Allemagne-France : toujours 5-0.

Il a suffi de quelques trimestres d’amélioration conjoncturelle en France pour laisser croire que l’économie hexagonale était sur le point de dépasser celle de l’Allemagne. Certains en ont même profité pour annoncer que, compte tenu du relatif affaiblissement politique d’Angela Merkel, la France allait redevenir rapidement la locomotive économique et politique de l’Union européenne. Malheureusement pour notre « douce France », il n’en est rien et il ne sera rien. Et plutôt que de faire des plans sur la comète, comme le font depuis des années les dirigeants politiques français en vain, il serait bien plus opportun de regarder la réalité en face et notamment les quelques graphiques suivants, qui sont bien plus parlants que de longs discours.

Tout d’abord, même si la croissance française va mieux, elle reste toujours loin de celle de nos voisins d’outre-Rhin : respectivement 1,5 % dans le meilleur des cas en 2017, contre 2,1 %. Quant à 2018, cet écart de 0,6 point devrait se maintenir, mais avec des résultats amoindris des deux côtés du Rhin, en l’occurrence 1,3 % et 1,9 %.

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La croissance française ne parvient toujours pas à dépasser celle de l’Allemagne.

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Sources : INSEE, Destatis, ACDEFI

Sur longue période, la différence est encore plus flagrante. Ainsi, depuis le creux du deuxième trimestre 2009, le PIB allemand a progressé de 18 %, alors que celui de la France a augmenté de 9,9 %. Dans le même temps, alors qu’en 2008, le PIB par habitant était quasiment le même des deux côtés du Rhin, à 32 400 euros, il est aujourd’hui de 35 100 euros en Allemagne et de 33 100 euros en France (selon les calculs du FMI), soit des augmentations respectives de 8,3 % et 2,2 %. Et ce avec une inflation identique. Autrement dit et une fois encore, il n’y a pas photo.

PIB réel depuis 2009 : + 18 % en Allemagne, + 9,9 % en France…

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Sources : INSEE, Destatis, ACDEFI

Mais il y a bien plus grave. En effet, alors que de 2002 à 2007, le taux de chômage allemand était nettement supérieur à son homologue français, la situation s’est inversée depuis 2008 et n’a ensuite cessé de se dégrader au détriment de la France.

Longtemps supérieur à son homologue français, le taux de chômage allemand ne cesse de creuser l’écart depuis 2008.

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Sources : Eurostat, ACDEFI

Ainsi, selon les chiffres harmonisés d’Eurostat, le taux de chômage allemand est passé d’un sommet de 11,2 % d’avril à août 2005, pour atteindre aujourd’hui un plancher de 3,6 %.

A l’inverse, le taux de chômage français est passé d’un plus bas de 7,2 % en février 2008 à un sommet de 10,5 % lors de l’été 2015, pour finalement atteindre 9,8 % en août 2017.

Le comparatif est encore plus douloureux en matière de chômage des moins de 25 ans, puisqu’actuellement, ce dernier n’est que de 6,4 % en Allemagne, contre 23 % en France.

Taux de chômage des jeunes : 6,4 % en Allemagne et 23 % en France.

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Sources : Eurostat, ACDEFI

Troisième grand écart : le solde de la balance commerciale. Là aussi, le comparatif fait froid dans le dos. En effet, le dernier excédent commercial français remonte à août 2004. Depuis, que des déficits ! Avec un record de déficit sur douze mois de 75,2 milliards d’euros atteint en octobre 2011.

Déficit commercial français : 62,6 milliards d’euros en août 2017.

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Sources : Minefi, ACDEFI

Après une légère diminution, notamment en 2015-2016, c’est reparti de plus belle en 2017. En août dernier, le déficit commercial français sur douze mois a ainsi atteint 62,7 milliards d’euros, un plus haut depuis août 2014.

De plus, compte tenu de la récente appréciation de l’euro et du ralentissement à venir du premier partenaire commercial de la France (en l’occurrence la zone euro), une nouvelle dégradation est à attendre pour la fin 2017 et surtout 2018.

Mais attention ! La vigueur de l’euro et la faiblesse structurelle de la croissance eurolandaise ne sont pas des obstacles insurmontables. La preuve : malgré ces deux inconvénients, l’Allemagne ne cesse d’engranger des excédents commerciaux. En fait, son dernier déficit commercial remonte à 1951 !

Depuis, grâce une spécialisation géographique et sectorielle audacieuse, mais aussi grâce à une modernisation massive et permanente de son économie, l’Allemagne dégage des excédents commerciaux structurels impressionnants. A savoir, environ 20 milliards d’euros par mois et près de 250 milliards par an.

Excédent commercial allemands : 20 milliards d’euros par mois et 250 milliards par an !

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Sources : Destatis, ACDEFI

Souvent présentée comme le fruit d’une faiblesse chronique de la demande intérieure et donc des importations, cette réussite s’explique surtout par un dynamisme flamboyant des exportations allemandes de biens et services.

Ces dernières ont atteint 1 450 milliards d’euros en 2016 et devraient avoisiner les 1 475 milliards d’euros en 2017.

A titre de comparaison, celles de la France ont été de 652 milliards d’euros en 2016 et devraient se stabiliser à ce niveau en 2017. Soit un écart de 126 % avec l’Allemagne alors que l’écart de PIB n’est que de 34 %.

Le graphique ci-après montre d’ailleurs combien l’écart n’a cessé de se creuser depuis les deux dernières décennies.

Exportations de biens et services : 126 % d’écart !

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Sources : Eurostat, Prévisions ACDEFI

De quoi rappeler combien l’absence de réformes structurelles et de stratégies efficaces de spécialisation internationale coûte cher à l’économie française.

Et ce, pas seulement sur le front du commerce extérieur, puisqu’un tel écart de performances s’observe également en matière de comptes publics. Ainsi, pour la quatrième année consécutive, l’Allemagne devrait dégager un excédent public. En 2017, il avoisinera même 0,8 % du PIB.Très loin de ces performances, le dernier excédent public français remonte à 1974. Quant à la fameuse barre des 3 % de déficit/PIB, elle n’a plus été atteinte depuis 2007 et ne le sera certainement pas non plus en 2017, malgré les annonces du gouvernement.

Comptes publics : excédents versus déficits…

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Sources : INSEE, Destatis, Prévisions ACDEFI

Ces écarts ne tombent évidemment pas du ciel. Ils sont principalement dus à une optimisation des dépenses publiques outre-Rhin, contre une aggravation des gaspillages publics en France.

Dépenses publiques / PIB : 57 % en France, 44 % en Allemagne.

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Sources : Destatis, INSEE, Eurostat, ACDEFI

Conséquence logique de ces écarts, les ratios « dette publique / PIB » ont également évolué de manière divergente depuis 2010. Ainsi, après avoir frôlé les 81 % en 2010, celui-ci n’a cessé de baisser outre-Rhin, pour finalement tomber à environ 64,5 % en 2017.

Dette publique / PIB : 100 % en France, 64 % en Allemagne.

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Sources : Destatis, INSEE, FMI, Eurostat, ACDEFI

A l’inverse, alors que le ratio « dette publique / PIB » était très proche de celui de l’Allemagne jusqu’en 2010, le « ciseau » s’est ouvert depuis lors. Et pour cause : de 81 % en 2010, celui-ci est désormais de 99,2 % et devrait rapidement passer la barre des 100 %.

En conclusion, que ce soit sur les fronts de la croissance, du chômage, de la balance commerciale, du déficit public et de la dette publique, rien n’y fait : la France perd par chaos face à l’Allemagne. Espérons simplement qu’un jour cela changera vraiment et durablement…

 

Marc Touati