CRISE – L’économiste Marc Touati publiera ce jeudi un ouvrage consacré à la dette française…
Alors que la dette publique représentait 20% de la richesse nationale en 1980, elle a atteint, en 2012, les 90%. L’économiste Marc Touati publie ce jeudi un ouvrage sur les dangers de cette flambée (1).
>> Pourquoi la France s’endette?
«S’endetter n’est pas forcément négatif. C’est même sain lorsque les emprunts permettent à l’Etat d’investir, et donc de générer de la croissance», avance Marc Touati. «Mais ce n’est pas le cas de la France: depuis six ans, sa croissance n’est pas assez forte pour lui permettre de payer seulement les intérêts annuels de sa dette. Cela signifie que pour les régler, il lui faut encore s’endetter. Ce processus pernicieux s’appelle la «bulle de la dette». Celle-ci ne manquera pas d’exploser, avec des dégâts économiques et sociaux inévitables: flambée du chômage, baisse du pouvoir d’achat, aggravation des inégalités…».
>> La France emprunte à taux très bas, alors, quel est le problème?
«Heureusement que les taux sont bas, sinon, la situation serait catastrophique!», clame Marc Touati. «Et s’ils le sont, c’est parce que les investisseurs ont peur d’investir dans les dettes grecque, espagnole, portugaise ou encore italienne. Ils se reportent donc sur notre dette.» Pour l’auteur, le tournant s’effectuera en septembre: «Le non respect de nos engagements en termes de déficit public, notre croissance faible et l’euro fort vont entraîner une nouvelle dégradation de la France par les agences de notation. Les investisseurs vont se reporter vers la dette allemande, ou ils choisiront de rester liquides, ou encore d’acheter des obligations d’entreprises».
Marc Touati estime qu’à la fin de l’année, «la dette française atteindra 100% de son PIB, c’est-à-dire de sa richesse» et s’inquiète: «C’est la troisième fois que la France sera confrontée à cette situation depuis la Révolution française. A chaque fois, cela s’est conclu par une guerre: celle de 1870 et la Seconde guerre mondiale».
>> Renationaliser notre dette, c’est une bonne idée?
En 2012, 65% de la dette française appartenait à des investisseurs étrangers, alors qu’en 1993, elle était détenue à 68% par des Français. A titre de comparaison, les Américains possèdent actuellement 46% de leur dette publique, les Anglais, 69%, et les Japonais, 94%. Si la renationalisation de la dette fait débat, pour Marc Touati, la question ne se pose pas dans la mesure où «nous ne pouvons pas forcer des ménages à acheter une dette très dangereuse et peu lucrative, puisque les taux de rendement sont faibles».
>> Et pourquoi ne pas arrêter de rembourser notre dette?
«Si nous ne remboursons pas nos créanciers, plus aucun investisseur ne voudra acheter à nouveau de notre dette», explique Marc Touati. Or, la France émet en permanence des bons du Trésor et des obligations assimilables du Trésor: cette année, elle prévoit d’emprunter 169 milliards d’euros, après 178 milliards en 2012.
«Pour que la France continue de financer la sécurité, la justice, l’éducation, la santé, etc., elle va donc devoir trouver un «chevalier blanc». Qui pourrait lui prêter cet argent aujourd’hui? Un ou des pays du monde émergent. Le Qatar par exemple, dont le fonds souverain avoisine les 700 milliards de dollars. Mais en échange, il exigera des actifs et il serait très dangereux que la France vende tout son patrimoine», conclut l’économiste.
(1) Le dictionnaire terrifiant de la dette, par Marc Touati, aux Editions du Moment. 272 pages. 19,95 euros.