument l’inverse de ce dernier.
Seules trois règles priment donc en matière de prévision : l’indépendance, la précision de l’engagement et la fiabilité de l’argumentaire.
Certaines années sont néanmoins plus difficiles à prévoir que d’autres, en particulier lorsqu’elles sont marquées par un grand nombre de risques, qui sont par définition non-maîtrisables et rendent par là même l’exercice de prévision encore plus périlleux. 2018 fait justement partie de ces cas difficiles, comme ont pu l’être par exemple les années 2001, 2007 ou encore 2008.
En effet, alors qu’elle se présente plutôt sous de bons auspices, ce qui pourrait laisser imaginer que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes, les risques à venir sont particulièrement nombreux et pourraient par là même assombrir le panorama économique et financier international.
A commencer par les risques géopolitiques et terroristes. Certes, aussi horrible que cela puisse paraître, les investisseurs se sont habitués à ce type de dangers. Ainsi, depuis le dramatique attentat de Nice de juillet 2016, les différentes attaques terroristes et les soubresauts géopolitiques internationaux n’ont eu quasiment aucun effet négatif sur l’économie et les bourses mondiales. Pour autant, dans la mesure où ces risques sont incommensurables, il est impossible d’exclure un attentat ou un choc géopolitique inattendu de par son ampleur et qui fera forcément chuter les marchés, voire la croissance mondiale. Corée du Nord, Moyen-Orient, attentats meurtriers en Europe et aux Etats-Unis. Les dangers sont malheureusement pléthore.
Mais sans attendre l’occurrence de ces derniers et en espérant qu’ils ne se produiront pas, d’autres risques économico-financiers pèsent sur la bonne santé de l’économie internationale et des marchés boursiers.
Il s’agit tout d’abord de l’évolution de la croissance mondiale. En effet, en dépit de l’euphorie ambiante, cette dernière reste très fragile. Et ce notamment parce que la croissance décélère en Chine, en Inde, aux Etats-Unis et dans la zone euro. Un ralentissement plus fort que prévu par les marchés est donc très probable. D’ores et déjà, nous tablons sur une croissance mondiale de 3,2 %, une performance certes très honorable mais 0,2 point inférieure à celle de 2017 et 0,3 point en-deçà du niveau moyen de longue période.
A côté de ce ralentissement inévitable, d’autres risques pourraient également aggraver la situation de l’économie mondiale et des places financières internationales. Et ce dès le 4 mars 2018, avec les élections législatives italiennes. Car, si en 2017, le pire a été évité aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, rien n’est moins sûr pour 2018 chez nos voisins transalpins. Et pour cause : avec près de 30 % des intentions de vote, les populistes du Mouvement 5 étoiles, emmenés par Luigi di Maio, jeune comme Macron et teigneux comme Mélenchon, pourraient empêcher la formation d’un gouvernement stable et plonger par là même l’Italie dans une nouvelle crise politique.
De plus, créditée pour l’instant de 35 % des intentions de vote, « l’alliance de droite » est composée de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, mais aussi des souverainistes de la Ligue du Nord et de Fratelli d’Italia. En d’autres termes, un mouvement eurosceptique massif semble bien en marche au-delà des Alpes. Tout comme en Autriche par exemple, mais aussi dans de nombreux pays européens.
Dans ce cadre, la stabilité politique de la zone euro risque d’être affectée. Et ce d’autant que la faiblesse politique d’Angela Merkel outre-Rhin ne lui permettra pas de relancer la machine.
C’est peut-être à ce moment-là que l’on prendra conscience que des taux d’intérêt à dix ans des obligations des Etats européens inférieurs à ou proche de 1 % n’ont aucun sens. Une forte remontée de ces derniers pourra alors se produire, suscitant un krach obligataire majeur, qui ne manquera pas d’engendrer une dégringolade boursière massive.
Enfin, même si le Royaume-Uni ne s’en tire, pour l’instant, pas trop mal, le Brexit est encore loin d’être réglé, notamment d’un point de vue calendaire, mais aussi en termes d’avenir de l’Union européenne.
En conclusion, 2018 se présente bien comme une « risky business year », qui sera donc forcément marquée par une forte volatilité économique, politique et financière. Attachez vos ceintures…
Marc Touati