France : la rentrée, c’est risqué…

C’est bientôt la rentrée, avec son lot de craintes, d’espoirs et surtout de questions. En voici quatre qui nous paraissent déterminantes pour l’avenir de l’économie française ? Attention, nos réponses ne vont sûrement pas plaire à tout le monde…

 

L’industrie française a-t-elle un avenir ?

Oui, l’industrie française a toujours un avenir. Encore faut-il que les pouvoirs publics lui en donnent les moyens. Souvenons-nous : il y a dix ans, l’industrie allemande aussi était proche de la faillite, il y a cinq ans, c’était également le cas pour l’industrie américaine. Et pourtant, grâce aux réformes structurelles menées dans ces deux pays, notamment en matière de baisse de la pression fiscale, de réduction des charges qui pèsent sur le travail et de développement de l’innovation, ces deux industries sont reparties. Et ce, notamment dans le secteur automobile qui était pourtant promis au déclin. Pour sauver l’industrie française, il n’y a donc que trois solutions. Primo, un abaissement des impôts qui pèsent sur les entreprises, et notamment l’impôt sur les sociétés. Secundo, une diminution des charges qui alourdissent le coût du travail. Il ne s’agit évidemment pas de baisser les salaires, mais surtout de réduire les cotisations sociales. Tertio, dans la mesure où il est impossible de réduire les coûts de production au niveau de ceux des pays émergents (et c’est d’ailleurs tant mieux pour la paix sociale), il faut également favoriser les efforts de recherche-développement. Mais attention, il ne suffit pas d’augmenter les dépenses publiques en matière de recherche. Car, comme dit la sagesse populaire, des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent on en cherche. Autrement dit, il faut multiplier les ponts entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Pour être plus compétitif, il faut certes abaisser les coûts, mais il est surtout indispensable d’innover. Si les industriels allemands exportent et si leurs homologues américains regagnent des parts de marché, ce n’est pas parce qu’ils sont moins chers, mais parce qu’ils ont plus innovants et que leurs produits sont plus qualitatifs.

 

Comment accompagner et financer la croissance des entreprises françaises ?

Comme évoqué précédemment, il faut avant tout baisser la pression fiscale qui pèse sur les entreprises. Il faut bien comprendre qu’actuellement, sur un profit net de 100, le dirigeant-actionnaire d’une PME française ne récupère in fine que 20. A l’évidence, c’est plus que décourageant. Tout entrepreneur est prêt à investir, embaucher, innover et payer des impôts, mais à deux conditions : que son retour sur investissement ne soit pas trop faible et que les impôts qu’ils paient soient utilisés à bon escient. Or, avec un niveau de bientôt 47 % du PIB, le poids des prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés du monde. Il en est de même du poids des dépenses publiques qui atteint 57 % du PIB. Et ce, pour quels résultats ? Une croissance économique globale de 0 % en moyenne depuis six ans, un nombre de chômeurs historiquement élevé et une stabilité sociale qui est de plus en plus menacée. Il est donc urgent de mieux réduire les impôts et de réallouer les dépenses publiques vers plus d’efficacité économique et sociale.

Parallèlement, il faut assouplir les conditions qui pèsent sur les banques dans l’octroi de crédits aux entreprises. Par exemple, l’administration américaine a tout simplement reporté sine die l’application des règles bancaires extrêmement contraignantes dites de Bâle III. La France et l’Europe sont quasiment les seules à les appliquer, limitant de facto les crédits aux entreprises. C’est ce que j’appelle le syndrome du « mourir guéri » : les dirigeants français et eurolandais se veulent scrupuleux sur l’application des règles d’octroi de crédits et de limitation de l’inflation. Mais à quoi cela sert-il s’il n’y a pas de croissance et d’emploi ?

 

Le tube de l’été « la reprise est là » va-t-il se prolonger au cours des prochains mois ?

En fait, ce que certains appellent « reprise » ne se réfère qu’à quelques chiffres et notamment à l’augmentation surprise du PIB français de 0,5 % au deuxième trimestre 2013. Pour être clair, ce chiffre est tout simplement gonflé à l’EPO. La preuve c’est que l’emploi a reculé de 0,2% au deuxième trimestre. De plus, hors stocks la croissance n’est que de 0,3%. Autrement dit, il faut s’attendre à une révision baissière de cette performance « magique » et à une baisse corrective au troisième trimestre.

En fait, ce chiffre est surtout lié à une correction haussière de la faiblesse passée et ne laisse aucunement présager d’une nouvelle tendance. En d’autres termes, il s’agit d’une reprise technique éphémère et certainement pas d’une vraie reprise durable. D’ailleurs, sur l’ensemble de l’année 2013, la croissance sera proche de zéro, alors qu’une vraie reprise c’est au moins 2%. Il faut donc que le gouvernement arrête de prendre ses rêves pour la réalité et cesse de faire plus de marketing que de véritables réformes structurelles.

 

Quid de l’économie française en 2025 ?

Ce comportement consistant à masquer la réalité présente par des visions à très long terme est triste et contreproductif. Le plein-emploi en France en 2025 ? Allons MM. les ministres pensez d’abord à 2013 et 2014. Certes, il est tout de même fort probable que dans douze ans, la situation économique de la France sera meilleure que celle d’aujourd’hui. Et pour cause : il paraît difficile de tomber plus bas. Pour autant, la rentrée pourrait s’avérer bien compliquée. En effet, dans le contexte de désinvestissement massif, les destructions d’emplois vont se poursuivre, aggravant encore le chômage, ce qui ne manquera pas de limiter les revenus donc la consommation, et d’alimenter encore la récession. La moindre augmentation du chômage ne tiendra qu’aux emplois aidés du gouvernement qui ne reposent sur rien, sauf sur une augmentation des impôts rendue indispensable pour les financer. De plus, après avoir atteint des planchers historiques, permettant de limiter le déficit public, les taux d’intérêt des obligations d’Etat ont repris le chemin de la hausse. A environ 2,5 % aujourd’hui, ils devraient même se rapprocher des 3 % d’ici octobre, lorsque le gouvernement devra reconnaître que le déficit public sera largement supérieur aux 4 % du PIB en 2013.

En d’autres termes, n’en déplaise au gouvernement, mais surtout à l’ensemble des Français, la récession hexagonale n’est pas terminée. En fait, l’économie nationale s’est engluée dans un cercle vicieux dramatique : désinvestissement-chômage-baisse de la consommation-récession… Bien pire, l’augmentation de la pression fiscale et le maintien d’un euro trop fort vont alourdir la facture, ou plutôt la « fracture ». Et ce ne sont évidemment pas les artifices tels que les emplois d’avenir ou le CICE qui vont inverser significativement la tendance. Dans ce cadre, fantasmer sur 2025 paraît bien futile. Comme disait Huygens : « la vie est un rêve, mais rêver n’est pas vivre »…

 

                                                                                                                                                          Marc Touati