La dépense publique en France : état des lieux.

Selon les dernières statistiques à notre disposition, les dépenses publiques de la France ont atteint le chiffre historique de 56,6% du PIB en 2010 ; seul le Danemark affiche un chiffre supérieur (58%). Les dépenses de l’Etat représentent environ 35% du montant total, soit 20,5% du PIB, alors que les dépenses des collectivités locales atteignent 11,5% et les dépenses de la Sécurité Sociale  24.6%. Le montant global de le la dépense s’est établi à 1220 Milliards d’euros (données OCDE), chiffre en augmentation pour les années 2011 et 2012. Pour compléter ces chiffres, notons que l’Allemagne dont le modèle économique, en particulier en matière de services sociaux, est assez proche du modèle français, arrive à limiter

Sa dépense publique à 45,7% (soit plus de 10 points inférieur à la France!) ; la moyenne de la zone euro s’élève à 49,2% et la moyenne OCDE se limite à 42,5% (notons que les Etats-Unis réussissent à garder leurs dépenses publiques au niveau très faible de 41,6%).

Au regard de ces chiffres, deux études viennent apporter des informations intéressantes. La première, réalisée par la Commission Européenne(1) démontre qu’au dessus d’un certain seuil, la dépense publique devient inefficace : ainsi lorsque celle-ci dépasse 50% du PIB, le taux de performance tombe à 65%, contre 81% lorsque ce seuil est inférieur à 50%(2). De plus, les dépenses publiques ont un effet d’éviction, en absorbant des ressources qui, autrement, seraient disponibles pour le secteur privé, agissant donc négativement sur la compétitivité de ce dernier.

Dans la mesure où les dépenses publiques excèdent largement les recettes (cas de la France, dont le budget est en déficit constant depuis 1974), cela entraîne inévitablement une hausse du taux d’endettement. De 20% du PIB en 1980, ce taux est passé en 90% en 2012 ; en valeur absolue, nous sommes passés d’un endettement de 100 milliards d’euros à 1800 milliards !

Or, une seconde étude rédigée par Carmen Reinhart et Kenneth Roggoff(3) montre qu’il y a une corrélation forte entre endettement et stagnation économique. Réalisée sur 44 pays, au cours des deux derniers siècles, cette étude indique clairement que la croissance des pays à fort endettement (supérieur à 90%) est inférieure d’environ à 2% à celle des pays peu endettés.  Ces travaux corroborent bien les résultats de l’étude de la Commission de Bruxelles : plus les dépenses publiques sont élevées, plus elles sont inefficaces et plus elles impactent négativement le secteur privé et donc les performances économiques du pays.

Face à ce diagnostic, que faut-il faire ? Bien sûr, l’objectif principal est de faire baisser ces dépenses. De nombreux centres de réflexion ont proposé des pistes. Mentionnons les divers rapports des de la Cour des Comptes, toujours bien documentés ou les travaux récents de l’Institut Montaigne : leur dernier rapport(4) identifie quinze propositions qui permettraient de réaliser 60 milliards d’économies, au minimum, et 120 milliards au maximum. Cependant, cette étude fait l’impasse sur la problématique de la « réforme territoriale » (empilement de strates administratives, très coûteuses et souvent inefficaces).

Or, les prélèvements obligatoires encaissés par les collectivités locales ont augmenté de 56% dans les communes, entre 1993 et 2008, de 100% dans les départements et 268% dans les régions (5). De ce fait, « les prélèvements locaux sont passés de 4,9% à 6,2% du PIB entre 2002 et 2008 ».

Par conséquent, un programme pluriannuel de baisse des dépenses publiques est incontournable et devra aller bien au-delà des initiatives modestes prises par l’actuel gouvernement. D’autres pays ont réussi cette entreprise, que ce soit la Suède ou le Canada (les dépenses publiques y sont passées de 53% à 44% en 3 ans, 1994-1997!). De même, la Grèce, l’Italie, ou l’Espagne ont procédé à des baisses de salaires de leurs fonctionnaires, ce qui leur a permis de faire baisser leurs dépenses publiques d’une façon substantielle.

Dans la mesure où, d’une part, l’ensemble des pays européens commencent à réaliser que la réduction du déficit budgétaire doit être étalée sur une plus longue période, pour préserver un minimum de croissance, et où, d’autre part, la plupart des études récentes montrent que la baisse des dépenses publiques est plus efficace que la hausse des prélèvements pour réduire le déficit budgétaire, car elle a un effet moins récessif, la solution au problème de la France est relativement limpide : procéder le plus vite possible à la réforme territoriale, compléter les mécanismes de retraites (passage à 65 ans), remettre à plat la Sécurité Sociale(6)  en y intégrant le cinquième pôle « dépendance ». Ensuite, dès 2014, il faudra envisager une réforme fiscale « favorable à la croissance », c’est à dire, abolir l’ISF(7), revenir à une fiscalité « raisonnable » sur l’immobilier et les placements à risque (ce qui signifie baisser l’impôt sur les plus-values mobilières et immobilières, qui est actuellement confiscatoire et décourage toute initiative(8)).

Nous sommes actuellement « loin du compte » ! 

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite à HEC PARIS

Président d’honneur Club Finance HEC

 

 

(1)U.MANDL, A DICRX, F.ILZKOVITZ « The effectiveness and efficiency of public spending » European Commission Economic Papers, n°301, février 2008.

(2)La performance atteint même 98% lorsque le ratio de dépenses publiques descend en dessous de 40% du PIB  (Corée ou Suisse, par exemple).

(3)C.Reinhart et K.Rogoff « Growth in time of Debt », Américan Economic Review Papers and Proceedings, 2009.

(4)Institut Montaigne, « Redonner sens et efficacité à la dépense publique », décembre 2012.

(5) Cf. le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, « la fiscale locale, 2009 ».

(6)Cf. le rapport de l’Institut Montaigne, p 53.
(7)C’est bien sûr « un vaste programme ». Cependant, on remarquera que les activités hospitalières ont été fortement perturbées par la mise en application des 35 heures (cette disposition a globalement été catastrophique pour l’économie française).

(8)Les « riches » englobent les « business angels », qui investissent dans le « venture capital » (amorçage), donc dans le développement économique à long terme. Leur nombre tend à diminuer en France, en raison, d’une part, de l’expatriation, et d’autre part, du matraquage fiscal sur le « private equity ».

(9)Tant que le placement sur un livret A sera plus rentable que l’investissement immobilier ou le placement en bourse, on ne pourra pas espérer retrouver un minimum de croissance économique.