Il y a quasiment un an, nous écrivions dans ces mêmes colonnes que l’année 2017 se présentait comme celle de tous les espoirs, mais aussi de tous les dangers. A l’époque ces derniers s’annonçaient nombreux et difficilement surmontables : au-delà des malheureusement traditionnels risques terroristes et géopolitiques, l’horizon économique était notamment obscurci par les risques de montée populiste aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, mais aussi par l’éventuel échec de la réforme fiscale de Donald Trump, l’avènement d’un hard Brexit ou encore les risques de blocages politiques en Italie et en Espagne. D’autres ajoutaient également des risques liés à un effondrement de l’économie chinoise, le prolongement de la récession au Brésil, voire une forte remontée des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine.
A l’évidence, même si ces dernières menaces nous paraissaient excessives et peu probables, 2017 apparaissait pour le moins comme une année dangereuse. Et pourtant, ce sont finalement les espoirs qui l’ont emporté !
En effet, les parties extrémistes ont certes fait des scores élevés aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, mais n’ont heureusement pas réussi à constituer une menace pour la stabilité politique de la zone euro. Dans l’Hexagone, le second tour des présidentielles « Le Pen – Mélenchon », un temps craint par certains, a même laissé place à la large victoire d’Emmanuel Macron. Son parti a également raflé une large majorité à l’Assemblée Nationale, tout en réussissant à faire passer quelques réformes (certes encore hautement insuffisantes) sans engendrer de dérapages sociaux notables. Du moins pour le moment.
Par ailleurs, en dépit des risques qui pèsent encore sur la Catalogne, mais aussi, dans une moindre mesure, en Allemagne, les investisseurs internationaux ont voulu voir dans le nouveau Président français le gage de la relance de la construction européenne. Si rien n’est gagné en la matière (loin s’en faut), ce regain de confiance a permis à l’euro de retrouver le chemin de l’appréciation. D’autant que la croissance dans l’UEM, en France ou encore en Espagne a été meilleure que prévu.
Parallèlement, l’instauration d’un hard Brexit s’est progressivement éloignée et le Royaume-Uni n’a pas plongé dans la récession que certains oiseaux de mauvais augure lui prédisaient.
De même, s’il est toujours loin de faire l’unanimité, Donald Trump a réussi à faire valider sa profonde réforme fiscale, qui devrait permettre à l’économie américaine d’éviter un fort ralentissement. Et ce d’autant que la Fed a maintenu sa politique de resserrement monétaire à très petits pas.
Enfin, la Chine, le Brésil, l’Argentine et globalement l’ensemble des pays émergentes ont évité les funestes scénarii tant annoncés par certains. Ils n’ont certes pas fait de miracles mais devraient afficher des performances de croissance 2017 de respectivement 6,9 %, 0,8 % ; 2,8 % et 4,5 %. Comme nous l’annoncions il y a un an, seule l’Inde a connu quelques difficultés, même si la progression annuelle de son PIB devrait avoisiner les 6 % en 2017.
Au total, également conformément à nos prévisions, la croissance mondiale a été de bonne facture, atteignant environ 3,4 %, soit seulement 0,1 point de moins que son niveau moyen depuis 1980.
Dans ce contexte favorable, les cours des matières premières, et notamment du pétrole, ont, comme le prévoyions il y a un an, augmenté modérément, retrouvant des niveaux plus logiques au regard de la marche des affaires internationale.
En revanche, différemment de nos prévisions établies il y a douze mois, les bourses mondiales ont continué de flamber, s’engageant dans une bulle de plus en plus extravagante et donc dangereuse. Un Dow Jones a plus de 24 000 ne pourrait par exemple se justifier économiquement qu’avec une croissance du PIB mondial d’au moins 8 %. Nous en sommes très loin.
Le marché obligataire eurolandais a également continué d’être le théâtre d’une bulle tout aussi extravagante. Au-delà des taux d’intérêt négatifs sur les échéances jusqu’à 5 ans pour les obligations de l’Etat français (en dépit d’une dette publique de quasiment 100 % du PIB), les taux longs des obligations italiennes et espagnoles ont baissé et l’Etat grec est également revenu sur les marchés. Et ce alors que le PIB grec est encore inférieur de quasiment 27 % à son niveau de 2008 et que la dette publique grec continue d’augmenter. Comme quoi, bien loin de l’adage populaire, « chat échaudé ne craint pas l’eau froide »…
En conclusion, en plus d’avoir été celle des bonnes surprises, l’année 2017 est également celle de toutes les exagérations financières : flambée boursière, faiblesse des taux d’intérêt des obligations d’Etat des pays de la zone euro, réappréciation dangereuse de l’euro/dollar, renchérissement excessifs des prix de l’immobilier en France (principalement à Paris), explosion du cours du bitcoin, sans oublier un excès d’optimisme ou plutôt un aveuglement collectif sur la volonté et la capacité de la France à se réformer et à devenir la nouvelle locomotive politique et économique de l’Europe, voire du monde…
Autrement dit, merci pour ces bons moments en 2017, mais ne soyons pas dupes : le réveil risque d’être douloureux dès 2018.
Marc Touati