« La reprise est là ! », le nouveau tube de l’été…

Pas la peine de s’exiler dans les meilleurs night-clubs d’Ibiza, ni même d’aller chercher les Black Eye Peas, David Guetta ou autre Daft Punk. Non, cette année, le tube de l’été a été trouvé par le Président François Hollande. Cinq syllabes pour une ritournelle d’enfer : « la reprise est là ! ». Certes, le filon n’est pas complétement nouveau. Ainsi, il y a un an et demi, en pleine campagne présidentielle, le Président Sarkozy avait également lancé le fameux single « la crise est finie ! ». Plutôt bien accueillie par la critique, le carton populaire ne fut pourtant pas au rendez-vous. Qu’à cela ne tienne, son successeur à l’Elysée a tenté d’en faire le remix pendant six mois, avec pour seul résultat : le retour cuisant de la récession.

Mais, chassez le naturel, il revient au galop. Aussi, plutôt que de reconnaître ses erreurs et de responsabiliser les Français face à la situation difficile de l’économie nationale, François Hollande a préféré reprendre le fameux et fatiguant refrain de la méthode Coué. Son message est donc à peu près le suivant : « Chers compatriotes, nous ne sommes pas Chypriotes, arrêtez de vous plaindre, il n’y a plus rien à craindre, la récession est finie, la flambée du chômage aussi »… Et pour enfoncer le clou, le DJ Mosco en a remis une couche : « C’est vrai, c’est vrai que la France est en train de sortir de la récession ». On dirait presque du Julio Iglesias avec son célèbre « c’est vrai, je n’ai pas changé… » Seulement voilà, on veut bien plaisanter un peu (la situation économique française est tellement triste depuis six ans que cela ne peut pas faire de mal), mais la blague de « la crise est finie, le Président l’a dit » ne fait plus rire grand monde, si ce n’est ce dernier.

Le problème est bien là : tout le monde, votre serviteur le premier, aimerait crier haut et fort que « la reprise est là », que l’investissement des entreprises va flamber, que les créations d’emplois vont exploser, bref que la crise est vraiment terminée. Pour autant, si nous avons tous un devoir d’optimisme, nous avons avant tout un devoir de réalisme et d’honnêteté intellectuelle. Autrement dit, pour avancer que la croissance va fortement redémarrer il faut des arguments. Or, quels sont ceux avancés par le Président François et DJ Mosco ? Les voici (attention les yeux) : de mars à mai, la production industrielle a progressé de 1 % par rapport aux trois mois précédents ; en mai, la consommation des ménages a progressé de 0,5 % ; et, enfin, selon l’INSEE et la Banque de France, le PIB aurait augmenté de 0,2 % au deuxième trimestre 2013.

C’est tout ?! Oui. A l’évidence, c’est un peu léger pour annoncer la reprise avec tambours et trompettes. Soyons raisonnables : pour pouvoir parler de reprise, il faudrait que la croissance du PIB soit d’au moins 2 %. Or, nous en sommes très loin. Et ce, d’autant que de très nombreuses statistiques vont dans le sens inverse. La liste est malheureusement longue. 1. L’augmentation de la production industrielle de ces derniers mois n’est qu’une maigre correction haussière de la forte baisse des mois précédents : – 3,5 % de septembre à mars, – 6 % depuis janvier 2011, – 16,5 % depuis avril 2008. Arguer de la petite hausse d’avril-mai pour soutenir que l’industrie est en reprise tient donc de la gageure. 2. En dépit de son rebond de 0,5 %, la consommation des ménages subit toujours une baisse de 2,5 % par rapport à son niveau de décembre 2010. 3. Malgré un léger rebond depuis quatre mois, les indices PMI des directeurs d’achat restent bien en-deçà de la barre des 50 qui représente la frontière entre la progression et le recul de l’activité. Et ce tant dans l’industrie (48,4) que dans les services (47,2). 4. L’indice de confiance des ménages ne cesse d’atteindre des planchers historiques depuis trois mois. 5. Le déficit extérieur français a atteint plus de 6 milliards d’euros en mai, et ce notamment à cause d’une baisse de 4,3 % des exportations. 6. Les chefs d’entreprise dans l’industrie annoncent une baisse de leurs investissements en valeur de 4 % pour 2013. D’ores et déjà, l’investissement des entreprises au sens des comptes nationaux a reculé de 1 % au premier trimestre, enregistrant ainsi son cinquième trimestre consécutif de baisse, soit une dégringolade totale de 4,6 %. Une chute qui s’ajoute à l’effondrement de 14,8 % enregistré entre le deuxième trimestre 2008 et le troisième de 2009. Au total, en dépit d’un petit rebond en 2010-2011, l’investissement des entreprises françaises est toujours inférieur de 11,8 % à son niveau qui prévalait au premier trimestre 2008. 7. Dans ce contexte de désinvestissement massif, les destructions d’emplois vont évidemment se poursuivre, aggravant encore le chômage, ce qui ne manquera pas de limiter les revenus donc la consommation, et d’alimenter encore la récession. La moindre augmentation du chômage ne tiendra qu’aux emplois aidés du gouvernement qui ne reposent sur rien, sauf sur une augmentation des impôts rendue indispensable pour les financer. 8. Après avoir atteint des planchers historiques, permettant de limiter le déficit public, les taux d’intérêt des obligations d’Etat ont repris le chemin de la hausse. A quasiment 2,3 % aujourd’hui, ils devraient même se rapprocher des 3 % d’ici septembre, lorsque le gouvernement devra reconnaître que le déficit public sera largement supérieur aux 4 % du PIB en 2013.

En d’autres termes, n’en déplaise au gouvernement, mais surtout à l’ensemble des Français, la récession hexagonale n’est pas terminée. En fait, l’économie nationale s’est engluée dans un cercle vicieux dramatique : désinvestissement-chômage-baisse de la consommation-récession… Bien pire, l’augmentation de la pression fiscale et le maintien d’un euro trop fort vont alourdir la facture, ou plutôt la « fracture ». Et ce ne sont évidemment pas les artifices tels que les emplois d’avenir ou le CICE qui vont inverser significativement la tendance.

Certes, lorsque le 14 août, les comptes nationaux du deuxième trimestre faisant état d’une progression du PIB de 0,2 % seront publiés, le tube de l’été « la reprise est là » va de nouveau s’imposer dans tout l’Hexagone. Pourtant, comme nous venons de l’expliquer, il ne s’agira que d’un succès bien éphémère qui laissera vite la place à un autre tube bien moins gai : « croissance où t’es ? »… En attendant, passez de bonnes vacances (pour ceux qui partent) sur les rythmes endiablés de Président François et DJ Mosco…

Marc Touati