Chômage qui dépasse les 10%, dette galopante, croissance au point mort… L’Europe et la France traversent une grave crise économique qui laisse a priori peu de place à l’optimisme. Et selon les propos qui lui sont prêtés par Valeurs actuelles, Nicolas Sarkozy voit l’avenir en sombre, très sombre. “On va au devant d’événements graves. (…) Il n’y a plus un emploi qui se crée”, aurait-il fait part à un industriel avant de poursuivre : “Ensuite, il y aura une crise sociale. Puis on va se prendre une crise financière d’une violence rare. Et enfin, cela finira avec des troubles politiques.”

“Même pendant la crise de 2008-2010, qui aurait pu tout emporter, la France n’a jamais été dans cet état-là”, observe également celui qui occupait l’Elysée il y a encore dix mois. “J’ai tout mis en œuvre pour éviter les tensions, pour faire en sorte que la France reste crédible, qu’elle ait toujours son leadership.” L’occasion de dresser le bulletin de santé de la France.

Ce que disent les chiffres

Pour se pencher sur l’état économique de la France, nous avons choisi de comparer les principaux indicateurs du pays aujourd’hui avec ce qu’ils étaient lors des précédentes crises.

Croissance : c’est l’alpha et l’oméga de la santé économique d’un pays. Un indicateur qui influe quasi mécaniquement sur les comptes publics et sur la progression du chômage. Depuis les années 1980, plusieurs cycles se sont succédé. Reste que la crise financière de 2008 et la crise économique qui s’en est suivie ont provoqué en 2009 la plus forte récession (-3,1%) enregistrée en France depuis l’après-guerre. Depuis, ça va mieux. Enfin, disons plutôt que c’est moins pire. La France s’englue dans un cycle de croissance atone : après un rebond en 2010 et 2011, la croissance a été nulle en 2012. Alors que François Hollande prévoyait une croissance de 0,8% en 2013, la Commission européenne table elle sur 0,1%


Déficit public : le solde budgétaire des administrations publiques (Etat, sécurité sociale, collectivités locales) est négatif lorsque les dépenses sont supérieures aux recettes. Et c’est le cas en France depuis plus de trente ans. Le pacte de stabilité européen interdit normalement que le déficit soit supérieur à 3% du PIB, mais cette limite a été franchie plusieurs fois. C’est sous Nicolas Sarkozy, en 2009, en pleine crise économique, que le record a été battu (-7,5%).

Depuis, sous la pression des marchés et de Bruxelles, la France, de Sarkozy ou de Hollande, s’est engagée dans une sévère cure de rigueur, au risque de tuer la croissance. Revenu à un taux de 4,5% en 2012, le solde budgétaire est censé atteindre l’équilibre en 2017, ce que nombre d’observateurs jugent intenable.

Dette publique : il s’agit de l’ensemble des emprunts publics contractés par l’Etat, la Sécurité sociale, les administrations centrales et les collectivités territoriales. Alors qu’elle dépassait à peine 20% du PIB en 1978, elle a subi deux très fortes accélérations dans les années 1990, puis à partir de la crise de 2008.

En hausse quasi constante, elle culminait à la fin du 3e trimestre 2012 à 89,9% du PIB, soit la somme colossale de 1 818,1 milliards d’euros. Clairement un héritage de la période de crise, difficilement imputable à François Hollande. Selon les critères retenus par le traité budgétaire européen, la dette ne devrait pourtant pas dépasser 60%. Pour respecter ses engagements, la France va devoir réduire fortement son niveau dans les prochaines années. 

Chômage : en quarante ans, le chômage a explosé. Après avoir connu un pic historique en 1996-1997 (10,6% de la population active), la courbe a fait des hauts et des bas. Avec un taux de 10,2% fin 2012, le chômage flirte avec ses plus hauts niveaux. Et comme la tendance ne semble pas vouloir s’inverser à court terme, malgré l’objectif affiché de François Hollande, le record sera vraisemblablement battu en 2013. Le président de la République, au pouvoir depuis dix mois, est désormais le seul à rendre des comptes à l’opinion sur cette hausse.



Ce que disent les économistes

Le constat. “Il faut être honnête : la France est dans une situation assez catastrophique”, tranche Marc Touati, auteur du Dictionnaire terrifiant de la dette (Editions du Moment). Et l’économiste pense que la situation va encore empirer, prédisant un taux de chômage autour de 12% début 2014. Ce n’est pas tout : “La crise économique est en train de devenir une crise sociale, et même sociétale”, observe-t-il. Un diagnostic pas si éloigné de celui dressé par Nicolas Sarkozy.

Libéral, Marc Touati juge que les mesures d’augmentations d’impôts prises par le gouvernement “ne sont pas les bonnes”. “On est en train de ponctionner davantage sur un gâteau plus petit”, affirme-t-il. Au lieu de cela il faudrait, selon lui, baisser les impôts et, plus encore, la dépense publique.

Pour le très keynésien Henri Sterdyniak, de l’Office français des conjonctures économiques, la France est effectivement, “comme la plupart des pays de la zone euro, dans une situation très difficile”. Alors qu’en 2008, la crise frappait l’ensemble des pays développés, il y a dans la crise actuelle “une spécificité européenne”, observe l’économiste, qui ne croit pas à une reprise en 2014.

A qui la faute ? Pour Marc Touati, la situation actuelle est le résultat de “trente ans de gâchis”, pendant lesquels les gouvernements n’auraient pas su réformer le pays, ni mettre fin au gaspillage de l’argent public. Droite et gauche sur le même banc des accusés, donc.

Henri Sterdyniak estime pour sa part que la morosité ambiante est due à l’absence de perspectives et de stratégie économique à l’échelle de l’Europe, mais surtout à la rigueur budgétaire, qu’il accuse d’avoir fait perdre à la France quatre points de croissance en deux ans. “Tant qu’on ne met pas un terme aux mesures d’austérité mises en œuvre par l’Union européenne, les Etats ne pourront pas mener de politique cohérente laissant entrevoir un retour de la croissance”, assène-t-il.

Sarkozy a-t-il raison de critiquer la gestion de Hollande ? C’est peut-être le seul point sur lequel s’accordent les deux économistes interrogés par francetv info. “Nicolas Sarkozy a aussi contribué à cet état de fait”, souligne Marc Touati. “Le problème de Nicolas Sarkozy, c’est qu’il a tenu des caps divergents”, juge pour sa part Henri Sterdyniak, “tantôt libéral – réduction de la protection sociale, baisse des dépenses -, tantôt interventionniste, lorsqu’il promettait de faire rendre gorge à la finance”. Conclusion : “Il n’y a aucune rupture aujourd’hui entre ce gouvernement et le précédent. Le discours incriminant Hollande est donc plutôt malvenu.”