Zone euro, France : la récession encore et toujours… (E&S n°232)

 

Humeur :

 

France : derrière le marketing, la récession…

 

Miracle ? Erreur de calcul ? Manipulation ? Ou les trois à la fois ? A l’annonce d’une croissance de 0,2 % du PIB français au troisième trimestre, il y a vraiment de quoi se poser des questions ?

Certes, le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, nous avait déjà prévenus il y a dix jours que le PIB augmenterait légèrement au troisième trimestre. On se moquait des dirigeants chinois qui connaissaient les chiffres de la croissance avant même que le trimestre soit terminé, leurs homologues français risquent bientôt de les rattraper…

Mais ces interrogations sur les chiffres de la croissance ne sont pas nouvelles. Cela rappelle par exemple étrangement la première version des comptes nationaux français du quatrième trimestre 2011, qui avait été publiée le jour de l’annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy à la Présidentielle. A l’époque, l’INSEE avait aussi affiché une étonnante croissance de 0,2 %, mais qui a finalement été révisée quelques mois plus tard à 0 %.

Comme quoi, Monsieur Hollande a beau vouloir nous faire croire qu’il veut casser avec les pratiques de son prédécesseur, le changement est loin d’être réel. D’ailleurs, il faut noter que les chiffres du deuxième trimestre 2012 ont déjà été revus en baisse. On nous annonçait 0 %, c’est finalement – 0,1 %. Ah, méthode Coué quand tu nous tiens…

Nous sommes donc désolés de faire notre métier et de devoir dire que la croissance affichée du troisième trimestre ne reflète pas la réalité économique française. Et pour cause : après avoir déjà reculé de 0,1 % au deuxième trimestre, l’emploi marchand a plongé de 0,3 % au troisième. Conséquence logique de ces destructions d’emplois, le chômage flambe. Il était de 10,8 % en septembre selon les statistiques d’Eurostat.

Il y a là un vrai paradoxe. En temps normal, l’emploi et le chômage sont des variables retardées de l’activité. Cela signifie que l’emploi doit baisser après que le PIB ait reculé. Or, depuis la fin 2011, c’est exactement l’inverse qui se produit. En d’autres termes, si son PIB reste en croissance artificielle, la France connaît déjà un emploi et un chômage de récession.

Et, malheureusement, la tendance n’est pas près de s’inverser. Le détail des comptes nationaux du troisième trimestre nous montrent d’ailleurs que l’investissement des entreprises a repris le chemin de la baisse (-0,4 %), annonçant par là même un nouveau recul de l’emploi et de la consommation pour les trimestres à venir.

L’augmentation de 0,3 % de la consommation des ménages au troisième trimestre ne doit d’ailleurs pas nous tromper. Elle ne constitue qu’une correction de la baisse de 0,2 % du trimestre précédent et sera, à son tour, corrigée par un repli au quatrième trimestre.

En outre, les indicateurs avancés que constituent les enquêtes de conjoncture de l’INSEE, mais aussi celles de la Banque de France, de la Commission Européenne et celles des directeurs d’achat sont formelles : au printemps 2013, le glissement annuel du PIB français devrait se situer entre – 1,5 % et – 2 %.

Autrement dit, la petite croissance de 0,2 % du troisième trimestre est l’arbre qui cache la forêt d’une récession française qui ne veut pas dire son nom. Seulement voilà, les entreprises et les citoyens français ne sont pas dupes, ils vivent chaque jour la réalité de la faiblesse de l’activité et de la hausse du chômage.

Pis, avec un euro toujours trop fort et la nouvelle augmentation à venir de la pression fiscale française, la récession ne peut que s’aggraver. Cela signifie que le PIB baissera nettement au quatrième trimestre et encore davantage au début 2013. La variation annuelle moyenne du PIB français devrait donc atteindre + 0,1 % en 2012 et au mieux 0 % en 2013. Nous serons donc très loin des objectifs gouvernementaux.

Dans ce cadre, l’an prochain, le déficit public atteindra au moins 4 % du PIB, la dette publique franchira la barre symbolique des 100 % du PIB et le taux de chômage (mesuré sérieusement par Eurostat) dépassera les 12 %. Mais, chut !, le Président a dit que tout irait bien, donc taisons-nous…

 

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine :

Zone euro : la récession, encore et toujours…


Sans surprise, la zone euro est bien retournée officiellement en récession. En effet, après avoir déjà reculé de 0,2 % au deuxième trimestre 2012, le PIB eurolandais a encore reculé de 0,1 % au troisième.

La grande majorité des pays de l’Union Economique et Monétaire est affectée par le retour de la récession. A commencer bien sûr par la Grèce, qui va bientôt entrer dans sa sixième année de dépression. Un record dont les hellènes se seraient bien passés…

La Grèce commence vraiment à faire peur.

Sources : Eurostat, ACDEFI

Mais la « redescente aux enfers » est presque aussi dramatique pour l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Ces derniers en sont d’ailleurs à leur quatrième trimestre consécutif de baisse du PIB. Après avoir déjà connu une récession historique en 2009, puis une toute petite reprise en 2010, ils ont donc replongé dans le marasme dès 2011. Il s’agit d’un véritable cas d’école de « W », si ce n’est que le dernier rebond du « W » n’a pas encore eu lieu.

La redescente aux enfers…

Sources : Eurostat, ACDEFI

L’observation des glissements annuels du PIB est sans appel : – 7,2 % pour la Grèce, – 3,4 % pour le Portugal,      – 2,4 % pour l’Italie et – 1,6 % pour l’Espagne.

Même les Pays-Bas, qui ont, jusqu’à présent évité le pire, ont commencé à lâcher prise. Sur le seul troisième trimestre, leur PIB a chuté de 1,1 %, affichant un glissement annuel de – 1,4 %.

La facture aurait pu être encore plus salée si l’Allemagne et la France n’avaient pas « relevé » le niveau, en affichant une augmentation trimestrielle de leur PIB de 0,2 %. Si la performance de l’Allemagne peut à la rigueur se comprendre, celle de la France paraît complètement décalée par rapport à la réalité de l’emploi et du chômage (cf. notre Humeur de la semaine). Toujours est-il que les glissements annuels des PIB de ces pays demeurent particulièrement faibles : respectivement 0,9 % et 0,1 %.

Même si elles résistent, les économies allemandes et françaises se rapprochent de la récession.

Sources : INSEE, Bundesbank, ACDEFI

Toujours est-il que les indicateurs avancés du PIB, qui avaient plutôt bien anticipé l’actuelle récession, indiquent que cette dernière ne fait que recommencer.

Selon l’enquête de la Commission Européenne, le glissement annuel du PIB eurolandais devrait même avoisiner les – 2 % au printemps prochain.

PIB eurolandais : – 0,6 % au troisième trimestre, – 2 % au printemps 2013.

Sources : Eurostat, Commission Européenne, ACDEFI

Dans ce triste contexte, il paraît clair que le maintien de l’euro à un niveau trop élevé et l’augmentation prévisible des impôts dans de nombreux pays eurolandais l’an prochain ne fera qu’aggraver la récession.

Tant que l’euro sera trop fort, la récession perdurera.

Sources : Eurostat, ACDEFI

L’assainissement oui, la rigueur pour la rigueur non : il ne sert à rien de mourir guéri.

 

Marc Touati

 

 

 

 

 



 


 

Les évènements à suivre du 19 au 23 novembre :


Le calme après la tempête.

 


Après la densité des quinze derniers jours, cette semaine économico-statistique sera particulièrement calme. Elle sera principalement marquée par la publication des mises en chantier et de l’enquête du Conference Board aux Etats-Unis (respectivement les 20 et 21) et par la première estimation des enquêtes PMI des directeurs d’achat dans la zone euro (le 22). Enfin, les enquêtes de l’INSEE et de l’IFO (le 23) viendront terminer une semaine plutôt terne sur le front de la conjoncture eurolandaise.

 

 

Mardi 20 novembre, 14h30 (heure de Paris) : les mises en chantier repartent à la baisse aux Etats-Unis.

 

Après six mois de rebond significatif, les mises en chantier de logement et les permis de construire devraient reprendre le chemin de la baisse en octobre outre-Atlantique. Un repli qui viendra surtout corriger la vigueur des mois précédents et qui sera d’ailleurs limité. Les mises en chantier devraient ainsi atteindre un niveau annuel de 840 000 (contre 872 000 en septembre). Quant aux permis de construire, ils passeraient de 890 000 à 860 000. Rien de bien méchant.

 

 

Mercredi 21 novembre, 16h : petite hausse des indicateurs avancés du Conference Board.

 

Après avoir fortement progressé depuis trois mois, et notamment en septembre (+ 0,6 %), les indicateurs avancés de l’économie américaine calculés par le Conference Board devraient continuer de croître, mais à un rythme moins soutenu. Ils augmenteraient ainsi de 0,1 % en octobre. Cela traduira notamment l’attentisme pré-électoral, en attendant une hausse plus marquée en novembre.