France, Chômage : le pire, c’est maintenant… (E&S n°238)

 

Humeur :

La France en 2013 : le pire, c’est maintenant…

Au printemps dernier, on nous avait promis : « le changement c’est maintenant !». La croissance forte devait revenir, le chômage baisser, les inégalités reculer et la paix sociale se renforcer. Mieux, après le leadership économico-politique exercé par l’Allemagne au sein de la zone euro, la France devait retrouver sa crédibilité et renvoyer les Allemands à leur rôle de partenaires réduits à entériner les décisions françaises. Ah, qu’il est doux de rêver…

Seulement voilà, neuf mois après ces belles promesses, rien de tout cela ne s’est produit. Certes, des changements ont bien eu lieu, mais dans le sens du pire. Ainsi, même si les dirigeants du pays s’emploient à le cacher, la récession est revenue dans l’Hexagone, le chômage a flambé, les inégalités se sont accrues et les tensions sociales ont été avivées. Parallèlement, bien loin d’imposer sa voix à Madame Merkel, Monsieur Hollande a été contraint de courber l’échine et d’accepter les décisions germaniques. Enfin, que ce soit avec le cafouillage Montebourg-Mittal, avec la cacophonie autour de la taxe à 75 % ou encore via le camouflet russe de Gérard Depardieu, la France s’est ridiculisée.

Comme nous l’écrivions il y a quelques mois en prévision ou plutôt dans la crainte que la situation actuelle ne se produise : « si c’est ça le changement, alors, s’il vous plaît Monsieur Hollande, ne changez rien !». Mais, malheureusement, le mal est fait. Même si la taxe à 75 % sur les très hauts revenus a été retoquée par le Conseil Constitutionnel, la pression fiscale française va augmenter dangereusement en 2013. Et les promesses du ministre du budget de ne plus augmenter les impôts ensuite n’y changent rien. D’une part, parce que de telles promesses sont faites depuis trente ans, avec, le plus souvent, une réalité inverse.

D’autre part et surtout, parce que la France pâtit déjà d’un des poids des prélèvements obligatoires rapportés au PIB parmi les plus élevés du monde. Des dires du gouvernement, il devrait atteindre 46,3 % cette année. Augmenter encore ce niveau prohibitif ne fera donc qu’aggraver la récession, ce qui ne manquera pas d’accélérer la hausse du chômage, mais aussi de maintenir les déficits publics sur des niveaux élevés et d’augmenter la dette vers de nouveaux records. En 2013, ceux-ci devraient atteindre respectivement 4 % et 100 % du PIB.

C’est là que réside l’un des sérieux paradoxes de la politique gouvernementale : elle s’obstine à vouloir augmenter les impôts pour réduire les déficits alors que cette stratégie ne fera qu’aggraver ces derniers. De la sorte, la piètre crédibilité économique de la France s’affaiblira encore. Et ce, d’autant plus si le gouvernement s’obstine dans sa volonté maladive d’augmenter les taux d’imposition. Dans ce cadre, après avoir bénéficié d’un « flight to quality » abusif, les obligations du Trésor français vont commencer à devenir moins attractives. Et le réveil risque d’être douloureux. De moins de 2 % il y a quelques semaines, les taux d’intérêt des OAT à dix ans devraient avoisiner les 4 % d’ici l’été prochain. Nous pourrons alors bien parler de krach obligataire.

Bien plus grave, cette augmentation justifiée des taux d’intérêt ne manquera pas de casser encore un peu plus l’investissement des entreprises et la consommation des ménages. La récession montera en puissance, le chômage aussi et la dégradation des comptes publics se poursuivra. Après avoir été extrêmement indulgentes à l’égard de l’Etat français, les agences de notations n’auront alors d’autres choix que de valider la réalité en dégradant d’au moins deux crans la dette publique hexagonale. D’où une nouvelle vague d’augmentation des taux d’intérêt et le cercle pernicieux continuera.

Le Président Hollande devra alors faire un choix difficile et déterminant. Soit, il engage un virage à 180° de sa politique économique, vers moins de dépenses publiques (notamment de fonctionnement) et moins de pression fiscale. La France sera alors sauvée et la zone euro avec. Soit, il s’obstine à nier l’évidence et la crise économico-socialo-politique atteindra un point de non-retour, avec, au bout du chemin, l’explosion de la zone euro, la multiplication des émeutes…

Face à de tels dangers, nous ne pouvons donc que souhaiter que 2013 soit l’année du « changement du changement », c’est-à-dire de la victoire du pragmatisme sur le dogmatisme et du triomphe de l’efficacité économique sur le désordre social.

Conscient qu’il ne sert à rien de critiquer sans proposer, je m’investirai personnellement pour apporter ma pierre à cet édifice. Pour ce faire, et si l’on m’en laisse la possibilité, je m’engagerai à 200 % dans cette lutte. Je commencerai par la publication d’u nouveau livre « Le dictionnaire terrifiant de la dette » (qui sortira en librairie le 7 mars). Le but de ce dernier n’est évidemment pas de faire peur, mais de démocratiser encore davantage l’économie dans l’Hexagone et, par là même, de responsabiliser les Français sur les enjeux économiques qui nous attendent.

De plus, je créerai prochainement un site internet de forum « sortirdelacrisedeladette.fr » pour faire avancer le débat public et ouvrir ce dernier à toutes bonnes volontés pour trouver des solutions consensuelles.

Enfin, je lancerai également dans quelques jours une pétition sur Internet pour que le gouvernement français s’engage à baisser le poids de sa fiscalité et de ses dépenses publiques dans son PIB au niveau de la moyenne de la zone euro.

Dans ce cadre, peut-être qu’après le changement vers le pire en 2013, nous aurons le changement vers le mieux en 2014. Et si tel n’est pas le cas, je n’aurai donc aucun regret, j’aurai fait le maximum. Je pourrai alors rejoindre Gérard Depardieu non pas à Moscou, mais plutôt vers une destination ensoleillée. Et ce, non pas pour des raisons fiscales, mais pour des raisons de sécurité.

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

Zone euro : le chômage n’en finit plus de flamber.


Alors que Standard and Poor’s annonce que la crise de la zone euro pourrait prendre fin au second semestre 2013, la nouvelle flambée du chômage en novembre dernier confirme que la crise non seulement loin d’être terminée, mais aussi qu’elle en train de devenir socialement dramatique.

Ainsi, comme nous l’annoncions la semaine dernière dans nos prévisions, le taux de chômage de la zone euro a atteint un nouveau sommet historique à 11,8 %. Un plafond qu’il faut comparer au plancher de 7,3 % atteint en mars 2008.

Cette augmentation n’est finalement que la conséquence de la récession eurolandaise qui s’est imposée en 2008-2009 et qui est revenue dès le deuxième trimestre 2012.

11,8 % : Nouveau record historique pour le taux de chômage eurolandais.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Et même si le chômage américain est encore trop élevé, il s’éloigne de plus en plus de son homologue eurolandais. Pis, cet écart est loin de pouvoir amorcer une réduction. Car même si la croissance américaine ne dépassera pas les 2,5 % cette année, cela permettra de stabiliser le taux de chômage autour des 7,5 % outre-Atlantique.

Etats-Unis / Zone euro : l’écart de taux de chômage se creusent de plus en plus.

Sources : BLS, Eurostat, ACDEFI

A l’inverse, dans la mesure où la récession va s’installer au moins jusqu’au printemps prochain dans la zone euro, le taux de chômage eurolandais va encore flamber pour dépasser les 12,5 % d’ici septembre 2013. Pour la fin de la crise, il faudra donc repasser.

D’ailleurs, à l’exclusion de l’Allemagne, qui continue d’agacer avec un taux de chômage stabilisé à 5,4 %, tous les pays de la zone euro souffrent dangereusement. Et n’en déplaise à M. Hollande, la France est aussi particulièrement malmenée. Son taux de chômage a ainsi atteint 10,5 % en novembre, un plus haut depuis le quatrième trimestre 1997.

Le taux de chômage français au plus haut depuis 1997.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Bien entendu, il sera toujours possible de se rassurer en soulignant que les taux de chômage atteignent des niveaux bien plus dramatiques chez nos voisins du sud de l’Europe : 26,6 % en Espagne, 26 % en Grèce (chiffre de septembre), 16,3 % au Portugal, 14,5 % en Slovaquie, 14 % à Chypre et 11,1 % en Italie.

Le chômage atteint des proportions dramatiques dans les pays du Sud de l’Europe.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Cependant, de tels niveaux sont déjà observés dans l’Hexagone pour certaines couches de la population, et notamment pour les plus jeunes. Le taux de chômage des résidents français de moins de vingt-cinq ans a ainsi atteint un nouveau pic à 27 %, soit 3,6 points de plus que le taux moyen de l’ensemble de la zone euro. Mais puisque le gouvernement Ayrault nous dit que tout va bien, ces chiffres doivent sûrement être faux… Quelle tristesse !

Le marasme est évidemment encore plus grave en Grèce et en Espagne, avec un taux de chômage des jeunes à deux pas des 60 %. A l’évidence, énumérer de tels chiffres fait froid dans le dos. Comment une société moderne peut-elle relever les défis de demain avec une jeunesse autant désœuvrée ?

Taux de chômage des jeunes : presque 60 % en Grèce et en Espagne et 27 % en France. Un vrai drame.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Face à un tel drame humain, comment peut-on accepter les déclarations des dirigeants des pays de la zone euro et notamment français qui veulent nous laisser croire que la crise est finie ? Que dire également des propos de Mario Draghi qui soutient à peu près la même chose ?

Un tel décalage entre les discours des dirigeants et la réalité du chômage risque vraiment de coûter très cher, notamment sur le front de la stabilité politique et sociétale de nos pays. Nos dirigeants ne pourront pas dire qu’ils n’avaient pas été prévenus…

 

Marc Touati

 



 


 

Les évènements à suivre du 14 au 18 janvier :


L’Oncle Sam va mieux, mais sans plus.

 


Cette semaine économico-statistique sera principalement américaine, avec pas moins de cinq publications déterminantes outre-Atlantique : les prix à la production et les ventes au détail (mardi), les prix à la consommation et la production industrielle (mercredi) et, enfin, les mises en chantier (jeudi).

Dans la zone euro, il faudra surveiller la production industrielle (lundi) et la croissance annuelle du PIB allemand (mardi).

 

Lundi 14 janvier, 11h (heure de Paris) : petite hausse corrective de la production industrielle.

Après son effondrement de 1,4 % en octobre, la production industrielle de la zone euro devrait logiquement rebondir en novembre. Cependant, à l’instar des chiffres déjà publiés dans de nombreux pays de la zone, elle ne devrait croître que modérément, en l’occurrence de 0,2 %.

Cela n’empêchera donc pas la production de baisser fortement sur l’ensemble du quatrième trimestre 2012, confirmant que la récession est bien ancrée dans la zone euro. Son glissement annuel restera d’ailleurs largement négatif à – 3,1 %

 

Mardi 15 janvier, 9h : 0,9 % de croissance outre-Rhin en 2012.

Après avoir atteint 3 % en 2011, la croissance annuelle du PIB allemand devrait avoisiner 0,9 % en 2012. Ce sera donc beaucoup mieux que la zone euro (- 0,4 %) et la France (0 %), sans parler des pays du Sud. En revanche, cette évolution modérée confirmera que l’Allemagne commence également à souffrir.

 

Mardi 15 janvier, 14h30 : les prix à la production reculent encore aux Etats-Unis.