Humeur :
MM. Hollande et Ayrault, le réveil c’est maintenant, sinon…
Ah qu’il paraît loin le temps où la France se rapprochait du plein-emploi ! C’était il y a douze ans. A l’époque, précisément en 2000-2001, le taux de chômage français passait sous les 8 % et atteignait même 7,7 % au second semestre 2001, un plus bas depuis le quatrième trimestre 1983. Devant un tel résultat, une vague d’euphorie s’emparait de l’Hexagone. En mars 2000, votre serviteur écrivit même un livre (avec Pierre Alexandre) intitulé « Le retour du plein-emploi – Une nouvelle révolution française ». Cet essai soulignait alors que, compte tenu des rigidités du marché du travail français, le taux de chômage de plein-emploi se situait autour des 6,5 %. Pas de quoi s’envoler, mais, après les presque 11 % atteint de 1993 à 1997, ce niveau aurait largement suffi à l’économie et la société française pour entrer dans une ère de prospérité durable. Seulement voilà, pour parvenir à ce « nirvana », la France devait encore franchir quelques obstacles, en l’occurrence, conserver une croissance durablement forte, réduire le coût du travail, fluidifier le marché de l’emploi, diminuer la pression fiscale et dégraisser la dépense publique.
Malheureusement, à l’instar d’Icare se rapprochant du soleil, c’est au moment où le plein-emploi était à portée de main que tout s’est écroulé. En effet, bien loin de mener les réformes évoquées ci-dessus, la France a décidé de faire le chemin inverse et a multiplié les occasions gâchées. La première remonte à la fameuse « cagnotte » du gouvernement Jospin. A l’époque, la croissance était forte (près de 4 % par an pendant trois ans), et ce principalement grâce à la révolution des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), à un contexte international porteur et à un euro faible. Mais, plutôt que de profiter de ce dynamisme exceptionnel (que la France connaît environ tous les 20 ans) pour « faire le boulot », les dirigeants français ont préféré augmenter la dépense publique, réduire la durée légale du travail et par là même augmenter le coût de ce dernier, tout en rigidifiant le marché de l’emploi. Ensuite, il y eut le krach Internet, les attentats du 11 septembre 2001, la guerre en Afghanistan, et la croissance forte est repartie pour ne plus jamais revenir, du moins dans l’Hexagone. Il faut dire que, comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants français ont continué d’accumulé les occasions manquées. Ainsi, en 2002, réélu avec plus de 80 % des voix et entamant son deuxième et dernier mandat, le Président Chirac n’a pas osé, ou pas voulu, engager la France sur le chemin des réformes. Le chômage est donc logiquement reparti à la hausse, pour atteindre 9,1 % au premier trimestre 2006.
La roue a cependant tourné une nouvelle fois. Ainsi, grâce à un effet de rattrapage de la faiblesse passée, mais surtout grâce à une croissance mondiale forte, l’économie française a renoué avec un semblant de dynamisme. Ainsi, la progression du PIB s’est redressée et le taux de chômage est reparti à la baisse pour atteindre un point bas de 7,1 % au premier trimestre 2008. Mais, la malchance s’est encore acharnée sur notre pauvre économie. Ainsi, en 2007, alors que la crise des subprimes n’a pas encore éclatée, le Président Sarkozy promet qu’il va moderniser la France et redonner du travail et du pouvoir d’achat à un maximum de Français. Malheureusement, la première année de cette Présidence n’a pas été utilisée pour réduire la dépense publique, ni la pression fiscale, ni encore les rigidités du marché du travail. Certes, certaines réformettes ont été effectuées, mais elles ont été bien insuffisantes par rapport à celles qui étaient pourtant indispensables. Le baril à 150 dollars, l’irresponsabilité de la BCE, l’euro à 1,60 dollar, la faillite de Lehman Brothers, la crise financière, puis celle de la dette publique et enfin celle de la zone euro ont alors fait le reste. La France a donc logiquement plongé dans la récession et le chômage a flambé.
Au bout du compte et sans surprise, la barre symbolique et psychologique des 3 millions de chômeurs vient d’être franchie. Nous nous abstiendrons des querelles statistiques pour savoir si ce nombre n’est pas un peu sous-estimé par rapport à la réalité. Quelle que soit cette dernière, la situation du marché du travail français est catastrophique. Elle est désormais devenue un drame social et humain. Pis, compte tenu de la récession qui est en train de s’imposer depuis quelques mois dans l’Hexagone et qui ne s’arrêtera pas avant 2013, le chômage va continuer de faire des ravages. Déjà à 10,3 % en août (selon les statistiques d’Eurostat, l’INSEE ne communiquant que sur des chiffres trimestriels), le taux de chômage devrait rapidement atteindre la barre des 11 % et très probablement des 12 % fin 2013. Il ne faut effectivement pas oublier que le chômage est une variable retardée de l’activité, avec un décalage d’environ six mois. Ainsi, le nombre de chômeurs d’aujourd’hui correspond à la situation économique du début 2012. De même, la récession du second semestre 2012 et du premier de 2013 continuera d’agir sur le chômage jusqu’au printemps 2014. Dans ces conditions, les promesses du Président Hollande d’inverser la tendance d’ici un an tiennent plus de l’utopie que du réalisme économique. Et ce, d’autant que les mesures annoncées par le gouvernement Ayrault vont exactement à l’opposé des réformes nécessaires pour moderniser notre économie. Certes, les nouveaux emplois aidés qui ne veulent pas dire leur nom réussiront à limiter les dégâts. Cependant, ils resteront un écran de fumée qui sera balayé par la récession, l’augmentation de la pression fiscale et les rigidités du marché du travail.
Si l’on veut vraiment inverser la tendance, il n’y a pas trente-six solutions. Il faut avant tout restaurer la croissance, et ce notamment grâce à un euro plus normal (autour des 1,15 dollar), à une politique budgétaire efficace et à une réduction de la pression fiscale. Dans le même temps, il faudra réduire les dépenses publiques, notamment de fonctionnement. Malheureusement, avec 24 milliards d’euros de hausse d’impôts et un ratio dépenses publiques / PIB de 56,3 %, le budget français pour 2013 ne va pas arranger les choses. En outre, il faudra doter la zone euro d’une véritable gouvernance économique. Enfin, une fois que la croissance sera revenue, il sera grand temps de moderniser le marché du travail. Cela fait trente ans que l’on attend, nous ne sommes plus à six mois près. En conclusion, il faut arrêter de bercer les Français avec des illusions et des promesses que l’on ne peut pas tenir. Soit la France retrouve la croissance et modernise son économie, de manière à faire baisser le chômage. Soit elle continue de s’y refuser et ce dernier continuera de flamber, avec tous les drames humains que cela engendrera. MM. Hollande et Ayrault, réveillez-vous !
Marc Touati
Quid des marchés cette semaine :
Cac 40 : entre 3 000 et 3 500…
3 500. Depuis un peu plus de deux ans, ce niveau constitue notre objectif permanent pour le Cac 40. Autrement dit, il s’agit de la valeur qui, selon nous, apparaît justifiée pour l’indice phare de la bourse de Paris. Et ce tant sur la base des fondamentaux économiques que sur celle des caractéristiques actuels des marchés.
Certes, en tant qu’économistes, il ne nous est pas vraiment permis de baser nos prévisions sur l’analyse technique et/ou sur les mouvements spéculatifs.
Cependant, il arrive parfois que ceux-ci prennent le dessus et/ou convergent avec la réalité économique.
Cette situation atypique s’observe généralement lorsque la visibilité est nulle. Or, c’est exactement le cas aujourd’hui.
Entre 3000 et 3500, mon cœur balance…
En effet, qu’il s’agisse de l’avenir de la zone euro, de celui de l’économie américaine, mais aussi de la situation chinoise, sans parler du risque iranien, les perspectives économiques, géopolitiques et financières internationales sont particulièrement obscures.
Devant cette opacité, les investisseurs institutionnels de long terme délaissent les marchés boursiers, qui deviennent dès lors des marchés dits de trading, c’est-à-dire spéculatifs.
Ainsi, comme nous l’annonçons depuis l’été 2010, les bourses mondiales sont mues par des mouvements de stop and go, sans tendance de fond.
Cette volatilité est d’autant plus forte sur le Cac 40, dans la mesure où ce dernier est de plus en plus sous-pondéré dans les portefeuilles internationaux.
En effet, de par sa composition (trop de valeurs bancaires) et surtout de par le manque de confiance dans l’avenir économico-fiscalo-politique de la France, le Cac 40 est devenu la dernière roue du carrosse des investissements boursiers internationaux.
Depuis 2009, il constitue d’ailleurs l’indice le moins performant parmi ses grands homologues occidentaux.
Dans ce cadre, il est désormais coincé par des mouvements de va-et-vient entre 3 000 et 3 500.
Si cet intervalle fonctionne particulièrement bien depuis 2011, il est intéressant d’observer qu’il est également valable depuis 2002.
L’intervalle des 3 000-3 500 s’observe depuis au moins dix ans.
Certes et fort heureusement, au cours de la dernière décennie, il y a eu quelques phases d’euphorie, notamment en 2006-2007. Mais, chassez le naturel et il revient au galop. Ainsi, à l’instar de la flambée de 1999-2000, celle de 2006-2007 n’a été qu’une parenthèse euphorique entre deux phases de normalité autour des 3 500.
A l’inverse, il faut noter que les phases de décrues sont moins marquées : 2 300 points en 2003 et 2 500 en 2009 constituent les planchers du Cac 40.
En d’autres termes, lorsque ce dernier passe sous les 3 000, il devient vraiment intéressant à l’achat.
Pour les mois et les trimestres à venir, cet « intervalle de confiance » devrait perdurer. En effet, la récession eurolandaise, la poursuite de la crise de la dette et l’euro trop fort continueront de peser à la baisse sur les résultats des entreprises. Dès que la barre des 3500 sera franchie, il faudra alors se mettre en position de vente.
Parallèlement, dès que le Cac 40 passera sous les 3 000, cela devrait aller de pair avec une forte dépréciation de l’euro, ce qui suscitera des positions à l’achat.
Pour sortir de cet intervalle, il faudra un changement très fort. A la baisse, il s’agira par exemple d’une explosion de la zone euro, d’une nouvelle récession aux Etats-Unis ou encore d’une guerre au Proche et Moyen Orient. La barre des 3 000 sera alors fortement enfoncée et celle des 2 000 deviendra la norme.
A l’inverse, pour sortir de ce canal à la hausse, il faudra que la zone euro soit définitivement sauvée, que la BCE mette en place une planche à billets ou encore que la récession eurolandaise prenne fin. Malheureusement, ce n’est pas encore pour demain. Espérons simplement que les catastrophes de la sortie par le bas ne se produiront pas avant…
Marc Touati
Les évènements à suivre du 1er au 5 octobre :
La job machine américaine encore en panne ?
Cette semaine économico-statistique sera principalement marquée par la publication des indices ISM aux Etats-Unis (lundi puis mercredi), par la réunion de la BCE (jeudi) et, bien sûr, par les chiffres de l’emploi américain (vendredi).
Lundi 1er octobre, 11h (heure de Paris) : nouvelle augmentation du chômage dans la zone euro.
Plus les mois passent, plus le drame du chômage fait des ravages dans la zone euro. Après avoir atteint 11,3 % en juin, puis s’être stabilisé à ce sommet historique en juillet, le taux de chômage eurolandais devrait encore augmenter en août, atteignant un nouveau record de 11,4 %.
Cette dégradation n’est que le résultat du retour de la récession dans l’UEM. Et, malheureusement, dans la mesure où cette dernière ne fait que commencer, il faut se préparer à de nouvelles augmentations de ce taux de chômage, qui devrait dépasser les 12 % au printemps 2013.
Lundi 1er octobre, 16h : l’indice ISM dans l’industrie américaine baisse encore.
Alors qu’il s’est installé sous la barre des 50 depuis juin dernier, atteignant 49,6 en août, l’indice ISM des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière américaine devrait encore reculer en septembre. Compte tenu de l’augmentation des cours du pétrole et des matières premières, mais aussi des inquiétudes internationales, un niveau de 49,3 serait atteint dans le meilleur des cas.
En fait, la nouvelle phase de « planche à billets » décidée par la Fed ne devrait porter ses maigres fruits que d’ici deux ou trois mois. La baisse de cet indicateur avancé de la conjoncture américaine devait donc encore se poursuivre, confirmant que l’industrie de l’Oncle Sam est de nouveau menacée par la récession.
Mercredi 3 octobre, 16h : l’indice ISM services n’est pas non plus au beau fixe.
Sans passer sous la barre des 50, l’indice ISM dans le secteur non-manufacturier devrait également reculer en septembre. Après avoir étonnamment rebondi à 53,7 en août, il reviendrait vers un niveau de 52,5 en septembre.
Pour le moment, il n’y a pas péril en la demeure, mais le ralentissement est bien là.
Jeudi 4 octobre, 13h : La BoE maintient le statu quo.
Comme cela s’observe depuis deux ans, la Banque d’Angleterre n’a d’autres choix que de prolonger son statu quo monétaire.
- Matignon : les comptes de (P)AYRAULT
- La job machine américaine encore en panne ?