Comme nous l’espérions la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, le pire a bien été évité lors des élections présidentielles françaises. En effet, le duel « Le Pen – Mélenchon », un temps craint pour le deuxième tour n’aura pas lieu. Ouf ! Certes, le scénario idéal « Macron – Fillon », qui aurait pu déboucher sur un vrai débat d’idées, digne de la sixième puissance économique mondiale, ne se produira pas non plus.
Nous aurons donc droit à un duel « Macron – Le Pen », qui, compte tenu de la nette avance de l’ancien ministre de l’économie sur la patronne du Front national lors du premier tour, a rassuré les marchés. Pariant également sur le traditionnel front républicain pour éviter toute mauvaise surprise, ces derniers ont même flambé dans un premier temps. Sur la seule journée du lundi 24 avril, le Cac 40 a ainsi progressé de 4,1 %.
Pour autant, comme cela était également très prévisible, le soufflé est très vite retombé. Et pour cause : les exemples du Brexit et de la victoire de Donald Trump nous ont montré qu’il ne fallait surtout pas aller trop vite en besogne.
D’ores et déjà les résultats du premier tour des présidentielles françaises sont loin d’être aussi euphoriques qu’ils pourraient apparaître. Tout d’abord, parce qu’environ 50 % des votes se sont portés sur des partis anti-européens, voire pro-Frexit. Ensuite, même si, à l’issue du premier tour, M. Mélenchon a enfin montré son vrai visage de haine et d’irresponsabilité, il a néanmoins réussi à fédérer 19,58 % des suffrages sur un programme proche de celui du parti communiste de 1981…
A l’évidence, ces dérapages extrémistes font quelque peu désordre pour un pays qui veut redevenir le leader économique et politique de l’Europe.
Mais ce n’est pas tout, car même si on doit laisser le bénéfice du doute à M. Macron, il faut tout de même reconnaître que, pour la première fois dans l’histoire de la Cinquième République, un Président est en passe d’être élu sans programme clair et précis. Là aussi, cela fait un peu désordre.
Encore plus inquiétant, bien loin de la mobilisation qui avait suivi le choc du 21 avril 2002 et finalement consacré une nette victoire de Jacques Chirac sur Jean-Marie Le Pen au second tour, la fille de ce dernier semble faire jeu égal avec le fils spirituel de François Hollande. Pourtant, pour tout esprit normalement constitué, il ne devrait pas y avoir d’équivoque : mieux vaut « Hollande-bis » que le « trou noir » !
Et attention, si Marine Le Pen réussit à passer la barre des 40 %, l’image internationale de la France risque d’en prendre un sacré coup et pour longtemps. Pour éviter d’en arriver là, il serait donc grand temps que les dirigeants politiques français se mobilisent et aussi qu’Emmanuel Macron muscle son discours et son programme.
D’ailleurs, la vraie bataille se jouera lors des élections législatives des 11 et 18 juin. D’où néanmoins une nouvelle source d’inquiétude, en l’occurrence l’absence de majorité nette pour pouvoir gouverner la France. Si tel est le cas, cette dernière sera alors le théâtre de tractations permanentes, agrémentées de 49.3 et de motions de censure, qui engendreront forcément une crise politique digne de celles qui ont jalonnés la Quatrième République ou encore l’histoire politique italienne récente.
Autrement dit, même si la France a, pour l’instant, évité le pire, elle n’est toujours pas sortie de l’auberge et encore moins susceptible de retrouver le chemin de la modernisation économique, donc de la croissance forte et du plein-emploi.
Or, si la France reste abonnée à la mollesse économique, ses déficits publics et sa dette, mais aussi son taux de chômage augmenteront significativement dès 2017.
Les relations franco-allemandes en sortiront encore entachées et la stabilité de la zone euro de nouveau mise à mal.
Dans ce cadre, les taux des obligations d’Etat se tendront rapidement et fortement, cassant la croissance, augmentant les déficits publics et le cercle pernicieux que nous connaissons malheureusement trop bien continuera.
Voilà pourquoi, tout excès d’optimisme sur les marchés obligataires et boursiers nous paraît vraiment déplacé.
Il faut au contraire rester très prudents, le plus liquide possible et commencer à se positionner sur des valeurs refuges, tels que l’or, le franc suisse, voire les matières premières.
En espérant bien entendu que tous les écueils qui attendent la France et les Français seront évités, il sera alors toujours suffisamment tôt pour revenir sur les marchés actions en toute sérénité, mais pas avant l’été 2017.
Et encore, cela suppose que le Président Macron et son gouvernement d’union nationale engagent de vraies réformes structurelles, sans trop de dérapages sociaux. Pour ce faire, il faudra déployer un effort de pédagogie sans précédent et surtout développer rapidement et massivement la culture économique des Français.
Ah, si toute la débauche de moyens utilisés pour permettre à Emmanuel Macron d’accéder (certainement) à la Présidence de la République pouvaient être mis au service de cette noble cause, l’économie française serait définitivement sauvée…
Marc Touati