Après un été 2015 de forte tempête boursière dans le sillage de la crise chinoise, les marchés ont retrouvé le sourire au cours de l’été 2016.
Pourtant, tout avait bien mal commencé avec le vote en faveur du Brexit. Sur la seule journée du 24 juin, le Cac 40 chutait ainsi de 8 %, avant de perdre encore 3 % le 27 juin. Mais ce fut finalement plus de peur que de mal, puisque dès le 8 août, le Cac 40 a dépassé son niveau du 23 juin.
Notons néanmoins qu’il ne parvient plus à retrouver ses précédents sommets et demeurent coincé dans l’intervalle « 3800-4500 » que nous avions annoncé il y a environ deux ans.
Si le Cac 40 apparaît certes relativement surévalué mais néanmoins sous-contrôle, d’autres indices connaissent des évolutions beaucoup plus démentielles. A commencer par le Dow Jones. En effet, après une baisse de 4,8 % les 24 et 27 juin derniers, l’indice phare de la bourse américaine a très vite repris le chemin de la hausse vertigineuse. Mieux, dès le 14 juillet, il est repassé au-dessus de la barre des 18 500 points, cumulant les records historiques, et culminant même à 18 636 le 15 août.
Autrement dit, en dépit des dangers économiques, financiers, terroristes et géopolitiques, ou encore de la faible efficacité de la politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique, les marchés boursiers avancent tête baissée.
Le Cac 40 reste coincé entre 3800 et 4500, mais le Dow Jones s’envole dangereusement…
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Source : ACDEFI
Soyons sérieux : cette flambée aveugle et inextinguible (en particulier pour le Dow Jones) commence à devenir vraiment inquiétante. En effet, elle ne fait que correspondre à une bulle, entretenue par des banques centrales excessivement accommodantes et qui manquent de plus en plus de discernement.
Les investisseurs boursiers restent donc sous dépendance d’un excès de morphine et ne parviennent plus à voir la réalité en face.
Mais il faudra bien se réveiller un jour et cela risque forcément d’être brutal. En d’autres termes, les marchés boursiers ne connaîtront pas de « soft landing » et resteront au contraire affectés par des mouvements de plus en plus violents tant à la baisse qu’à la hausse.
Moins volatils mais tout aussi incompréhensibles, les taux d’intérêt des obligations d’Etat ont continué leur descente historique, qui s’apparente davantage à une descente aux enfers qu’à un moteur de croissance.
Taux d’intérêt des obligations d’Etat : de plus en plus bas, de plus en plus fous.
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Source : ACDEFI
En effet, depuis le 14 juin dernier, le taux d’intérêt à 10 ans du Bund allemand est négatif. Quant à son homologue français, il se situe autour de 0,1 % depuis la fin juillet. Mieux, ou plutôt pire, les taux d’intérêt de l’Etat français sont négatifs jusqu’aux échéances de 9 ans. Enorme !
A la rigueur, si le « flight to quality » vers les obligations allemandes peut en partie se comprendre (sans pour autant justifier des taux négatifs), la faiblesse des taux longs français défie l’entendement.
Certes, la planche à billets de la BCE produit ses effets pernicieux (cf. notre « humeur » de cette semaine). Pour autant, ce mouvement ahurissant fait complétement l’impasse sur les risques économiques, politiques et sociétaux qui ne cessent de peser sur la France. Sans oublier une dette publique de bientôt 100 % du PIB, et un déficit public qui sera nettement supérieur aux objectifs gouvernementaux.
Mais, non, tous ces éléments tangibles et dangereux sont effacés du cerveau des investisseurs, qui préfèrent donc continuer de planer sous les effets des drogues hallucinogènes distribuées à l’envi par la BCE.
Et il y a encore plus fort. En effet, bien loin d’intégrer les risques qui pèsent sur les banques italiennes et sur la stabilité politique de notre partenaire transalpin, le taux à dix ans de la dette publique italienne a atteint un plus bas de 1,029 %. Son taux d’intérêt à cinq ans n’est que de 0,15 % et ses taux sont négatifs jusqu’à l’échéance de 3 ans.
Un taux dix ans de 1 % en Italie et 0,9 % en Espagne. Incredibile !
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Sources : Eurostat, ACDEFI
Toujours plus haut sur l’échelle de la magie, les taux d’intérêt des obligations de l’Etat espagnol sont négatifs jusqu’à l’échéance de quatre ans et son taux à dix ans n’est que de 0,89 %.
En fait, il n’y a finalement que la Grèce et le Portugal qui présentent des taux d’intérêt obligataires relativement normaux (et encore !) : 2,8 % pour le taux dix ans portugais et 8,1 % pour son homologue grec.
A part au Portugal et en Grèce, les taux d’intérêt des obligations d’Etat défient l’entendement.
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Sources : Eurostat, ACDEFI
Cela doit donc nous rappeler que les investisseurs ne sont pas encore complètement fous et qu’ils finiront forcément par retrouver leurs esprits.
Cela signifie que tôt ou tard, les taux d’intérêt des obligations des autres Etats eurolandais finiront par remonter nettement.
Le problème est que, compte tenu des niveaux actuels, même si le taux de l’OAT à 10 ans retrouve la barre de 1 %, ce qui restera donc très faible, cela constituera tout de même un krach obligataire. Avec toutes les conséquences négatives que cela suppose sur la stabilité financière mais aussi sur la croissance et le chômage.
Alors, Messieurs les investisseurs, continuez de rêver si vous le souhaitez, mais préparez-vous tout de même à un réveil douloureux.
Marc Touati