L’inquiétude revient un peu partout, sauf au Royaume-Uni, mais surtout dans la zone euro et en France.

Au lendemain du vote des Britanniques en faveur du Brexit, nous annoncions, notamment dans ces mêmes colonnes, que cette décision malheureuse serait finalement plus coûteuse dans la zone euro et en France qu’au Royaume-Uni.

A l’époque, on nous riait souvent au nez, d’aucuns annonçant même que le Brexit serait une grande chance pour l’économie française et qu’il permettrait notamment de transférer la City de Londres à Paris. Que d’inepties…

Ainsi, cette semaine, les indicateurs Markit des directeurs d’achat dans l’industrie du mois d’août ont confirmé notre prévision. En effet, alors que ces indices font état d’un net ralentissement dans la zone euro et même d’une récession en France, ils annoncent un fort rebond de l’activité au Royaume-Uni.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 51,7 dans la zone euro, 48,3 en France, mais 53,3 au Royaume-Uni. Qui l’eut cru ?

 

La France et la zone euro plongent, mais le Royaume-Uni s’envole. Etonnant, non ?

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Sources : Markit, ACDEFI

De même, alors qu’outre-Manche, l’indice CBI relatif à l’activité dans le commerce de distribution a flambé de 23 points en août, la consommation des ménages français a connu son quatrième mois consécutif de baisse.

La recette britannique est simple : croissance structurelle forte (2,5 %, contre 0,8 % en France et dans la zone euro), dépréciation de la livre sterling pour doper les exportations et le tourisme, annonce d’une baisse de la fiscalité, notamment sur les entreprises et l’investissement au sens large, de manière à inciter celles-ci et les investisseurs à ne pas quitter le Royaume-Uni, voire à s’y installer.

Autrement dit, nous persistons et signons : oui, compte tenu d’une croissance structurelle trop faible, d’une pression fiscale trop élevée et de rigidités trop fortes sur son marché du travail, l’économie française souffrira bien plus que le Royaume-Uni au cours des mois et des trimestres à venir.

D’ores et déjà, comme cela s’observe d’ailleurs depuis plusieurs trimestres, la France reste la lanterne rouge de la zone euro.

 

La France, toujours bonne dernière de la zone euro, même si l’Italie se rapproche.

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Sources : Markit, ACDEFI

Notons, au passage, que l’industrie italienne est repassée en territoire négatif et que son homologue espagnole commence également à ralentir significativement.

Plus globalement, l’ensemble de la zone euro est aussi en phase de ralentissement et son taux de chômage a cessé de baisser.

 

Zone euro : la croissance ralentit et le chômage stagne.

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Sources : Eurostat, ACDEFI

Dès lors, dans la mesure où la décélération de l’économie eurolandaise est appelée à se poursuivre, il est clair que le taux de chômage de la zone euro restera incapable de rejoindre le niveau des Etats-Unis. Au moins pendant une bonne dizaine d’années.

 

Taux de chômage eurolandais : tomber au niveau américain est devenu impossible.

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Sources : Eurostat, BLS, ACDEFI

Et là aussi, la France se distingue par ses contre-performances, puisque son taux de chômage a augmenté de 0,2 point en juillet, repassant au-dessus de celui de la zone euro, à respectivement 10,3 %, contre 10,1 %.

 

Taux de chômage : la France repasse devant la zone euro et reste bien sûr loin devant l’Allemagne et le Royaume-Uni.

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Sources : Eurostat, ACDEFI

En fait, en juillet, on ne recense que deux pays de la zone euro dans lesquels le taux de chômage augmente : la Lituanie et la France.

Après le retour probable de la récession, ce triste résultat rappelle combien le bilan de M. Macron est loin d’être formidable…

Dans le même temps, alors qu’en 2016 le gouvernement français va consacrer au moins deux milliards d’euros pour proposer des formations aux jeunes, de manière à les faire sortir des statistiques du chômage de catégorie A, le taux de chômage des moins de 25 ans reste proche des 25 % (24,4 % précisément en juillet).

 

Taux de chômage des moins de 25 ans : en dépit des « formations jeunes », la France a quasiment rejoint le Portugal.

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Sources : Eurostat, ACDEFI

Il n’est plus qu’à 1,9 point de son homologue portugais, alors que l’écart entre ces deux taux de chômage était de 15 points en février 2013 et d’encore près de 8 points fin 2015.

Le pire est que la situation de l’économie française est toujours très loin de pouvoir s’arranger, non seulement car elle va entrer dans une phase d’attentisme pré-électoral, mais aussi car la croissance mondiale va demeurer relativement molle au cours des prochains trimestres.

C’est notamment ce qu’indique la baisse des indicateurs d’achat dans l’industrie tant en Chine qu’aux Etats-Unis.

L’industrie chinoise est toujours convalescente.

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Sources : NBSC, Caixin, ACDEFI

En Chine, après une nette remontée en juillet à 50,6, l’indice Markit Caixin des directeurs d’achat dans l’industrie est reparti à la baisse retrouvant la barre fatidique des 50. De quoi confirmer que l’industrie chinoise reste anémiée et pour le moment incapable de retrouver le chemin de la croissance forte.

Encore plus inquiétant et surtout plus inattendu, l’indice ISM des directeurs d’achat dans l’industrie américaine a nettement rechuté en août, repassant même sous la barre des 50, à 49,4 précisément.

 

L’industrie américaine rechute.

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Sources : BEA, ISM, ACDEFI

S’il n’y a pour l’instant par péril en la demeure, ce recul montre que la croissance américaine reste très fragile et ne pourra guère dépasser 1,4 % tant cette année que l’an prochain. Avec en ligne de mire une baisse du PIB américain pour la fin 2016 ou le début 2017… Please fasten your seatbelts…

Marc Touati