Zone euro, bourse, immobilier : tour d’horizon pour SicavOnline.

 Voici l’intégralité de l’interview accordée à SicavOnline en début de semaine :

 

Même s’il se félicite que Mario Draghi ait indiqué que la BCE serait prête à tout faire pour sauver l’euro, Marc Touati préconise encore la prudence aux investisseurs et nous donne ses recommandations patrimoniales.

La BCE est prête à intervenir mais vous estimez que si cela va dans le bon sens, on n’a pas encore résolu le principal problème de l’Europe.

Marc Touati La crise ne se résume pas à la Grèce ou à l’Espagne, la crise est beaucoup plus profonde. Il s’agit d’une crise de fonctionnement de la zone euro. L’erreur fondamentale a été claire : on a cru qu’il suffisait de dilapider les milliards d’aides, alors que le problème est l’absence de croissance économique.

Aujourd’hui la récession, qui est déjà rude dans les pays du sud en 2011, se généralise à l’ensemble de la zone euro. Or, s’il n’y a pas de croissance, voire une récession, il y aura plus de chômage, donc plus de déficit, plus de dette, et on ne s’en sortira pas.

Mais au-delà de la croissance, le vrai problème n’est-il pas que la zone euro n’est pas une zone monétaire optimale, mais au contraire une zone culturellement et démographiquement disparate où les déséquilibres économiques sont exacerbés ?

MT C’est un problème de fond : malheureusement, la zone euro à dix-sept pays n’a pas de consistance. L’erreur découle de la construction. On ne refera pas l’histoire, mais il est clair qu’une zone euro crédible serait une zone euro à six ou sept Etats membres, assez proches économiquement. Une zone dans laquelle on aurait tout d’abord réellement harmonisé les conditions fiscales et réglementaires, établi un budget avant de songer à l’élargir.

L’inverse a été fait avec une zone euro large, où l’on n’a pas du tout consolidé l’existant, harmonisé les conditions fiscales, les conditions réglementaires, le marché du travail, le budget. C’est un peu comme si on avait bâti le troisième étage sans achever les fondations. La zone euro, c’est la Tour de Pise.

Les Allemands ont donc raison. Il faut plus de sérieux, d’harmonisation, etc. Mais le problème, c’est que là il y a le feu, et pour éteindre le feu, il reste plus qu’une seule arme, c’est la politique monétaire. Donc, de ce point de vue-là, heureusement que Trichet n’est plus là, puisque Draghi a déjà agi et semble encore déterminé à le faire. Mais il faut que la BCE fasse plus et vite.

Qu’attendez-vous concrètement ?

MT Aujourd’hui, que fait la BCE ? Elle prête à taux bas aux banques. Mais comme avec Bâle III et autres dispositifs réglementaires, les banques sont amenées à acheter des bons du Trésor plutôt que de financer l’économie, il n’y a pas de croissance. Le seul moyen aujourd’hui pour générer celle-ci est que la BCE fasse ce qu’a fait la FED : acheter directement de la dette souveraine afin que les banques financent davantage l’économie au lieu d’avoir à financer les Etats.

On n’en est pas encore là, même si Mario Draghi a dit que ce que ferait la BCE serait largement suffisant pour calmer les marchés.

MT Non, nous n’y sommes pas encore. On sait combien en Europe les choses sont mises en place lentement. Mais ce n’est pas la BCE qui me préoccupe le plus. Mon inquiétude se concentre plutôt sur le couple franco-allemand.

La zone euro ne peut fonctionner qu’avec un couple franco-allemand solide. Or, ce couple franco-allemand est en instance de divorce. Il a du plomb dans l’aile, et cela devient extrêmement dangereux.

Les Allemands n’ont pas intérêt à ce que la zone euro explose. Ils sont probablement prêts à transiger, à admettre notamment que la BCE fasse plus d’efforts, mais il y a des limites : les Allemands veulent des garanties, ils veulent que les Français s’engagent à baisser la dépense publique, s’engagent à moderniser l’économie, or c’est exactement l’inverse que fait le gouvernement.

Vous voyez un clash se produire sous peu ?

MT Je ne pense pas que nous ayons de clash franco-allemand pendant les vacances, du moins je l’espère. Selon moi, le vrai test sera la rentrée de septembre. Ce sera un test évidemment social pour la France, mais surtout un test politique et économique, pour savoir si les pays européens sont d’accord pour sauver la zone euro ou pas, et notamment la France.

On marche vraiment sur des œufs et il faut rester très prudent.

Du point de vue de l’investissement en actions, la zone euro n’a toujours pas d’attrait pour vous ?

MT Je répète, depuis un an, très clairement qu’il faut être extrêmement prudent en bourse. La bourse aujourd’hui n’est que montagnes russes. Ceux qui n’aiment pas les secousses et ne savent pas naviguer en eaux troubles ou dans la tempête, mieux vaut qu’ils s’abstiennent d’aller en bourse, parce qu’il y a trop de danger, trop d’opacité dans la situation économique et financière et mondiale et politique actuelle.

Cependant, il y a des affaires à faire pour ceux qui pratiquent le trading. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un marché hautement spéculatif et très dangereux.

Et le marché obligataire l’est tout autant…

MT Absolument. Aujourd’hui, je pense qu’il faut rester liquide, conserver du cash, éventuellement avoir des placements monétaires dans certains pays émergents ou en Australie qui ont des taux d’intérêt un peu plus élevés ; détenir aussi, pourquoi pas, un petit peu d’obligations corporate à deux-trois ans. Sur des échéances aussi courtes, on sait que l’entreprise paiera le coupon et qu’il n’y a pas ou peu de risque de faillite. Cette solution peut rapporter du 3-4 % par an.

Et l’immobilier ?

MT J’estime que l’immobilier, en France du moins, ne sera pas une valeur refuge. Le problème central aujourd’hui est que malgré des taux d’intérêt qui sont extrêmement bas, il n’y a plus d’activité parce qu’il n’y a pas de revenus. Le chômage monte, les ménages deviennent de moins en moins solvables, et il y a un trop grand écart entre les prix des logements et les revenus des ménages. Jusqu’à présent les taux d’intérêt qui étaient bas ont permis de compenser l’écart entre prix des logements et revenus des ménages, mais ce n’est plus le cas désormais.

Ceux qui veulent acheter pour leurs enfants peuvent le faire sans problème, mais l’immobilier résidentiel pour un placement sur le court-moyen terme me paraît risqué.