Après un beau rallye de fin d’année qui venait couronner deux années de forte remontée, les marchés boursiers commencent à marquer le pas. Est-ce la crainte d’une nouvelle crise des pays émergents qui inquiètent les investisseurs ou s’agit-il d’un mouvement plus global et plus profond ? En fait, dès le premier jour de l’année, le « la » semble avoir été donné : – 1,6 % pour le Cac 40 ou le Dax et – 0,8 % pour le Dow Jones. Or, un vieil adage boursier rappelle que, très souvent, le sens de l’évolution du premier jour est identique à celui de l’ensemble de l’année. Faut-il pour autant en déduire que 2014 va sonner le glas de l’embellie boursière et donner naissance à une nouvelle phase de déprime ? En trois mots : tous aux abris ?
Pas forcément. Certes, les risques qui menacent la planète économico-financière restent malheureusement nombreux. Tout d’abord, et comme d’habitude depuis le 11 septembre 2001, les risques géopolitiques demeurent particulièrement forts : Iran, Syrie, Egypte, Ukraine, Russie, vague d’attentats… N’étant pas devins, nous ne nous appesantirons pas sur le sujet, tout en rappelant qu’une prime de risque « géopolitique » pèse structurellement sur les marchés depuis près de quinze ans. Autrement dit, sauf cataclysme mondial, les dangers géopolitiques sont globalement intégrés dans les cours.
En revanche, les marchés restent soumis à plusieurs risques économiques et financiers qui pourraient surprendre par leur ampleur. Les premiers concernent les pays émergents et notamment les plus fragiles, à commencer par l’Argentine et la Thaïlande. Comme cela s’était déjà observé entre 1997 et 2000, les difficultés de certains pays émergents tiennent à l’appréciation excessive de leur devise entre 2010 et début 2013. En effet, au cours de cette période, les pays émergents attiraient de plus en plus d’investisseurs, à la recherche d’une croissance et de profits qui avaient disparu dans les pays développés. De ce fait, la demande de devises émergentes a flambé, entraînant une appréciation excessive de celles-ci. Ce mouvement intempestif a mécaniquement ralenti la croissance de ces pays, suscitant désormais une dépréciation de leur devise. Grâce à cette dernière, la machine économique devrait progressivement se remettre en ordre de marche, limitant le risque « émergent » dans son ensemble. Et ce, d’autant qu’avec des réserves de change de plus de 3 800 milliards de dollars, la Chine pourra contrecarrer tout risque de fort ralentissement, restant par là même la locomotive du monde émergent et de la planète dans son ensemble.
Le deuxième danger économique qui menace les marchés est localisé aux Etats-Unis. Outre les traditionnels blocages budgétaires qui jalonneront l’année 2014, la principale crainte réside dans la probable fin de la politique monétaire ultra-accommodante de la Fed. Fort heureusement, la nouvelle Présidente Janet Yellen est une colombe. Elle s’emploiera donc à couper la perfusion monétaire avec doigté et sans clash. Voilà pourquoi, les Etats-Unis devraient rester sur le chemin d’une croissance soutenue, limitant par là même l’ampleur des mouvements baissiers sur les marchés boursiers.
Enfin, la troisième grande menace qui pèse sur le « monde de la finance » pourrait bien être fatale. En l’occurrence, la réactivation de la crise de la dette publique, notamment en Europe et en particulier en France. En effet, si, en dépit du bon sens et de son communiqué alarmiste, Moody’s a refusé de dégrader la note de la France, elle n’a pas manqué de rappeler que l’économie hexagonale demeurait exsangue et qu’elle risquait par là même de replonger très rapidement. En clair, l’agence de notation et plus globalement l’ensemble des investisseurs souhaitent donner une dernière chance à François Hollande, qui semble enfin prêt à changer son fusil d’épaule avec le « pacte de responsabilité ». Seulement voilà, si, dans six mois, la croissance reste molle, le chômage élevé et les déficits publics supérieurs aux objectifs, le couperet finira forcément par tomber. Dans ce cadre, les taux longs remonteront en France et dans de nombreux pays de l’UEM, entraînant une nouvelle crise économico-financière, sur fond de déflation.
Dans ce contexte, quel conseil peut-on donner à un investisseur qui souhaite passer une bonne année 2014 ? Tout d’abord, ne nous emballons pas : la prudence devra rester de mise et il faudra favoriser les stratégies d’aller-retour sur les marchés boursiers.
Parallèlement, il serait de bon augure de délaisser les dettes publiques, notamment des pays développés, en particulier de la France, puisque les taux longs devraient augmenter significativement d’ici l’automne prochaine (au-dessus des 3,5 % pour le taux de l’OAT 10 ans). Dans le même temps, les cours immobiliers devraient continuer de baisser, notamment dans l’Hexagone, si ce n’est sur des biens rares, qui resteront la chasse gardée des qataris et autres investisseurs du golfe persique.
Compte tenu de la résistance de l’économie américaine et du virage de la Fed, dans un contexte de renouvellement de la crise en Europe, il faudra aussi miser sur le dollar contre l’euro. Dans ce cadre, il sera également opportun de ne pas spéculer sur les matières premières et les métaux précieux, qui resteront très volatils et globalement peu attractifs.
En fait, pour éviter de « prendre le bouillon » en 2014, les investisseurs devront se focaliser sur leur vrai métier, à savoir le financement des entreprises qui investissent sur des niches, qui innovent et ont un rayonnement à l’international, notamment dans les terres à forte croissance, y compris dans les pays émergents « sûrs ».
Ne l’oublions pas, en temps normal, le but d’un bon investissement financier n’est pas de gagner de l’argent facilement en faisant quelques bons allers-retours très lucratifs. Si cette stratégie peut se défendre, le véritable but d’un placement boursier est d’investir sur le moyen-long terme non pas pour « faire des coups », mais pour récupérer des dividendes sur des entreprises qui t su faire les bons choix stratégiques.
La vraie et noble finance n’est pas celle décrite dans « le loup de Wall Street », comme certains voudraient le laissesr croire. Elle consiste, au contraire, à promouvoir le développement économique et, in fine, l’emploi. Bref, même si l’expression est désormais interdite dans l’Hexagone, c’est une gestion « de bon père de famille » qui devra désormais être favorisée…
Marc Touati