PEA : Professionnels En Arnaques

Coup de poignard ! Vol ! Guet-apens ! Holdup ! Racket ! Si la énième séquence fiscale du gouvernement a fait jaser de nombreux observateurs, cette fois-ci un point de non-retour semble avoir été atteint. En cause notamment, la rétroactivité sur la fiscalité du Plan Epargne en Actions (PEA) prévue par la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2014 (LFSS). Une rupture unilatérale et fourbe du contrat de confiance entre le gouvernement et les citoyens français pour la modique somme de 600 millions d’euros…

Après « Où est Charlie ? », place au jeu de « La taxe cachée ».

« Le temps est venu de faire (…) une pause fiscale ». Cette annonce hâtive de François Hollande le 30 août dernier, avait pour objectif d’apaiser les craintes des entreprises et des ménages français dans un contexte de reprise économique timide. Une joie pourtant de très courte durée. Rapidement en effet, le premier ministre Jean Marc Ayrault n’eut d’autre choix que de reporter la pause fiscale à 2015. Un exemple consternant de la cacophonie fiscale qui domine le paysage économique et social français.

Et les couacs se suivent et se ressemblent ; d’abord l’annonce d’une nouvelle taxe…, puis la rétractation…, puis finalement le maintien tout en insistant sur le caractère éphémère de la nouvelle taxe qui…, en fait n’est pas nouvelle puisque c’est l’assiette qui se trouve modifiée etc. Il paraît ainsi clair que « le temps est venu de faire » l’acquisition d’une boussole commune afin de cesser la navigation à vue.

C’est dans ce chahut qu’une taxe « cachée » sur les placements est en train de voir le jour. Certains placements qui bénéficiaient jusqu’ici d’une fiscalité allégée vont en effet être désormais taxés à hauteur de 15,5%. S’il s’agit officiellement d’une simplification fiscale portant sur des placements comme l’assurance-vie et surtout les PEA, force est de constater que l’addition devrait être lourde pour de nombreux contribuables français. Car cette loi s’applique de façon rétroactive depuis 1997.

Les gains réalisés sur les PEA étaient jusque-là taxés en fonction du taux applicable l’année où ils étaient réalisés ; à titre d’illustration, les plus-values de 2004 étaient taxées à 10% et celles de 1997 à 4%. Un taux unique de 15,5% s’appliquera désormais sur l’ensemble des gains réalisés sur les PEA, quels que soient l’année et le taux alors en vigueur. De quoi provoquer, fort logiquement, la colère de nombreux épargnants.

Il y a dix ans en effet, alors que la mode était aux produits structurés et aux effets de levier, beaucoup ont préféré investir sur l’entreprise et l’économie réelle. Au risque même de passer pour des ringards. Et quand les tenants de l’innovation financière allaient droit dans le mur, les ringards se transformaient progressivement en chevaliers blancs. Cet énième alourdissement fiscal sonne ainsi clairement comme une trahison.

Et que dire de la manière ? Cette nouvelle disposition fiscale a été subtilement glissée dans les 136 pages que comptent le PLFSS 2014 sans que le gouvernement ne s’attarde sur sa justification économique et sociale… De là à penser qu’il n’y en a pas, la tentation est forte. Le diable se trouve dans les détails, c’est bien connu. Cette absence de communication a en outre de quoi surprendre tant le gouvernement a jusqu’à présent excellé en la matière.

La rétroactivité sur la fiscalité du PEA devrait ainsi rapporter à l’Etat environ 600 millions d’euros. Oui, vous avez bien entendu, 600 millions d’euros. A titre indicatif, la dette de la France est légèrement inférieure à 2 000 milliards d’euros, dont 150 milliards de dette sociale (comprenez l’accumulation des déficits de la sécurité sociale). Briser la confiance d’un grand nombre de français pour l’équivalent d’une caisse de supérette de quartier apparaît alors clairement être une stratégie inquiétante pour le pays.

Un scénario à la chypriote plutôt que la diminution réelle de la dépense publique ?

Combien de temps la schizophrénie gouvernementale va-t-elle encore durer ? Car la hausse de la fiscalité sur le PEA s’inscrit en totale contradiction avec le rapport sur l’épargne financière co-rédigé par Karine Berger et Dominique Lefebvre. Remis le 2 avril 2013 aux ministres Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, ce rapport préconise en effet la consolidation de la confiance des épargnants et l’incitation en des placements longs afin de mieux répondre aux besoins de financement et notamment ceux des PME. Un véritable éloge de l’épargne longue… pour mieux la manger ? Sans-doute.

Manifestement, la surtaxe du PEA se révèle être d’une incohérence totale. Plus particulièrement au regard de la création du PEA-PME dont le lancement est prévu début 2014. L’objectif de ce nouveau produit consiste en effet à drainer l’épargne des français vers des firmes de taille moyenne. Et si ce placement présente les mêmes « avantages » fiscaux que son grand frère le PEA, il y a fort à parier que les épargnants rechignent à y placer leurs disponibilités ; la notion d’acquis fiscal n’étant désormais plus garantie pour les placements à long terme, un réflexe « court terme » devrait être adopté.

Un véritable bonneteau fiscal de plus en plus insupportable qui ne fait qu’écorcher l’image de l’hexagone à l’étranger et briser la confiance de l’ensemble des français. La confiance ? Certainement l’élément le plus important pour assister à un rebond de la consommation et surtout de l’investissement pour in fine pouvoir renouer avec des taux de croissance positifs. Seule une hausse du PIB permettrait en effet la création d’emplois et allégerait le fardeau du poids de la dette qui se rapproche dangereusement du seuil des 100%.

Cependant, à défaut de taux de croissance positif, la hausse de la fiscalité semble être l’unique option que le gouvernement a trouvée pour épouser la trajectoire budgétaire dictée par Bruxelles. Une rigueur intolérable qui ne touche quasiment pas la dépense publique. Une rigueur intolérable qui ne fait que cibler les entreprises et, désormais, les épargnants. Une rigueur intolérable qui s’apparente à un bail in où personne n’aurait une chance de s’en sortir. A se demander même si l’ile de Chypre ne serait pas devenue frontalière à la France.

Dans un rapport récent, le très sérieux, mais néanmoins de moins en moins crédible, FMI a tenté d’avancer ses solutions aux problèmes d’endettement des pays développés. Et alors que les Etats-Unis étaient en plein shutdown et négociaient le relèvement du plafond légal de la dette, l’institution a préconisé l’instauration d’une taxe à taux unique de 10% sur toute l’épargne financière nette des ménages. Ceci revient à faire payer ceux qui ont préparé leur avenir au détriment de ceux qui ont dépensé de l’argent qu’ils n’ont jamais eu.

Force est donc de constater que la rétroactivité sur la fiscalité du PEA ressemble en tous points à la recommandation du FMI. Et à l’aube d’une nouvelle dégradation de la notation souveraine française, il est évident que les responsables politiques français se sont de nouveau livrés à une improvisation fiscale dont eux seuls ont le secret. A moins que la France ne soit sous plan FMI sans que personne ne le sache…

 

Achevé de rédiger le 24 octobre 2013,

Anthony Benhamou, anthonbenhamou@gmail.com