Indigne de la sixième puissance économique mondiale ! Telle pourrait être la synthèse du débat de l’entre-deux tours. En fait, ce dernier a été à l’image de la campagne des présidentielles 2017 : fatiguant, agressif et au ras des pâquerettes. En un mot : catastrophique.
Dire que certains commentateurs français s’étaient « amusés » des débats « Trump-Clinton » en soulignant que cela ne pourrait jamais avoir lieu en France. Désormais, nous sommes devenus « imbattables » en la matière. Dès l’issue du premier tour, il n’y avait d’ailleurs pas de quoi pavoiser avec 50 % des votes en faveur de partis extrémistes et/ou fantaisistes.
Avec le débat du 3 mai, une nouvelle porte a été enfoncée : violence, impréparation, contre-vérités, raisonnements fallacieux. Evidemment, l’essentiel de la responsabilité de ce naufrage revient à Marine Le Pen qui a montré combien sa stratégie de sortie de l’euro n’avait aucun sens si ce n’est d’envoyer la France et l’Europe dans un trou noir suicidaire.
De la sorte, il paraît donc clair qu’Emmanuel Macron sera, sans difficulté, le prochain Président de la République française. Dès dimanche soir, nous devrions donc tous pousser un « ouf ! » de soulagement.
Ceci dit, s’il n’y avait évidemment pas photo avec la leader du front national, M. Macron n’a pas non plus été exceptionnellement bon. Certes, il n’a pas perdu son sang-froid et a su résister aux attaques agressives de sa contradictrice.
Pour autant, des questions demeurent : comment un ancien ministre de l’économie a-t-il pu oublier que le chômage français était moins élevé en 2000 qu’aujourd’hui ? Comment a-t-il pu rater de démontrer avec précision la vacuité du discours de Mme Le Pen sur la fin de l’euro et le retour du franc ? Enfin, comment a-t-il pu être si faible sur sa position dans la lutte contre le terrorisme ?
En d’autres termes, si la France évitera certainement et heureusement la dérive extrémiste, elle n’est pas pour autant sûre de retrouver le chemin de la crédibilité et de la vigueur économique.
Certes, au regard des derniers indicateurs avancés de la conjoncture internationale et française, le Président Macron pourrait bénéficier d’un contexte économique favorable, à même de faire passer ses réformes sans trop de tensions et de mécontentements sociaux.
Cependant, ne soyons pas dupes : cette amélioration conjoncturelle est par définition fragile. Et ce, d’autant que les élections législatives paraissent loin d’être gagnées pour le nouveau Président.
Dans ce cadre, plusieurs questions déterminantes se posent : M. Macron aura-t-il une majorité nette pour gouverner ? De quelle majorité s’agira-t-il ? Devra-t-il composer avec une majorité de droite, ouvrant la voie à une cohabitation ? Ou alors, aucune majorité ne sortira-t-elle des législatives, ce qui plongerait la France dans une crise de gouvernance durable ?
A l’évidence, les risques politiques demeurent élevés et pourraient entraver la bonne marche de l’économie française et plus globalement de celle de la zone euro au cours des prochains trimestres.
D’où une question essentielle : comment la France en est-elle arrivée là ? Comment le niveau de son débat politique et économique a-t-il pu tomber si bas ? Deux réponses principales nous paraissent devoir être mises en avant.
D’une part, le manque de courage des dirigeants politiques depuis trente ans, qui a empêché la France de moderniser ses structures économiques et qui l’a plongée dans la croissance molle et le chômage de masse.
D’autre part, le manque de culture économique qui a maintenu de trop nombreux Français dans l’ignorance et les a malheureusement incités à se laisser tenter par les partis extrémistes.
Il est donc urgent que cette situation change et que tout soit fait pour développer la culture économique des Français, non pas vers l’ultra-libéralisme ou la surpuissance publique, mais simplement vers le bon sens. Tout le monde devra être mis à contribution : l’éducation nationale, les médias, les entreprises, les syndicats et, bien sûr, les économistes.
Il faut effectivement sortir du vieux carcan anticapitaliste qui est malheureusement trop présent dans les manuels scolaires et ailleurs. Cela permettra notamment de faire comprendre aux jeunes et aux moins jeunes que si le système capitaliste n’est évidemment pas parfait, il est le seul capable de fonctionner, comme l’ont montré les échecs cuisants des autres expériences. Dès lors, ce n’est pas en le détruisant que l’on créera un monde meilleur, mais en améliorant son fonctionnement.
Sachez que, comme je le fais depuis bientôt vingt-cinq ans, je continuerai de tout faire pour démocratiser l’économie et développer la culture économique des Français. J’espère simplement que, comme je l’ai régulièrement vécu et en particulier depuis cinq ans, on cessera de me mettre des bâtons dans les roues…
Marc Touati