Emploi US, Obama, Croissance française : qui sont les pigeons ? (E&S n°227)

 

Humeur :

France : Des pigeons sans ailes…

En moins d’une semaine et devant la pression des entrepreneurs français, le gouvernement a donc fait marche arrière sur la taxation à 60 % des plus-values de cessions d’entreprises. D’aucuns pensaient qu’une révolution allait venir de la rue, mais c’est finalement les patrons de PME et de TPE qui ont mis le feu aux poudres. Certes, il n’y a pas eu de barricades, de pavé ou de vandalisme, simplement une levée de bouclier médiatique, en particulier sur Internet, notamment avec la fameuse pétition des « Pigeons ». Une fois encore, les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ont prouvé qu’elles constituaient une véritable force économique et sociale. Plus fort que le Medef et sa Présidente, qui a encore brillé par son inconstance, plus forts que les médias traditionnels qui ont tardé à relayer le mouvement des « patrons modernes », ces derniers et leurs réseaux sociaux ont réussi à faire capoter une décision gouvernementale hautement dangereuse.

En effet, fier de sa stratégie d’augmentation des impôts et d’égalisation par le bas, les dirigeants politiques français souhaitaient « faire payer » plus que de raison les chefs d’entreprise. Ainsi, lors de la cession de leur société, ces derniers auraient dû reverser 60 % de leurs plus-values pour entretenir le mammouth de la dépense publique. Après avoir payé chaque année un impôt sur les sociétés prohibitif, sans parler de toutes les autres taxes diverses et variées qui grèvent le dynamisme entrepreneuriale hexagonal, le créateur-chef d’entreprise aurait donc dû encore « cracher au bassinet ». Après avoir pris de nombreux risques, créé de la richesse et des emplois pendant de nombreuses années, celui-ci se serait donc vu privé d’une large partie de la rémunération qu’il aurait pu utiliser soit pour réinvestir, soit pour financer sa retraite.

Nous nous serions donc trouvés face à une anomalie lourde de conséquences pour l’économie et la société française. En effet, l’une des règles de base de l’économie, de l’entreprise, voire de la vie tout court, réside dans la formule de bon sens suivante : plus le risque augmente, plus le rendement s’accroît. Autrement dit, pour obtenir un rendement élevé, il faut prendre des risques. A l’inverse, celui qui ne souhaite pas prendre de risque devra se contenter d’un rendement faible. Quoi de plus logique ?!

Certes, pendant la bulle des subprimes, certains ont réussi à faire croire que l’on pouvait transformer cette règle en supprimant le risque. A les écouter, il était donc possible d’accroître le rendement sans augmenter le risque. Pour y parvenir, ces « apprentis sorciers », qui faisaient partie des meilleurs ingénieurs et/ou mathématiciens de la planète, s’étaient livrés à la titrisation des dettes subprimes et, grâce à une modélisation extrêmement puissante, avaient réussi à transformer ces dernières en des titres notés AAA par les agences de notations. Evidemment, en dépit d’un maquillage scientifique exceptionnel, la supercherie a fini par être découverte et le monde en paie encore les pots cassés aujourd’hui. Très logiquement, la planète économico-financière est alors revenue vers sa règle de base « pas de haut rendement sans risque élevé ».

Pourtant, avec son projet de taxation extrême des plus-values de cession, le gouvernement français souhaitait, à son tour, modifier cette règle de base, mais dans le sens inverse de celui des alchimistes de la bulle des subprimes. En d’autres termes, il ne s’agissait plus de transformer le plomb en or, mais l’or en plomb. En effet, la nouvelle règle de l’entrepreneuriat français aurait été : plus le risque augmente, plus le rendement baisse. Dès lors, à quoi bon investir et prendre des risques, pour voir 60 % de ses gains s’envoler en fumée (sans parler de ceux ponctionnés annuellement). Les créations d’entreprises auraient alors fortement chuté, avec baisse du PIB et hausse du chômage à la clé.

Devant l’ineptie de ce projet et face à la montée en puissance du mécontentement, le gouvernement français a donc reculé, tout en faisant savoir qu’il souhaitait toujours augmenter la pression fiscale sur tous, et en particulier sur les entreprises. Si ces dernières ont donc gagné une bataille, elles sont loin d’avoir gagné la guerre. Compte tenu d’une fiscalité et d’une pression réglementaire excessive, elles vont rester des pigeons, mais sans ailes. En d’autres termes, elles ne pourront plus aller bien loin et seront contraintes de réduire leurs investissements et leurs embauches.

Mais ce n’est pas tout. Car l’épisode des « pigeons » confirme aussi le manque de professionnalisme et de clairvoyance du gouvernement français. Ensuite, il rappelle que la lutte des classes est bien en train de devenir la « haine des classes ». Pis, si cette dernière était généralement l’apanage des syndicats, elle est en train de se généraliser aux chefs d’entreprise. Ces évolutions sont évidemment très dangereuses pour la stabilité de la société française. Or, sans cohésion sociétale, la croissance ne pourra redémarrer et la France finira par s’enfoncer dans un marasme économico-social historique.

C’est en cela que les nouvelles prévisions de l’INSEE d’une croissance zéro jusqu’à la fin 2012 ont vraiment de quoi faire sourire ou plutôt pleurer. En effet, pour éviter de faire peur, l’Institut public a annoncé que le PIB français allait miraculeusement stagner pendant cinq trimestres. Il y en a déjà eu trois, il y en aura encore deux, les deux derniers de 2012. De la sorte, l’économie française évitera par magie la récession.

Sans vouloir donner des leçons, il serait vraiment temps d’arrêter de masquer la réalité aux Français. Ces derniers doivent au contraire être responsabilisés. A commencer par ceux qui nous gouvernent et qui ne pensent qu’à maintenir le niveau des dépenses publiques à un niveau insupportable de 56,3 % du PIB (un des plus hauts du monde) et à augmenter les impôts. Soyons clairs : s’il est justifié d’avoir une dépense publique élevée et de payer des impôts, ceci doit se faire avec un minimum d’efficacité économique et sociale. Or, en dépit cette gabegie de dépenses, la croissance française n’a été que de 1 % par an au cours de la dernière décennie et de seulement 0,05 % de 2008 à 2012. Quant à 2013, avec les augmentations d’impôts annoncées et un euro à 1,30 dollar, il faut tabler au mieux sur une baisse du PIB d’environ 0,5 %. En plus d’être dépourvus d’ailes, les pigeons français vont donc rester bien tristes.

Marc Touati



Quid de l’économie cette semaine :

L’emploi américain vote Obama…


Alors que la plupart des politologues américains et internationaux avaient déjà réélu Obama à la tête des Etats-Unis, le premier débat entre ce dernier et son challenger Mitt Romney a rebattu les cartes.

Et pour cause : bien loin de ne faire qu’une bouchée de son adversaire, le Président sortant a été bousculé sur les questions économiques et de politique intérieure.

Le faible dynamisme de l’économie américaine est effectivement sans appel : même si, au contraire de son homologue eurolandais, le PIB de l’Oncle Sam n’a pas rechuté, il ne parvient pas à dépasser la barre des 2,5 % de croissance, niveau supposé structurel pour cette dernière.

Comparativement aux trois précédents cycles, l’économie américaine affiche même un retard inquiétant.

En effet, depuis le début de la dernière récession (c’est-à-dire il y a dix-huit trimestres), le PIB des Etats-Unis n’a progressé que de 2 %. Lors des trois cycles précédents (ceux des années 1980, 1990 et 2000), il avait progressé entre 10 % et 12 %.

Les optimistes diront alors que le potentiel de rattrapage de l’économie américaine est colossal. Les autres diront plutôt qu’il affiche un sacré retard.

L’économie américaine est très en retard.

Sources : BEA, Calculs ACDEFI

L’origine principale de ce retard est relative à une erreur stratégique de la part de l’Administration Obama. En l’occurrence, celle d’avoir voulu augmenter massivement les dépenses publiques. De 2002 à 2007, le poids de ces dernières dans le PIB oscillait entre 34,5 % et 36,6 %. Sous Obama, il est monté à 44 % en 2009 et devrait avoisiner les 40 % cette année.

Force est donc de constater qu’en dépit de pléthore de dépenses gouvernementales, la croissance américaine a été décevantes. Si Obama devait donc être réélu, il sait d’ores et déjà ce qu’il ne faut pas faire.

La partition de Romney est donc assez facile à jouer : la stratégie actuelle n’a pas permis à l’économie américaine de retrouver son dynamisme légendaire. Elle ne doit finalement son salut qu’à la politique extrêmement accommodante (certainement trop d’ailleurs) de la Réserve fédérale.

Mais si le débat de la semaine dernière a été favorable à Romney, les publications statistiques de la semaine écoulée ont réservé de bonnes surprises.

Tout d’abord, contre toute attente, les indicateurs ISM des directeurs d’achat tant dans l’industrie que dans les services ont nettement progressé en septembre. Avec un niveau de respectivement 51,5 et 55,1, ils montrent que la croissance américaine devrait se stabiliser durablement au-dessus des 2 %. Ce n’est pas formidable, mais suffisant pour rembourser les intérêts de la dette et créer des emplois.

Les indicateurs ISM confirment la résistance de la croissance américaine.

Sources : ISM, BEA, ACDEFI

C’est d’ailleurs là que réside la deuxième bonne surprise de la semaine, en l’occurrence l’augmentation des créations d’emploi, qui ont atteint le niveau incroyable de 114 000 personnes en septembre. Mieux, le taux de chômage a fortement baissé, passant de 8,3 % en juillet à 8,1 % en août et enfin 7,8 % en septembre. Il s’agit là d’un plus bas depuis janvier 2009.

Le taux de chômage au plus bas depuis janvier 2009.

Sources : BLS, ACDEFI

Cette embellie de dernière minute redonne à Obama une chance de l’emporter. Certes, avec un taux de chômage supérieur à 7 %, aucun Président américain n’a été réélu (à part Roosevelt, mais dans un contexte évidemment très particulier). En revanche, le changement de tendance depuis quelques mois et le nouveau cadeau de la Réserve fédérale américaine il y a quinze jours peuvent permettre à Obama de casser cette règle.

Le Président américain serait ainsi le seul dirigeant du monde occidental à avoir été réélu en dépit de la crise.

Nous n’en sommes évidemment pas encore là, mais, quoi qu’il en soit, le résultat sera certainement beaucoup plus serré que les sondages veulent bien le dire.

Et, finalement, quelle que soit l’issue de l’élection, une chose est sûre : si les Etats-Unis augmentent encore leurs dépenses publiques, ils ne seront plus la première puissance économique mondiale d’ici quinze ans.

Marc Touati



 


 

Les évènements à suivre du 8 au 12 octobre :


L’inflation se stabilise des deux côtés de l’Atlantique.

 


Cette semaine économico-statistique sera particulièrement calme, avec seulement cinq publications importantes (dont trois en France) et d’ailleurs peu déterminantes.

 

 

Mardi 9 octobre, 8h45 (heure de Paris) : le déficit extérieur français mensuel se stabilise autour des 4 milliards d’euros.

 

Ce n’est pas une surprise, le déficit extérieur français est structurel. Avec le retour en récession de la zone euro (son premier partenaire commercial) et la remontée de l’euro/dollar, la France ne pourra évidemment pas faire de miracle. Voilà pourquoi, comme en août, le déficit extérieur français devrait se stabiliser à 4 milliards d’euros.

 

 

Mercredi 10 octobre, 8h45 : nouvelle baisse pour la production industrielle française.

 

Après un petit répit en juillet, la production industrielle française repart à la baisse en août : – 0,4 % sur un mois et – 3,9 % sur un an. Les indicateurs PMI des directeurs d’achats et ceux de l’INSEE dans l’industrie montrent malheureusement que la baisse devrait s’accélérer en septembre.

 

 

Jeudi 11 octobre, 8h45 : l’inflation française se stabilise à 2,1 %.

Après la flambée de 0,7 % observée en août, notamment dans le sillage de la correction de l’effet soldes et de l’augmentation des prix des matières premières, les prix à la consommation devraient reculer de 0,1 % en septembre.

Leur glissement annuel se stabiliserait ainsi à 2,1 %.