Politique budgétaire française : que peut-on faire ?

 

1 – Atlantico : François Hollande a annoncé, dans le cadre de sa rencontre avec Mario Monti mardi, une « une stabilité des dépenses et des effectifs de la fonction publique » et « une réduction des déficits » pour le budget 2013 ? Stabiliser les dépenses pour réduire les déficits signifie-t-il que le gouvernement s’apprête à ne s’appuyer que sur des hausses d’impôts pour atteindre son objectif de 3% de déficit en 2013 ?

 

C’est malheureusement là l’erreur fondamentale du gouvernement actuel, mais aussi de quasiment tous les dirigeants français depuis une trentaine d’années. Stabiliser les dépenses ne suffit pas, il faut les réduire. Nous avons un poids des dépenses publiques de 56 % du PIB, l’un des niveaux les plus élevés du monde. Nous n’avons plus les moyens de cette gabegie. Et ce d’autant qu’en dépit de cette dernière, la croissance est nulle et la récession est en train de s’installer durablement.

Mais, comme le gouvernement n’a pas le courage de réduire les dépenses publiques, il ne pense qu’à augmenter les impôts. Or, la pression fiscale française est également l’une des plus fortes du monde (en pourcentage du PIB). Si elle augmente encore, cela va tout simplement casser le peu de croissance qui nous reste et aggraver la récession, d’où une nouvelle flambée du chômage. Dans ce cadre, les revenus des entreprises et des ménages vont régresser, d’où une réduction de l’assiette fiscale, donc une baisse des recettes pour l’Etat, et in fine, une augmentation des déficits publics. En augmentant les impôts, le gouvernement va donc obtenir exactement l’inverse de ce qu’il souhaite et de ce qu’il annonce fièrement à ses partenaires européens.

 

2 – Dans ces conditions, dans quels secteurs le gouvernement peut-il réaliser des économies ?

Il est clair qu’en phase de récession et d’augmentation du chômage, il serait suicidaire de réduire les dépenses sociales. Certes, ces dernières doivent être optimisées, notamment en réduisant les gaspillages et les fraudes. Mais surtout, la puissance publique française doit réduire ses dépenses de fonctionnement. Ces dernières ont augmenté de 10 milliards d’euros par an au cours de la dernière décennie, soit un gaspillage de 100 milliards d’euros. Dans la mesure où celles-ci produisent peu ou pas de croissance économique, il est donc aisé de les réduire, sans générer de drame social. Pour y parvenir, il faut néanmoins un courage politique fort et une volonté qui dépasse l’Etat et s’applique notamment aux collectivités locales.

 

3 – Quelles sont les marges de manœuvre sur la dette des collectivités locales ?

Celles-ci doivent clairement optimiser et réduire leurs dépenses. On découvre par exemple que bien souvent, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a été contournée. Certes, celui-ci n’a pas été remplacé par un autre fonctionnaire, mais par un privé. Il y a donc moins de fonctionnaires, mais toujours autant, si ce n’est plus, de dépenses publiques. Le problème de la dette des collectivités locales mais aussi de l’ensemble de la puissance publique française c’est qu’elle ne génère pas assez d’activité économique. Depuis cinq ans, chaque année, il n’y a pas assez de croissance économique dans l’Hexagone et dans la plupart des régions pour simplement couvrir le paiement des intérêts de la dette publique. Pour régler ces derniers, il faut donc alors encore s’endetter. C’est ce que l’on appelle la bulle de la dette, ou, pour les plus sévères, le système Madoff appliqué à la dépense publique.

 

4 – La dette des administrations de sécurité sociale atteignaient 205,5 milliards d’euros en 2011 selon l’Insee. Quelles réformes doivent être adoptées ?

 

La question est délicate, car, face au marasme social actuel, il serait catastrophique de réduire les aides sociales. Pour autant, il faut absolument repenser ces dernières vers plus d’efficacité et moins de gaspillage. De même, face au vieillissement de la population, il faut mieux allouer les dépenses publiques, par exemple moins de militaire et de dépenses de fonctionnement dans les administrations locales et régionales, mais plus pour certains hôpitaux.

 

 

5 – Parmi ces sources d’économies, lesquelles sont prioritaires ? Quels sont les leviers les plus rapides pour diminuer le déficit des administrations publiques ?

La priorité est de réduire les dépenses de fonctionnement de toutes les administrations publiques : centrales, locales et sociales. Ensuite, il est encore possible de réduire certaines dépenses militaires. Le système de retraite par répartition doit également être amélioré et épaulé par un financement privé. Sur ce dernier point, vu le dogmatisme qui règne dans le gouvernement actuel, il ne faut malheureusement pas rêver. Quoique, on ne sait jamais : ce sont parfois les pacifistes qui font la guerre et les guerriers qui font la paix. N’oublions pas par exemple que c’est un gouvernement de « gauche », celui de Gerhard Schroeder, qui a initié les réformes allemandes…

 

 

6 – Alors que le gouvernement maintient sa croissance prévisionnelle à 1,2% pour 2013 là où la plupart des économistes s’attendent à des niveaux plus faibles, la réduction des déficits risque-t-elle de pénaliser l’activité ?

 

Si la réduction des déficits passe par une augmentation des impôts, il faut se préparer au pire : une récession qui s’installera au moins jusqu’à la fin 2013. Nous serons donc très loin de 1,2 % de croissance pour l’an prochain. En revanche, si l’on réduit intelligemment les dépenses, tout en modernisant notre économie (notamment le marché du travail) et aussi en réduisant certains impôts (sur les entreprises, mais aussi sur les salaires), alors la croissance française a une chance de redémarrer. L’espoir fait vivre…

 

Marc Touati