Ah, que nous aimerions l’écrire et le proclamer haut et fort : oui la crise est finie ! D’ailleurs, c’est en grande partie le cas à l’échelle de la planète. En effet, en dépit d’un ralentissement mesuré, la croissance mondiale est et restera forte : selon nous, elle sera d’au moins 3,5 % cette année, c’est-à-dire 0,2 point de mieux que le niveau moyen des trente dernières années. Mieux, elle devrait dépasser légèrement les 4 % en 2014 (précisément 4,1 % selon nos prévisions). C’est en partie sur la base de ces perspectives que les marchés boursiers ont pu redémarrer dernièrement et atteindre de nouveaux sommets historiques, notamment aux Etats-Unis, mais aussi en Allemagne.
Quant aux craintes de décélération marquée de l’activité dans le monde émergent, elles sont largement exagérées, en particulier en ce qui concerne l’économie chinoise. Cette dernière dispose effectivement de plusieurs « airbags ». A commencer par l’arme du taux de change que le gouvernement chinois peut utiliser à sa guise. Ensuite, n’oublions pas que le premier moteur de la Chine n’est pas l’export, mais la demande intérieure, notamment l’investissement et la consommation qui, en dépit des inquiétudes, demeurent très dynamiques. Enfin et surtout, l’Empire du milieu dispose d’un matelas de sécurité colossal de 3 400 milliards de dollars de réserves de change. Il pourra donc utiliser une partie de ces dernières pour soutenir sa croissance en cas de coup dur imprévu.
Parallèlement, même s’il a perdu de sa superbe avec la crise de 2009, l’Oncle Sam continue de faire preuve d’une vigueur économique à toute épreuve. Sa croissance ne fera certes pas des miracles, mais avoisinera durablement les 2,5 % (4,1 % en valeur, c’est-à-dire augmentée de l’inflation). En 2013, pour la quatrième année consécutive, les Etats-Unis réussiront donc à réaliser une croissance suffisante pour assurer le paiement des intérêts de la dette publique. Parallèlement, ce niveau d’activité permettra à la « job machine » américaine de créer plus d’emplois qu’elle n’en détruit. De quoi permettre au taux de chômage de poursuivre son repli, passant même sous les 7 % d’ici l’automne prochain.
Dans ce concert mondial plutôt favorable, même le Japon est revenu sur les rails du dynamisme économique. Ainsi, en 2013, pour l’une des très rares fois depuis vingt ans, sa croissance en valeur sera supérieure à la charge annuelle des intérêts de sa dette publique.
En fait, il est désormais possible de dire que la crise est finie partout dans le monde, sauf dans la zone euro.
En effet, en 2013, comme le montre le tableau ci-dessous, la quasi-totalité des pays de la zone euro ne réussira toujours pas à réaliser une croissance suffisante, ne serait-ce que pour assurer le paiement des intérêts de la dette publique. Autrement dit, si la crise de la dette s’estompe outre-Atlantique et, dans une moindre mesure, au Japon, elle s’aggrave dans la zone euro…
Laisser croire que cette dernière se porte bien et que ses pays membres réduiront sans difficulté leur déficit et leur dette tient donc de la gageure. Même l’Allemagne, qui semblait hors d’atteinte, commence à souffrir et parviendra tout juste à dégager une croissance suffisante pour couvrir la charge d’intérêts de sa dette.
En conclusion, en dépit des apparences, l’UEM n’est pas sortie de la crise. Tant que l’euro sera supérieur à 1,20 dollar, que les impôts ne baisseront pas et que la dépense publique ne sera pas mieux utilisée, la crise continuera. Pour le moment, les marchés boursiers refusent d’admettre cette évidence et préfèrent oublier temporairement la crise eurolandaise. Mais lorsqu’ils sortiront de leur « paradis artificiel », le réveil sera douloureux.
Marc Touati
La zone euro toujours empêtrée dans la crise de la dette publique.
cf. le fichier pdf. Merci