Avec le FN, François a-t-il trouvé le « Fillon » ?

François Fillon est un récidiviste. Suite à une première déclaration en juin, il persiste et signe en affirmant qu’aux municipales, en cas de duel FN/PS, il « conseille de voter pour le moins sectaire des deux » tout en ajoutant cette fois « qu’il peut arriver qu’un socialiste soit plus sectaire qu’un FN ». On ne peut être plus explicite… Ce double « effet kiss cool » a provoqué un tollé quasi général à l’UMP cette semaine : dérapage indigne d’un ancien Premier ministre, cynisme etc. Bref, Fillon est cloué au pilori à gauche comme à droite et seuls Pécresse, Baroin et Borloo ne l’accablent pas.

Avec la diabolisation du FN, il y a un côté presque faustien dans cette posture qui crée la polémique. L’ancien « collaborateur » de Nicolas Sarkozy aurait-il vendu son âme au diable ? En remettant en cause le fameux « nini » ni Front National ni front républicain qui fait quasiment l’unanimité à l’UMP, il est certain qu’il clive. Mais quelle mouche a bien pu piquer le député de la Sarthe ?

Il y a tout d’abord le « buzz médiatique ». N’oublions pas que Fillon est candidat déclaré pour la primaire de 2016 dans la perspective de l’élection présidentielle de 2017. Comme le montre également sa récente apparition avec Poutine il cherche à exister en occupant le terrain et sur ce plan, force est de constater que cet objectif est largement atteint. Principal rival de Jean François Copé, il fait désormais de la surenchère vis-à-vis de celui que l’on a stigmatisé pour ses propos sur le pain au chocolat et qui entend incarner la droite décomplexée. Bien conscient des effets que pouvaient engendrer ses propos, il est cependant possible que l’ancien Premier ministre ait sous-estimé la puissance de leur impact dans son propre camp. On le voit, pour beaucoup, le FN fait figure d’épouvantail et tout propos engageant un positionnement vis- à-vis de ce parti doit être manié comme de la nitroglycérine. Fillon a d’ailleurs cru bon rappeler qu’il « appelait toujours à voter contre le FN». Ouf, le député de la Sarthe n’est pas encore complètement passé du côté obscur de la force ou alors il est encore plus cynique qu’il n’y paraît…

Blague à part, cette polémique assez manichéenne à l’approche des municipales remue des plaies qui ne sont toujours pas refermées à l’UMP. En l’occurrence, la controverse à propos de la dérive droitière de Nicolas Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle en 2012. Pour faire simple, il y a deux lignes. Tout d’abord les pros-Buisson qui incarnent l’aile dure du parti et qui ont soutenu cette droitisation. Il y a ensuite les anti-Buisson, comme NKM qui le compare à Charles Maurras, qui se désolidarisent des choix effectués dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle.

La question est que de nombreux électeurs se situent à la frontière entre l’UMP et le FN et ce réservoir peut basculer d’un camp à l’autre à tout moment. On l’a vu en 2007 quand Nicolas Sarkozy a « siphonné » une grande partie des électeurs frontistes. On l’a également vu en 2012 quand ces derniers, à qui on avait notamment promis le « karcher pour les racailles des cités », sont retournés dans leur camp d’origine. A travers le dérapage d’un de ses représentants les plus éminents, c’est le mouvement UMP lui- même qui est durement touché. En effet, il n’y a pas une UMP mais plusieurs et entre la France forte et ceux qui dénoncent catégoriquement le FN, il y a un abîme. L’élection présidentielle est une course de fond et chacun aujourd’hui pose les graines dont il espère récolter les fruits demain. Ainsi, Fillon a bien compris que du fait de la conjoncture économique et de l’insécurité chronique, il y avait aujourd’hui une droitisation grandissante de l’électorat de l’UMP. Il exploite donc le « Fillon ».

En finance comme en politique, le rendement est souvent proportionnel au risque. La chute aussi…  

 

La phrase de la semaine :

«Comment peut-il à la fois draguer les voix du FN et dire qu’il préfère le PS ? » De Jean François Copé à propos de François Fillon.

 

rôme Boué