Le séquestre : sortie prévue dans tous les médias vendredi 1er mars à 00h00

   

Après le débat sur le relèvement du plafond de la dette américaine en 2011 (récompensé notamment par l’oscar de la perte du AAA) ; après la falaise fiscale du 31 décembre 2012 ; ils reviennent pour nous dans une nouvelle super production américaine, le séquestre ! En voici, en exclusivité, la bande d’annonce.

 

Acte I, scène 1. La recherche d’une entente sur le déficit et la dette publique

C’est en février 2010 que le président américain Barack Obama a mis en place la National Commission on Fiscal Responsibility and Reform. Dirigée par Alan Simpson et Erskine Bowles, la commission était composée de dix-huit membres dont dix démocrates et huit républicains. L’objectif principal de cette commission consistait alors à résoudre le casse-tête du déficit budgétaire américain qui flirtait en ces temps avec les 10% du PIB. La « grande entente » chimérique entre républicains et démocrates ne verra pourtant pas le jour puisque cette commission ne trouvera pas d’accord sur une trajectoire budgétaire optimale et commune.

Les républicains vont alors opter pour la manière forte. Ils menacent, plus précisément, à l’été 2011, de faire plonger le pays dans un défaut de paiement en refusant de relever le plafond de la dette américaine. Cette crise politique engendrera en août 2011 la dégradation par Standard & Poor’s de la notation souveraine américaine. L’étau se refermant, le président américain, à défaut d’une réelle entente, accepta alors la mise en place d’un appareil fiscal (auto)destructeur ; une coupe automatique dans les dépenses publiques tant qu’aucune réelle entente sur une trajectoire fiscale optimale n’eut été trouvée. Une façon alors pour Barack Obama de gagner du temps.

L’accord finalement conclut entre démocrates et républicains quant au relèvement du plafond de la dette impliquait ainsi une future « grande entente ». Et comme les américains ne font jamais les choses à moitié, ils définirent une échéance pour leur future « grande entente », à savoir le 1er janvier 2013.

 

Acte I, scène 2. Les USA au pied du mur (fiscal)

C’est ainsi que dès le mois d’octobre 2012, les termes « mur budgétaire », « falaise fiscale » ou encore « précipice budgétaire » apparurent dans tous nos médias. Ils désignent en fait une seule et même chose ; la mise en place de coupes automatiques de dépenses et l’augmentation des impôts en cas de non entente avant la date butoir. Or, en choisissant de réélire Barack Obama plutôt que Mitt Romney, les électeurs américains ont envoyé un message clair et précis. La relance plutôt que la rigueur.

Les discussions pour éviter le fiscal cliff se sont ainsi inscrites dans un contexte très particulier. D’un côté les républicains, emmenés notamment par Johen Boehner, qui souhaitent un Etat fédéral moins fort ainsi que la poursuite de la réduction d’impôt entamée par Georges W. Bush, y compris pour les plus riches, pour permettre de rééquilibrer les comptes publics. De l’autre, les démocrates et un Barack Obama fraîchement réélu qui s’est engagé à préserver le budget de la santé, les dépenses de sécurité sociale et celles de l’assurance chômage. Une équation difficile à résoudre d’autant plus que le rapport de force au Congrès américain n’est pas favorable au président.

Barack Obama va néanmoins réussir à faire plier les républicains et ainsi éviter un cocktail (explosif) de hausses d’impôts générales et de coupes drastiques dans les dépenses. Il va en effet mettre en évidence que la chute automatique dans le gouffre budgétaire (encore une autre expression que l’on trouve dans les médias) ne ferait que rajouter de l’austérité à la rigueur et pénaliserait de fait une croissance économique américaine très fragile. La menace pour les républicains d’être tenus responsables d’une telle situation était ainsi crédible. Premier test réussi. Et de quelle manière ! Le président américain déclarait ainsi dans la nuit du 1er au 2 janvier 2013 que « l’un des piliers de (sa) campagne présidentielle était de changer un code des impôts qui était trop favorable aux riches aux dépens de la classe moyenne ». En réalité, le succès n’est pas si évident et un nouveau compte à rebours a été enclenché dont l’échéance est prévue pour le 1er mars 2013.

 

Acte I, scène 3. Vous avez aimé le fiscal cliff, alors vous adorerez le budgetary sequester

Une nouvelle fois, les Etats Unis sont au bord de la falaise et si un accord n’est pas trouvé avant ce soir, minuit, ils tomberont dans le séquestre. L’histoire ne change pas ; si républicains et démocrates ne trouvent pas d’accord sur une trajectoire fiscale alors des coupes significatives dans les dépenses publiques seront activées automatiquement. Ces coupes pourraient dès lors atteindre les 1000 milliards de dollars sur dix ans et devraient s’élever à 85 milliards de dollars pour l’exercice 2013.

La crédibilité de Barack Obama est ainsi de nouveau en jeu. Le président américain doit absolument faire pencher la balance du côté démocrate s’il veut pouvoir honorer ses promesses de campagnes. Aussi, la Maison Blanche a entamé une grande campagne de communication en publiant des documents chiffrés notamment sur le nombre de professeurs qui pourraient perdre leur emploi, le nombre d’élèves qui seraient automatiquement exclus des écoles subventionnées ainsi que le nombre d’enfants qui n’auraient plus accès à la vaccination gratuite contre la rougeole. A défaut de disposer d’une majorité favorable, la stratégie démocrate demeure ainsi stable et consiste à tenir les républicains responsables des conséquences sociales et économiques qu’aurait l’échec des négociations.

Il convient néanmoins d’adopter deux points de vue pour appréhender les réelles conséquences d’un échec des négociations. Premièrement, celui des marchés. A l’instar de l’été 2011, un échec des négociations mettrait en exergue une réelle crise politique américaine qui pourrait précéder une crise économique et sociale dans le pays. Le séquestre entraînerait en effet selon Paul Krugman la destruction de 700 000 emplois dans un contexte déjà tendu. Les marchés pourraient ainsi s’affoler d’autant plus que la crise serait autoentretenue par une probable dégradation souveraine et par l’explosion de la bulle obligataire américaine. Le deuxième point de vue à considérer est celui de l’arbitrage social. Quel est le coût social d’un accord relativement à celui du séquestre ? Force est de constater que les sommes que pourraient s’auto-infliger les Etats Unis dans le cadre du séquestre auraient des conséquences moins désastreuses que le chaos qu’aurait causé l’échec sur le plafond de la dette ou sur la chute de la falaise fiscale. En d’autres termes, il conviendra de bien arbitrer entre un accord synonyme d’un énième compte à rebours et séquestre budgétaire.

Si beaucoup d’incertitudes demeurent quant à un accord entre républicains et démocrates, la seule certitude dont nous disposons et qu’une réelle « grande entente » est impossible du fait de l’importance des dogmes des dirigeants politiques. Et quand bien même un accord serait trouvé, les deux camps devraient à nouveau s’affronter au mois de mai 2013 sur le plafonnement de la dette…

 

 

Achevé de rédiger le 28 février 2013,

Anthony Benhamou, anthonbenhamou@gmail.com