Invité de l’émission « Des paroles et des actes » animée par David Pujadas, François Fillon fut loin d’être convaincant et enthousiasmant… Certes ce ne fût pas « Des paroles et désastre » mais l’ancien chef du gouvernement n’a absolument pas donné l’image d’un homme en mesure de redresser le pays et d’incarner une opposition forte, constructive et combative. C’est bien là que se situe le paradoxe de la prestation télévisée du futur candidat à la primaire pour la présidentielle de 2017. En effet, alors que ce dernier n’a cessé de rappeler l’état extraordinairement grave du pays notamment sur le plan économique, il n’est absolument pas apparu comme l’homme capable d’incarner l’électrochoc qu’il appelle de ses vœux. Terne et flegmatique, le député de la Sarthe a une fois de plus donné du grain à moudre à ses détracteurs qui trouvent qu’il manque de poigne. Sans vouloir le caricaturer, il est apparu comme un notable de bonne famille avec une certaine aisance verbale et beaucoup de bonnes intentions mais à qui il manquait cette flamme, cet enthousiasme, ce côté tribun et cette proximité avec le peuple qui suscitent l’adhésion.
Le point culminant de l’émission devait être son débat avec le successeur de Jérôme Cahuzac, Bernard Cazeneuve, et là encore la déception était au rendez-vous … En effet, les échanges furent essentiellement techniques et la confrontation au final soporifique. Il fallait être bien courageux pour rester concentré et ne pas décrocher face à une véritable avalanche de chiffres. En d’autres termes, François Fillon n’est pas apparu à la hauteur des enjeux nationaux et n’était absolument pas dans le costume d’un possible futur président de la République. S’il souhaite maximiser ses chances d’être un jour chef de l’Etat, l’ex-locataire de l’hôtel Matignon doit se présidentialiser et fendre l’armure du technocrate isolé du peuple. De plus, il doit également sortir du rôle d’ex-second aux ordres de Nicolas Sarkozy pendant cinq ans. En effet, il est indéniable que l’ombre de l’ancien Président de la République plane au-dessus de sa tête. Au-delà de la question de la future candidature de Sarkozy, la comparaison entre les deux hommes est omniprésente : Qui sera le meilleur pour porter les idées de son camp et battre François Hollande en 2017 ? Par effet de miroir, il semble que l’ancien président dispose des qualités qui font défaut à François Fillon, à savoir la combativité, le volontarisme et le talent oratoire qui enflamme les foules. Débatteur hors pair, celui qui fut maire de Neuilly à 28 ans faisait régulièrement exploser l’audimat lors de ses prestations télévisées.
Parallèlement, François Fillon dispose de précieux atouts qui font défaut à Nicolas Sarkozy. Ainsi, autant ce dernier est impulsif, colérique, excessif et parfois brutal, autant François Fillon est calme, posé et rassurant. Face au roi du marketing et de la communication, Fillon incarne l’anti-politique spectacle. En réalité, le président déchu est – comme d’ailleurs Jacques Chirac avant lui – une véritable « bête politique », un « killer ». Force est de constater qu’il est extrêmement difficile de gagner la bataille de la présidentielle si l’on n’a pas cet instinct presque animal qui faisait d’ailleurs tant défaut à des hommes tel que Michel Rocard, Lionel Jospin, Jacques Delors ou encore Edouard Balladur…
Certes, le rival de Copé peut toujours bénéficier de circonstances exceptionnelles comme Chirac en 2002 ou Hollande en 2007 mais cela reste extrêmement aléatoire.
Or, s’il peut progressivement se présidentialiser, Fillon n’aura jamais cet instinct et cette force qui ne font pas partie de son ADN. Sur ce point, Jean François Copé, beaucoup plus combatif, lui est supérieur mais apparaît trop souvent comme une pâle copie de Nicolas Sarkozy. Depuis le retrait de l’ancien chef de l’Etat, l’UMP se retrouve dans la même situation que le parti Socialiste en 1995 après le départ de François Mitterrand, à savoir en manque de leadership. A l’heure actuelle, ni Fillon ni Copé ne font rêver les Français et ne semblent en mesure d’incarner l’indispensable électrochoc dont la France a besoin, et cela, Nicolas Sarkozy en est parfaitement conscient.
A suivre…
La phrase de la semaine :
« Il a déjà en tête la passation des pouvoirs sur le perron. Il sait déjà quelle sera la robe de Carla le jour du triomphe.» Jean-Louis Borloo à propos de Nicolas Sarkozy.
Jérôme Boué