Humeur :
France : de la récession à la crise sociale.
Ca y est, c’est officiel : après plus d’un an de mensonges et de faux-semblants, la France est techniquement et incontestablement retombée en récession. En effet, elle a bien subi deux trimestres consécutifs de baisse de son PIB, définition officielle de la récession. Ainsi, après avoir déjà reculé de 0,2 % au quatrième trimestre 2012, le PIB français a encore chuté d’autant au premier trimestre 2013.
En fait, pour être vraiment exact, cette succession de deux trimestres de repli du PIB a déjà été observée au cours des premier et deuxième trimestres 2012 (chiffres INSEE). Néanmoins, pour ne pas affoler la population, les pouvoirs publics ont préféré masquer cette réalité, espérant que la croissance reviendrait comme par magie. Devant l’aggravation de la récession et le ressenti concret de la très grande majorité des Français, cette dissimulation est devenue impossible. Toujours est-il que même si l’on continue à faire croire que la récession vient de recommencer, il faut bien savoir qu’en réalité, cette dernière s’est installée depuis le premier trimestre 2012. Cela fait donc un an que la France est retournée dans la récession, seulement trois ans après l’avoir quittée.
Un tel « W » est tout simplement historique pour l’économie française. Pis, il faut noter que le niveau actuel du PIB hexagonal est encore inférieur de 0,8 % à celui qui prévalait avant la crise, c’est-à-dire au premier trimestre 2008. Pour être précis, le niveau actuel de notre PIB correspond à celui du deuxième trimestre 2007. Autrement dit, depuis le printemps 2007, l’économie française fait du surplace. Six ans de stagnation ! Du jamais vu !
Et ce n’est malheureusement pas tout. En effet, les deux moteurs principaux de l’économie hexagonale sont en pleine déconfiture. Ainsi, en dépit de la baisse des prix des matières premières et des « soldes » à répétition, la consommation des ménages a encore baissé de 0,1 % au premier trimestre 2013. Depuis son dernier point haut du premier trimestre 2011, elle plonge de 1,3 %. Là aussi, une baisse historique. A titre de comparaison, elle n’avait baissé « que » de 0,6 % lors de la récession de 2008-2009. Pis, avec l’augmentation de la pression fiscale et l’aggravation du chômage, la consommation va encore souffrir au cours des prochains trimestres. Le déblocage de la participation de juillet permettra seulement de limiter les dégâts mais sera incapable d’inverser la tendance.
Et ce, d’autant que le deuxième moteur de notre économie, en l’occurrence l’investissement des entreprises, continue sa « descente aux enfers ». Ainsi, au premier trimestre 2013, celui-ci a chuté de 0,8 %, enregistrant son cinquième trimestre consécutif de baisse. Depuis le premier trimestre 2008, c’est-à-dire depuis le début de la crise, il s’est même effondré de 11,6 %. Une vraie bérézina. En fait, le niveau actuel de l’investissement des entreprises atteint un plus bas depuis le troisième trimestre 2006. Un retour en arrière de presque sept ans !
A l’instar de l’évolution prévisible de la consommation, il est clair que l’aggravation de la pression fiscale qui pèse sur les entreprises ainsi que l’instabilité économique et financière environnantes ne vont pas manquer de limiter encore l’investissement. Or, si ce dernier reste en berne, l’emploi continuera de reculer et le chômage d’augmenter.
D’ailleurs, reflétant la récession dramatique qui est en train de s’installer dans l’Hexagone, l’emploi a enregistré son quatrième trimestre consécutif de baisse, soit un total de 133 800 destructions d’emplois nettes dans le secteur marchand. Depuis son dernier point haut du premier trimestre 2008, l’emploi marchand recule de 3 %, soit 494 000 personnes. Un véritable drame humain. Le niveau actuel de l’emploi équivaut à celui qui prévalait au quatrième trimestre 2005. Autrement dit, bien plus grave que la récession, la France est entrée dans une crise sociale historique qui se rapproche dangereusement d’une situation de dépression.
Bien entendu, nous aimerions écrire que le plus dur est passé et que le fond ayant été atteint, l’économie française va désormais rebondir durablement. Malheureusement, il n’en est rien. En fait, le pire, c’est maintenant ! En effet, avec l’aggravation de la récession, l’augmentation de la pression fiscale, le maintien d’un euro trop fort, les destructions d’emplois vont se poursuivre et la situation sociale va empirer.
Pour sortir de ce marasme, il faut donc que nos dirigeants cessent de se contenter de faire du marketing et de prendre des mesurettes de colmatage de brèches tel que le déblocage de la participation. Si nous voulons sauver la France, il n’y a plus que trois solutions : baisser la pression fiscale pour tous (entreprises et ménages), améliorer le fonctionnement de la dépense publique, notamment en réduisant les dépenses de fonctionnement et, enfin, réussir à se mettre d’accord avec nos partenaires eurolandais pour favoriser un euro moins fort.
Soyons encore plus clairs : tant que les impôts ne baisseront pas, que le gaspillage des dépenses publiques continuera et que l’euro ne sera pas à 1,15 dollar, la récession, la dépression et la crise sociale s’aggraveront dans l’Hexagone. Les émeutes dites du PSG de lundi dernier deviendront alors le quotidien de la population française. Est-ce vraiment cela que souhaite M. Hollande ? Espérons que non, mais il faut reconnaître qu’à la suite de sa deuxième grande conférence de presse, au cours de laquelle il s’est encore contenté de faire du marketing, il y a vraiment de quoi s’inquiéter…
Marc Touati
Quid de l’économie et des marchés cette semaine :
Zone euro : ce n’est plus une récession, mais une dépression.
Si elle était attendue, la nouvelle baisse de 0,2 % du PIB de la zone euro n’en est pas moins dramatique. Et pour cause : cela fait désormais quatre trimestres consécutifs que l’activité eurolandaise se replie, soit une baisse totale de 1,1 %.
Si nous sommes encore loin de la dégringolade de 2009 (- 5,7 % au plus fort de la crise), la zone euro s’est bien enfoncée dans un triste cas d’école, celui du « W », c’est-à-dire de la rechute. Car si une récession peut être digérée sans trop de dégâts, deux récessions en quatre ans sont clairement insupportables.
Deux graves récessions en quatre ans : insupportable !
Sources : Eurostat et ACDEFI
Le pire est que tous les pays sont concernés. A commencer par les pays du Sud qui, après avoir déjà subi une récession dévastatrice en 2008-2009, puis avoir bénéficié d’une toute petite reprise technique en 2010, ont replongé dans une nouvelle récession dramatique.
Mais les PIGS (comme certains les appellent méchamment) sont désormais rejoints par tous les autres, et notamment par les Pays-Bas et la France. Même l’Allemagne s’en rapproche dangereusement.
La France en récession, l’Allemagne s’en approche.
Sources : INSEE, Bundesbank et ACDEFI
Certes, l’économie allemande a réussi à éviter les deux trimestres consécutifs de baisse du PIB. Néanmoins, après un recul de 0,7 % au quatrième trimestre 2012 et une augmentation de seulement 0,1 % au premier trimestre 2013, le PIB allemand affiche désormais un glissement annuel de – 0,3 %, soit seulement 0,1 point de mieux que celui de la France. Peut-être que cela aura au moins le mérite de créer enfin un point de convergence entre Angela Merkel et François Hollande…
Toujours est-il qu’au-delà de la traditionnelle querelle des chiffres, cette crise économique généralisée est en train de devenir une véritable dépression. En effet, la double chute (« W ») a entraîné la zone euro dans une véritable crise sociale, avec des taux de chômage stratosphériques. Avec un niveau historique de 12,1 % en mars, ce dernier a définitivement entraîné l’UEM dans une spirale infernale : Récession-chômage-récession.
La zone euro dans une spirale infernale.
Sources : Eurostat et ACDEFI
Autrement dit, la récente baisse du PIB va encore faire monter le chômage vers de nouveaux sommets historiques. Ce qui, à son tour, pèsera négativement sur la confiance et la consommation, puis alimentera la récession et ainsi de suite…
Flambée du chômage : un vrai drame humain.
Sources : Eurostat et ACDEFI
En fait, tant que l’euro ne passera pas sous les 1,15 dollar, il sera quasiment impossible de sortir de ce piège. La situation est d’autant plus grotesque que l’écart de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro ne cesse de se creuser.
La zone euro toujours loin derrière les Etats-Unis.
Sources : Eurostat, BEA et ACDEFI
Un écart de croissance qui rejaillit inévitablement sur les écarts de taux de chômage, qui sont tout aussi révoltants. Car même si l’Oncle Sam n’est plus ce qu’il était et ne parvient plus à retrouver son dynamisme d’avant-crise, son taux de chômage a nettement baissé, passant de 10 % au plus fort de la crise à 7,5 % actuellement.
A l’inverse, celui de l’UEM est passé de 10 % en 2009 à plus de 12 % aujourd’hui et à bientôt 13 %.
Des écarts de taux de chômage tout aussi révoltants.
Sources : Eurostat, BEA et ACDEFI
Face à de tels échecs et à de tels écarts, comment les dirigeants eurolandais peuvent-ils encore défendre que leurs choix sont meilleurs que ceux des Etats-Unis ? Cette situation finit vraiment par devenir grotesque.
Il faut donc espérer que l’UEM va réagir vite et réussir à déprécier sa devise. Les Japonais l’ont enfin compris et les résultats positifs se font déjà sentir. Il n’y a pas de raison pour qu’une fois encore, les Eurolandais soient les seuls dindons de la farce…
Marc Touati
Nos prévisions économiques et financières pour 2013-2014 :
Pour visualiser les tableaux et graphiques, merci de consulter le fichier pdf.