Alors que les marchés restent obnubilés par la politique monétaire américaine, ils ont oublié que le principal danger qui les menace n’est pas le niveau des taux directeurs de la Fed, mais l’ampleur du ralentissement de l’économie américaine, qui pourrait être bien plus grave qu’escompté. D’ores et déjà, les comptes nationaux du deuxième trimestre ont indiqué que l’investissement des entreprises reculait notablement, compromettant le cercle vertueux de croissance « investissement-emploi-consommation ».
La baisse de l’investissement des entreprises outre-Atlantique a de quoi inquiéter.
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Sources : BEA, ACDEFI
Parallèlement, comme nous l’avons vu la semaine dernière dans cette même rubrique, les derniers indices ISM des directeurs d’achat montrent que l’activité industrielle se replie et que la croissance dans les services est au plus bas depuis le début 2010.
La rechute de la production industrielle n’augure rien de bon.
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Sources : BEA, Federal Reserve, ACDEFI
Cette semaine, les statistiques américaines de production industrielle et de ventes au détail ont enfoncé le clou.
En effet, comme le montre le graphique précédent, la rechute de 0,4 % de la production industrielle en août se traduit par un repli de son glissement annuel à – 1,1 %. Ce qui n’augure évidemment rien de bon pour l’évolution à venir du PIB. Déjà à seulement + 1,2 % au deuxième trimestre, son glissement annuel pourrait ainsi encore reculer au troisième. Dans le même temps, la baisse de 0,3 % des ventes au détail en août indique qu’après un petit rebond au deuxième trimestre, la consommation des ménages devrait encore ralentir au cours des trimestres suivants. Le premier moteur de l’économie américaine est donc bien en phase de décélération durable. Et ce d’autant que, hors automobile, les ventes au détail ont enregistré leur deuxième mois consécutif de recul.
La baisse des ventes au détail annonce une décélération de la consommation des ménages.
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Sources : BEA, Census Bureau, ACDEFI
Dans ce contexte de ralentissement aggravé, et sauf comportement suicidaire peu probable, il est donc clair que la Fed ne pourra pas remonter son taux objectif des federal funds avant longtemps. Les marchés boursiers américains en ont évidemment profité pour retrouver le sourire. Et pour cause : ces derniers ont compris qu’ils vont encore rester sous morphine monétaire pendant encore plusieurs mois.
Ce qu’ils oublient néanmoins c’est que la morphine apaise la douleur, mais ne guérit pas le malade. Autrement dit, le statu quo durable de la Fed est une bombe à retardement qui n’explosera que lorsque le PIB américain repartira à la baisse et que la Réserve fédérale ne pourra rien faire pour le redresser, si ce n’est un énième « quantitative easing », qui ne produira que des effets très limité sur l’activité économique.
A cause d’une politique trop attentiste, la Fed ne pourra pas relancer la machine lors de la prochaine crise…
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Sources : BEA, ACDEFI
C’est dans ce contexte très compliqué que les Américains vont devoir choisir un(e) nouveau(elle) Président(e). Ce qui ne va évidemment pas arranger la situation de l’économie américaine, déjà fragile.
En fait, aussi bizarre que cela puisse paraître, les programmes économiques de Donald Trump et d’Hilary Clinton ne sont pas si différents qu’on pourrait l’imaginer.
Certes, le premier veut renégocier les traités de libre-échange, tandis que la seconde veut les prolonger sans condition. De même, M. Trump annonce une réduction massive des impôts, notamment pour les entreprises, tandis que Mme Clinton veut augmenter les impôts « sur les plus riches ».
Le programme économique de Trump est-il dangereux ?
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Sources : Parti républicain américain, ACDEFI
Mais à l’exception de ces différences, évidemment notables, les deux candidats à la Maison Blanche se retrouvent sur deux points. D’une part, leur volonté d’engager un vaste programme d’investissements en infrastructures. D’autre part, un grand flou en ce qui concerne le financement de cette relance.
Le programme économique de Clinton ne fait pas rêver…
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Sources : Parti démocrate américain, ACDEFI
Le problème majeur de ces deux programmes réside donc dans le fait que les Etats-Unis n’ont absolument plus de marge de manœuvre de relance, ni monétaire, et encore moins sur le front budgétaire.
L’héritage budgétaire d’Obama sera difficile à digérer…
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Sources : BEA, FMI, ACDEFI
A la différence du second mandat de Bill Clinton et des premiers mandats de Georges W. Bush et de Barack Obama qui ont pu bénéficier des efforts budgétaires réalisés au préalable, l’héritage d’Obama rend quasiment impossible toute forte relance de l’économie américaine en 2017.
Dans ce cadre, quelle que soit l’issue des élections présidentielles du 8 novembre, la croissance des Etats-Unis restera modérée en 2017 (autour de 1,4 % selon nos prévisions), ce qui limitera la marche des affaires internationales, et par là même les performances des marchés boursiers.
Marc Touati