France, Etats-Unis, Zone euro : bientôt la faillite ? (E&S n°241)

  

Humeur :

Oui, l’Etat français est déjà en faillite.

Il faut arrêter de tourner autour du pot et d’essayer de masquer la réalité. Oui, techniquement, l’Etat français est déjà en faillite. Cette situation n’est d’ailleurs pas nouvelle. Dès sa nomination à Matignon en mai 2007, François Fillon n’avait ainsi pas hésité à se déclarer « Premier ministre d’un État en faillite ». La chose déplut fort à Nicolas Sarkozy, qui ramena vite son numéro deux à la raison d’État, c’est-à-dire à la dissimulation de la vérité. « Il ne faut surtout pas utiliser des messages anxiogènes et pessimistes », lança en substance le second au premier. M. Fillon s’exécuta, le doigt sur la couture du pantalon.

Pourtant, dimanche dernier, soi-disant en essayant d’ironiser sur cette déclaration de l’ancien premier ministre, l’actuel ministre de l’emploi Michel Sapin a enfoncé le clou. Ce dernier a même été plus loin puisqu’il pas hésité à déclarer que la France était « un Etat totalement en faillite ». En dépit de multiples efforts de rétropédalages peu convaincants, le mal est fait.

D’où une question simple : mais pourquoi M. Fillon avait-il lancé une telle « ânerie » ? Tout simplement parce que ses conseillers lui avaient ouvert les yeux sur l’actif net de l’État français. Cette notion est assez simple : elle représente l’actif de la puissance publique française duquel on soustrait sa dette.

D’un point de vue comptable, si un agent économique a une dette supérieure à ses actifs, cela signifie que son actif net est négatif, et qu’il est alors en situation d’insolvabilité. En d’autres termes, même s’il vend tous ses actifs, il ne peut pas rembourser toutes ses dettes. A moins de trouver un financier extérieur, également appelé « chevalier blanc », il sera bientôt mis en faillite.

À cela, certains objectent que, si cette situation peut entièrement se comprendre pour une entreprise, elle ne semble pas devoir s’appliquer à un État. En effet, un État dispose généralement d’un horizon très long et n’aura pas à rembourser sa dette en une seule fois, sauf en situation de guerre. Pour autant, lorsque son actif net est négatif cela signifie que ce dernier ne dispose plus de marge de manœuvre pour augmenter sa dette, et doit donc inverser rapidement la tendance.

Or, c’est exactement ce qui s’observe pour l’Etat français depuis bientôt dix ans. Les chiffres de l’INSEE sont imparables. En 2011 (derniers chiffres officiels disponibles), le total des actifs de l’Etat français atteignait 693 milliards d’euros, alors que son passif était de 1 585,7 milliards d’euros (dont 1 417 milliards de titres de dettes). Cela signifie donc que l’actif net de l’Etat était de – 892,7 milliards d’euros. En 2012 et 2013, compte tenu de la faible variation de la valeur des actifs, mais de l’augmentation notable de la dette, l’actif net devrait avoisiner respectivement – 900 puis – 1 000 milliards d’euros.

Certes, si l’on observe le compte de patrimoine de toutes les administrations publiques (c’est-à-dire Etat + collectivités locales et sociales), la situation est moins catastrophique. Ainsi, en 2011, toujours selon la méthode de valorisation des actifs de l’INSEE, le total des actifs de celles-ci était de 2 680 milliards d’euros, contre un total des passifs de 2 177,8 milliards d’euros. Leur actif net serait ainsi de 507,2 milliards d’euros. Il faut néanmoins rappeler que ce dernier était encore de 884 milliards d’euros en 2007.

Au rythme de l’augmentation de la dette publique, il est à peu près certains que cet actif net deviendra négatif d’ici 2014. Autrement dit, même en vendant tous leurs actifs, les administrations publiques au sens large ne pourront pas combler leur endettement.

Bien sûr, en dépit de cette cinglante réalité, il est encore possible de souligner que le principal actif de l’État français n’est pas mesurable, puisqu’il s’agit de sa capacité à lever l’impôt. Il est vrai que la France peut encore s’appuyer sur d’importantes recettes fiscales, notamment liées aux performances de ses entreprises et à une richesse patrimoniale conséquente. Ces deux « vaches à lait » permettent donc à l’État de ponctionner encore et encore, du moins jusqu’à épuisement, ce qui risque de se produire dans quelques trimestres.

La baisse de 0,23 % de la consommation des ménages en 2012 (sa plus mauvaise performance depuis 1993) confirme d’ailleurs que les recettes de TVA ne sont pas au rendez-vous. Quant à 2013, l’augmentation du chômage et l’aggravation de la pression fiscale n’arrangeront pas les choses. Tant la consommation que le PIB devraient ainsi reculer de 0,3 % cette année, aggravant mécaniquement les déficits publics et la dette.

Dès lors, la négativité de l’actif net de l’Etat français sera mise en exergue. Celui-ci perdra encore en crédibilité et verra les taux d’intérêt de ses emprunts flamber, ce qui ne manquera pas de casser encore un peu plus l’investissement, la croissance et l’emploi. Plus personne ne pourra alors nier la situation de faillite de notre très cher Etat.

 

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

Croissance et chômage aux Etats-Unis : il y a pire et il y a mieux….


C’est certainement LA mauvaise surprise de la semaine. En effet, alors qu’il était attendu hausse d’environ 1,5 % en rythme annualisé au quatrième trimestre 2012, le PIB américain a finalement baissé de 0,1 %.

Certes, ce repli est infinitésimal et n’est pas annonciateur d’un retour de la récession. D’ailleurs, sur l’ensemble de l’année et en dépit de cette relative contre-performance, le PIB américain a progressé de 2,2 %, soit 0,4 point de plus qu’en 2011.

De même, il faut noter que la consommation et l’investissement des entreprises ont fait mieux que résister. Leur progression annuelle a ainsi atteint respectivement 1,9 % et 7,7 %.

En outre, on pourra aussi souligner que, hors stocks, le PIB américain a progressé de 1,2 % en rythme annualisé au quatrième trimestre 2012.

Enfin, avec une croissance de 2,2 % en 2012, les Etats-Unis resteront loin devant la zone euro, qui devrait afficher une baisse annuelle de son PIB d’au moins 0,4 %.

Croissance 2012 : 2,6 points d’écart entre les Etats-Unis et la zone euro.

Sources : BEA, Eurostat, ACDEFI

Pour autant, malgré ces éléments de « réconfort », la baisse du PIB américain au quatrième trimestre est de mauvais augure pour le début du second mandat de Barack Obama.

D’ores et déjà elle se traduit par un acquis de croissance pour l’année 2013 de seulement 0,4 %. Dans ce cadre, nous sommes contraints de réviser notre prévision de croissance du PIB américain pour 2013 de 2,2 % à 2 %. Et encore, cette dernière risque de s’avérer encore trop optimiste.

L’évolution récente des glissements annuels des principaux agrégats est d’ailleurs assez inquiétante. Au quatrième trimestre 2012, celui du PIB n’est ainsi plus que de 1,5 %, contre 2,6 % le trimestre précédent. Il atteint même un plus bas depuis le quatrième trimestre 2009.

De même, le glissement annuel de l’investissement des entreprises passe de 11,1 % au troisième trimestre 2012 à seulement 3,1 % désormais. Quant au glissement annuel de la consommation des ménages, s’il se stabilise à 1,9 % depuis trois trimestres, il reste toujours loin des 3,1 % du premier trimestre 2011.

La croissance résiste, mais de moins en moins.

Sources : BEA, ACDEFI

Cette croissance en demi-teinte se traduit mécaniquement par un marché du travail tout aussi mitigé. Ainsi, après avoir déjà ralenti en décembre, celui-ci n’a créé que 157 000 emplois nets en janvier. C’est certes très honorable, mais toujours insuffisant pour enclencher un cercle vertueux dynamique. Le taux de chômage a d’ailleurs repris 0,1 point par rapport à décembre, à désormais 7,9 %.

Et même si l’écart de taux de chômage entre les Etats-Unis et la zone euro reste largement pénalisant pour cette dernière, la « job machine » américaine n’est décidément plus ce qu’elle était.

Chômage aux Etats-Unis et dans la zone euro : c’est toujours le grand écart.

Sources : BLS, Eurostat, ACDEFI

Plus fondamentalement, la faiblesse de l’activité américaine montre qu’en dépit du soutien exceptionnel (et certainement excessif) de la Fed, d’une relance budgétaire historique (même si une réduction des dépenses publiques a été entamée en 2012) et d’un dollar de combat, l’Oncle Sam ne parvient à générer une croissance économique forte et durable.

Le comparatif de l’évolution du PIB lors de ce cycle économique avec ses trois prédécesseurs est d’ailleurs sans appel.

Un retard impressionnant.

Sources : BEA, calculs ACDEFI

Entre le début de la dernière récession (c’est-à-dire au quatrième trimestre 2007) et le quatrième trimestre 2012, le PIB américain n’a progressé que de 2,4 %. Or, à ce stade du cycle (en l’occurrence vingt trimestres après le début de la récession), celui-ci avait progressé de 12 à 14 % à la suite des trois dernières récessions : celles de 1980, 1990 et 2000.

Bien entendu, il est possible de lire ce comparatif avec optimisme, en soulignant l’ampleur du rattrapage, donc de la vigueur, qui attend l’économie américaine au cours des prochains trimestres. Pour autant, compte tenu de la relative faiblesse de la plupart des indicateurs avancés de la conjoncture outre-Atlantique depuis quelques mois, il n’est malheureusement pas possible d’anticiper un retour rapide d’une croissance forte et durable, c’est-à-dire au-dessus des 2,5 %. Ce niveau ne pourra d’ailleurs être atteint par le glissement annuel du PIB qu’à partir du quatrième trimestre 2013.

Evidemment, l’Administration Obama pourra toujours se rassurer en soulignant que la contribution du PIB américain à la croissance mondiale sera de 0,4 point (sur un total de 3,3 %) et en rappelant que le PIB eurolandais baissera encore d’environ 0,4 % en 2013. Mais la triste réalité est bien là : l’économie américaine est une locomotive déclinante qui ne sait plus fabriquer de la croissance forte.

A ce rythme et si Obama ne change pas la donne, l’économie américaine perdra sa place de première puissance mondiale d’ici une dizaine d’années au profit de la Chine.

Le calcul est malheureusement simple. En 2012, la part du PIB américain et de celui de la Chine dans le PIB mondial était de respectivement 19 % et 15 % (en parités de pouvoir d’achat). En supposant que la progression du PIB mondial se stabilise autour des 3 % et que celle du PIB américain et chinois s’installe à respectivement 2,3 % et 8 % (hypothèse plutôt pessimiste pour la Chine et optimiste pour l’Oncle Sam), le PIB chinois dépassera son homologue américain en 2017 (évidemment, toujours en parités de pouvoir d’achat).

A cette date, la Chine devrait ainsi réaliser 19 % du PIB planétaire, contre 18,4 % pour les Etats-Unis. Ça promet…

En 2017, les Etats-Unis perdront leur première place au profit de la Chine.

Sources : FMI, Calculs et Prévisions ACDEFI

Encore une fois, les Américains pourront toujours se consoler en observant l’aggravation du déclin de la zone euro (dont le poids dans le PIB mondial ne sera plus que de 12 %), mais, parfois, le malheur des uns ne fait pas le bonheur des autres…

 

 

Marc Touati



 


 

Les évènements à suivre du 4 au 8 février :


Déficits en France et aux Etats-Unis, excédent en Allemagne.


Après la densité des jours précédents, cette semaine économico-statistique sera relativement calme, dans la mesure où elle devrait réserver peu de surprise. Que ce soit en matière de balance commerciale (en France jeudi, en Allemagne et aux Etats-Unis vendredi) ou de réunions de politique monétaire (BoE et BCE jeudi), les récentes tendances devraient être confirmées.

 

 

Mardi 5 février, 16h (heure de Paris) : légère baisse de l’indice ISM services aux Etats-Unis.

 

Après la bonne tenue des derniers mois, l’indice ISM des directeurs d’achat dans les services devrait rester bien orienté outre-Atlantique. En ver