A quand un comédien candidat à la Présidence de la République Française ?

 

Le retentissant succès de l’humoriste Beppe Grillo aux élections générales italiennes, devançant entre autres Mario Monti, relance la question des passerelles entre le monde du spectacle et celui de la politique. Il est vrai que la période actuelle, marquée par la crise de la dette eurolandaise et un taux de chômage qui n’en finit pas de progresser, ne joue pas en faveur des hommes politiques traditionnels qui sont souvent cloués au pilori. L’homopoliticus est de plus en plus perçu comme avide de pouvoir et impuissant face aux problèmes, faisant naître un sentiment grandissant de rejet.  

 

En France, alors que le pays s’enfonce dans la dépression et que le malaise social est profond, les hommes politiques – quel que soit leur bord – ne sont pas en « odeur de sainteté ». Il est certain que le technocrate adepte de la langue de bois, éloquent mais incapable de tenir ses promesses, ne fait plus du tout recette. Le manque de résultats et la politique politicienne alimentent le profond malaise à l’égard de la classe politique, générant un taux d’abstention grandissant à chaque élection. Dans ce contexte qui n’est certes pas nouveau, peut-on imaginer à l’instar de nos voisins transalpins la percée de comédiens (iennes) dans l’univers impitoyable de la politique ? La France a déjà connu un précédent avec Coluche qui, après avoir pilonné Giscard sur l’affaire des diamants de Bokassa, eut l’intention de se présenter à l’élection présidentielle de 1981. Candidat des « sans voix », il fut même crédité de 16 % d’intentions de votes. Cette hypothèse fût prise très au sérieux par François Mitterrand qui chargea même Jean Glavany et Jacques Pilhan (son éminence grise) de l’en dissuader. Une petite révolution dans un monde politique bien rodé.

 

Aujourd’hui, le mélange des genres se développe et de nombreuses personnalités du show business sont engagées politiquement, n’hésitant pas à afficher ouvertement leur soutien. On se souvient entre autres des interventions d’Alain Delon et de Christian Clavier lors de l’investiture de Nicolas Sarkozy à la présidence de l’UMP en novembre 2004, sans oublier la célèbre nuit du Fouquet’s et son florilège de stars. Néanmoins, à ce jour, aucune vedette n’est allée aussi loin que Coluche. Les Américains – eux – ont sauté le pas depuis longtemps en élisant l’ex-acteur Ronald Reagan, lui confiant les rênes de la première puissance économique mondiale de 1981 à 1989, en pleine guerre froide… Par la suite, de nombreux acteurs se sont engagés derrière Barack Obama en 2008 comme en 2012. Sans oublier ceux qui, après Reagan, franchirent le Rubicon comme Arnold Schwarzenegger qui fut gouverneur de l’Etat de Californie avant de retrouver le monde du cinéma.

 

Mais il faut souligner que le modèle Français reste à part et est encore largement dominé par la culture des grandes écoles menant au pouvoir. C’est particulièrement le cas de l’ENA, une machine à produire de hauts fonctionnaires souvent tentés par la politique voire par la magistrature suprême, tels Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, François Hollande, Dominique de Villepin, Michel Rocard ou encore Edouard Balladur. De surcroît, à l’inverse de leurs homologues américains, les hauts fonctionnaires français ont un emploi à vie et ceux qui échouent en politique peuvent retourner sans difficulté dans leur corps d’origine. Cependant, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, le moule de l’homme politique classique s’est fissuré et les mentalités ont changé. Ce dernier a prouvé que sans faire l’ENA ni même une grande école, on pouvait accéder à la fonction suprême. Certes, ce fut également le cas de François Mitterrand, lui aussi « simple avocat ». Mais au delà de son profil atypique, Nicolas Sarkozy ressemblait plus à un véritable comédien : acteur, metteur en scène et commentateur de ses propres actions, il faisait le show. Notre ex-Président a d’ailleurs fait des émules et aujourd’hui plus que jamais, les hommes politiques sont devenus des acteurs : ils répètent leurs textes et leurs répliques, jouent leur rôle, apprivoisent la caméra, pratiquent la séduction et sont en représentation permanente. Enfin, à l’instar des comédiens qui passent des castings, ils remettent leur poste en jeu à chaque nouvelle élection.

 

Alors à quand un comédien professionnel candidat à la présidentielle en France ? Face à l’échec des politiques traditionnelles devant la crise économique et sociale faisant naître un « raz le bol » chez nombreux de nos concitoyens, une telle hypothèse pourrait bien voir le jour. A suivre…   

 

La phrase de la semaine :

«Il estime qu’il n’a pas été battu par Hollande, mais par la crise». De Jean- Christophe Cambadélis à propos de Nicolas Sarkozy.

 

rôme Boué