Certains se souviennent peut-être de la palme d’or du 42ème festival de Cannes « Sexe, mensonges et vidéos ». Vingt-quatre ans plus tard, le gouvernement français est en train de nous en jouer un mauvais remake. A une différence près : le vice n’est pas relatif au sexe mais à la dette. Que cela n’aurait-il pas été si DSK était aux manettes… Blague à part, la présentation du projet de loi de finances pour 2014 a encore donné un exemple flagrant que, comme cela s’observe d’ailleurs depuis une vingtaine d’années, la politique économique hexagonale se résume à une débauche de moyens marketing, de tours de passe-passe et de faux-semblants, le tout relayé sans broncher par la quasi-totalité des médias français. On se croirait presque revenu « au bon vieux temps » de la Pravda, organe médiatique unique de la « grande démocratie » qu’était l’URSS.
Ainsi, à en croire DJ Mosco et Super Cazeneuve, les dépenses publiques vont baisser de 15 milliards d’euros en 2014. Formidable. Une annonce unanimement relayée et qui est pourtant un mensonge éhonté. En effet, ces 15 milliards ne constituent absolument pas une baisse des dépenses mais une moindre augmentation par rapport à la tendance dite « naturelle » de progression des dépenses publiques. Et oui, en France, la tendance naturelle de ces dernières est forcément une augmentation ! C’est à se demander comment certains pays, tels que l’Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et même l’Italie, l’Espagne ou encore dernièrement, la Grèce ont pu réduire significativement leurs dépenses publiques… Ils ne doivent vraiment pas être « normaux »…
Au-delà du fait que quasiment personne n’a relevé ce mensonge aussi voyant que le nez sur la figure, il n’y a vraiment personne (du moins à ma connaissance) qui rappelé les annonces du même DJ Mosco lors de la présentation du budget 2013 en septembre 2012. Attention les yeux : « La loi de finances 2013 prévoit 10 milliards d’économies, avec un déficit public ramené à 3 % du PIB fin 2013 ». Le plus amusant, ou plutôt le plus triste, est que cette phrase est toujours présente sur le site de Bercy. Résultat des courses : le poids des dépenses publiques dans le PIB est passé de 56,6 % en 2012 à un nouveau record historique de 57,1 %. Aussi bizarre que cela puisse paraisse, tout le monde a l’air de trouver normal que plus de 57 % du PIB de sphère publique soit financée par moins de 43 % de secteur privé. Pourtant, cette équation inacceptable et insoluble ne relève pas du politique ni même de l’économique, mais de la mathématique…
Parallèlement, bien loin des 3 % annoncés, le ratio déficit public/PIB sera de 4,1 % cette année. C’est du moins la prévision gouvernementale. Or, rappelons-nous qu’en septembre 2012, Bercy annonçait un déficit/PIB de 4,5 % et qu’il fut finalement de 4,8 %. Autrement dit, en 2013, ce ratio sera d’environ 4,5 %. Cela signifie que l’effort à réaliser pour 2014 sera d’autant plus difficile que la base de départ est plus grave que celle annoncée dans la loi de finances. Le pire est qu’en dépit de ces dérapages et mensonges à répétition, la Commission européenne a adressé un satisfecit au gouvernement sur son projet de budget 2014. Comme quoi, l’aveuglement est vraiment généralisé.
Ce décalage est encore plus flagrant en matière de dette publique. Il y a un an, le gouvernement annonçait un niveau de 91,3 % du PIB pour la fin 2013. Or, l’INSEE vient de le confirmer, dès le deuxième trimestre 2013, ce ratio a atteint 93,4 %, en progression de 1,6 point par rapport au trimestre précédent. La prévision gouvernementale de 95,1 % pour la fin 2014 devrait donc être atteinte dès la fin 2013.Nous ne pouvons donc que maintenir notre prévision d’un ratio de 100 % pour la fin 2014.
Et ce d’autant que les taux d’intérêt des obligations du Trésor français vont continuer d’augmenter pour se rapprocher des 4 % d’ici un an (pour les échéances à dix ans). De même, les prévisions de croissance de Bercy restent tout aussi hasardeuses que celles effectuées il y a un an. On nous annonçait alors 0,3 % pour 2012 et 0,8 % pour 2013. Ce fut finalement 0 % l’an dernier et ce sera au mieux 0,1 % cette année. Quant à la prévision actuelle d’une croissance de 0,9 % pour 2014, il faut reconnaître qu’elle demeure prudente mais néanmoins sujette à caution.
En effet, en dépit de sa promesse d’une pause fiscale, les impôts vont continuer d’augmenter en 2014. Tout d’abord pour les ménages, avec notamment la baisse du quotient familial et surtout l’augmentation des taux de TVA (de 19,6 % à 20 % pour le taux normal et de 7 % à 10 % pour le taux intermédiaire). Déjà particulièrement moribonde, la consommation va donc flancher nettement l’an prochain. Quant aux soi-disant « cadeaux fiscaux » aux entreprises, il faut bien comprendre qu’ils sont conditionnés et ne viendront qu’en contrepartie d’augmentation d’autres impôts. Au total, si l’activité ne redémarre pas significativement, la charge restera particulièrement lourde pour les entreprises, ce qui les empêchera d’investir et d’embaucher massivement. D’où le maintien d’un taux de chômage élevé, ce qui ne manquera évidemment pas d’accroître le déficit public global.
Ce qui nous amène à l’autre grand mensonge de la semaine, en l’occurrence la baisse artificielle du nombre de chômeurs en août : – 50 000 personnes au total. Un chiffre impressionnant, mais qui l’est beaucoup moins lorsque l’on sait qu’au cours de ce même mois, le nombre de radiations des listes de Pôle emploi pour « défaut d’actualisation » a avoisiné les 80 000 personnes. Corrigé de cet effet pour le peu pernicieux, le nombre de chômeurs a donc plutôt progressé de 30 000 sans-emploi en août. Ah, marketing quand tu nous tiens…
En conclusion, face à ces tristes constats, deux questions essentielles s’imposent : jusqu’à quand le gouvernement français va-t-il réussir à faire illusion et à tromper son monde ? Jusqu’à quand l’omerta de la grande majorité des médias français va-t-elle perdurer ?
Marc Touati