En ce début du mois de mars, les traditionnelles giboulées s’abattent violemment sur l’UMP et sur Nicolas Sarkozy. Jean-François Copé tout d’abord, qui est mis en cause par le magazine Le Point pour avoir favorisé des proches dans la vente d’immeubles d’Etat quand il était ministre, et pour avoir attribué des marchés surfacturés à l’agence de communication Bygmalion dirigée par des proches. Entre Copé et Franz-Olivier Giesbert, qui considère le patron de l’UMP comme un boulet pour son parti et l’a ouvertement traité de tricheur, faisant référence à son élection à la tête de l’UMP, ce n’est pas franchement l’entente cordiale. Aujourd’hui, Jean-François Copé n’est ni plus ni moins accusé d’être un voleur car il aurait spolié l’UMP. Si ces accusations sont extrêmement graves, elles ne sont pas gratuites et Copé se doit de prouver son innocence.
Malheureusement, loin de calmer l’incendie lors de la conférence de presse qu’il a organisé pour se défendre, Copé n’a fait que souffler sur les braises. Peu convaincant, le rival de François Fillon a choisi comme mode de défense l’attaque tous azimuts. Loin d’apporter la démonstration de son innocence, il réclame davantage de transparence financière et annonce deux propositions de loi. Sont visés les partis ayant des représentants à l’Assemblée Nationale, au Sénat ou au Parlement Européen mais aussi les principaux dirigeants et salariés des groupes de presse qui utilisent des fonds publics. Si et seulement si ces deux propositions de loi sont votées, alors Copé jouera la transparence… Un comble lorsque l’on sait que le président de l’UMP avait voté contre la législation sur la transparence de la vie publique élaborée après le scandale Cahuzac. En d’autres termes, nous n’avons aucune réponse sur le fond mais uniquement des mises en cause sur l’ensemble de la presse et des partis. Copé, c’est un peu comme les sables mouvants, plus il s’agite plus il s’enfonce. Le problème est qu’il nuit gravement à la santé de son parti à quelques semaines des municipales. Alors que le bateau UMP n’avait pas vraiment de cap ni de commandant de bord digne de ce nom, il prend désormais l’eau et il va falloir écoper.
Deuxième affaire de taille pour ne pas dire une petite bombe : les écoutes Buisson. Il est en effet désormais avéré que le conseiller de Nicolas Sarkozy enregistrait les conversations de l’ex-président à son insu. Ancien journaliste et directeur de la rédaction du journal Minute, Patrick Buisson est un personnage sulfureux qui suscite des réactions extrêmes d’attraction ou de répulsion. Au choix : spin doctor, directeur de conscience, éminence grise de Nicolas Sarkozy, il est considéré par l’ex-locataire de l’Elysée comme celui à qui il doit sa victoire en 2007, rien de moins. Autant Jacques Chirac fut subjugué intellectuellement par Juppé puis par Dominique de Villepin, autant Nicolas Sarkozy fut quant à lui fasciné voire « envouté » par le stratège Buisson. Tant et si bien que quand en 2012, deux camps se sont affrontés dans l’équipe de campagne, les pro Buisson partisans d’un virage droitier et les « anti-Buisson » menés par NKM, Nicolas Sarkozy opta pour la ligne dure de son «brillantissime » conseiller avec les résultats que l’on connaît.
De 2007 à 2012, Buisson était entré dans le saint des saints à l’Elysée, à savoir la fameuse réunion des communicants qui se tenait trois à quatre fois par semaine dans le salon vert. Faisaient également partie de ce groupe : Claude Guéant (Secrétaire Général), Henri Guaino (Conseiller spécial et plume du Président), Franck Louvrier (responsable de la communication), Pierre Giacometti (spécialiste des sondages), Jean-Michel Goudard (publicitaire), Xavier Musca (Secrétaire Général adjoint de l’Elysée) bientôt rejoints par le conseiller élyséen Camille Pascal (pro Buisson et l’une des plumes du président). Notons que parfois la réunion se tenait le dimanche soir au domicile du Président et de son épouse, donc dans leur intimité. Là encore, deux sensibilités politiques se distinguaient : tout d’abord la ligne nationale incarnée par Guaino et Buisson, ensuite une ligne plus européenne et plus libérale défendue par Xavier Musca et Pierre Giacometti.
Alors qu’il avait l’entière confiance et l’estime totale de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson a enregistré à l’aide d’un dictaphone caché dans sa veste environ cent heures de conversations parfois informelles au plus haut niveau de l’Etat. Certains de ses enregistrements ayant « fuité », leur contenu s’avère édifiant et dépeint une monarchie républicaine dans laquelle prévaut un mépris profond envers certains ministres, mais aussi envers Nicolas Sarkozy lui-même. Paradoxalement, l’ex-locataire de l’Elysée, souvent décrié et caricaturé, apparait à l’écoute de ces bandes relativement « soft » dans ses jugements en comparaison des deux cerbères…
Alors que cette trahison sous forme d’enregistrements est une première dans l’histoire de la Vème République, la ligne de défense de Buisson est affligeante. Ainsi, on nous explique que si certains conseillers prenaient des notes, Buisson avait pour sa part opté pour des enregistrements jugés plus pratiques et qui devaient être par la suite détruits. Son conseil n’hésite d’ailleurs pas à affirmer que « jamais M. Buisson n’a enregistré à son insu M. Sarkozy », son dictaphone étant un simple outil de travail. Ce n’est plus une couleuvre mais un anaconda… Un détail insignifiant a cependant été omis par la défense, c’est que « l’espion de l’Elysée » n’a jamais demandé aucune autorisation avant de procéder à ses enregistrements. Au-delà de la trahison, il y a également violation de la vie privée justifiant la plainte déposée par le couple Bruni-Sarkozy.
Le conseiller officieux qui s’est fait subtiliser une partie de ses enregistrements, provocant les révélations du Canard Enchainé et du site Atlantico, se pose aujourd’hui en victime. En d’autres termes, Buisson n’était pas mal intentionné mais on cherche à lui nuire. Il est vrai que pris la main dans le sac ou plutôt le dictaphone dans la poche, les options de défense possibles sont plus que limitées. Bien loin d’un verbatim sur les années Sarkozy, il semblerait que Buisson ait voulu protéger son avenir en conservant des moyens de pression. Si Sarkozy est aujourd’hui réellement victime d’un de ses conseillers les plus influents, on peut néanmoins lui reprocher une énorme erreur de casting dans le choix de ce collaborateur. En adhérant à la ligne Buisson en 2007 et en 2012 et en accordant une confiance totale à ce dernier pendant près de dix ans, l’ex-président semble avoir fait un « pacte Faustien ». Aveuglé par sa soif de pouvoir et par ses ambitions présidentielles, Sarkozy découvre aujourd’hui le vrai visage de son éminence grise monarchiste. Cette affaire est très loin d’être terminée car certains enregistrements pourraient éclairer les juges sur la manière dont Buisson aurait bénéficié entre 2007 et 2012 de contrats généreux avec l’Elysée, attribués sans appel d’offre…
Quoi qu’il en soit, à moins de trois semaines des élections municipales, les affaires Copé et Buisson font indéniablement le jeu de Marine Le Pen.
La phrase de la semaine :
« Delanoë, c’est Gabegie le magnifique ! » de Charles Beigbeder.
Jérôme Boué