Marchés, France, Etats-Unis : le calme avant la tempête ? (E&S n°221)

 

Humeur :

France-Grèce : même motif même punition ?

Crise sans fin, dette publique explosive, zone euro en danger, récession qui se généralise, chômage en hausse. A l’évidence, l’année écoulée a été particulièrement difficile pour les pays européens. Et si certains ont laissé penser que ce cauchemar interminable était l’apanage des pays d’Europe du Sud, l’effondrement du climat des affaires et la multiplication des plans de licenciements dans l’Hexagone montrent que la France est tout aussi concernée que ses partenaires, en attendant d’être rejointe par l’Allemagne dans quelques mois. Bref, dans ce contexte particulièrement dramatique, aggravé, qui plus est, par un climat catastrophique depuis trois mois, en particulier au nord de la Loire, il pourrait être tentant, voire salutaire, de tout débrancher. Eteindre son téléphone portable, ne plus écouter la radio, ni regarder la télé, ni même lire les journaux. Pour tout vous dire, c’est exactement ce que j’ai fait (à quelques connexions internet et quelques tweets près) depuis une semaine. Et cela fait un bien fou.

Seulement voilà, jouer à l’autruche et s’enterrer la tête dans le sable ne sert strictement à rien. Certes, après avoir passé des années à demander à nos dirigeants politiques et monétaires de réduire leur dogmatisme destructeur, en vain, nous pourrions également être tentés de baisser les bras et de prendre un billet sans retour pour un pays où la liberté d’entreprendre est valorisée et où la pression fiscale est raisonnable. Si, si, cela existe toujours. Mais, là encore, quitter le navire serait futile et pourrait même donner des arguments à ceux qui veulent faire de la France un pays « d’égalisation vers le bas ». En voulant exclure de l’Hexagone tous ceux qui gagnent plus de 4 000 euros par mois, ces idéologues d’un autre temps oublient que ce n’est pas en chassant les « riches » qu’on lutte efficacement contre la pauvreté.

Bien sûr, certains salaires mirobolants ont de quoi choquer. Cependant, face à de tels excès, il faut simplement se souvenir de trois réalités déterminantes. Primo, si un employeur est assez fou pour payer des salaires démentiels, il n’est pas possible de le lui interdire, sauf à créer une dictature. Secundo, la richesse créée par le « gros salarié » est généralement supérieure à son coût. Et ce, tout d’abord pour l’employeur au travers des réalisations du salarié. Sinon, il est alors clair que le salarié sera licencié ou que son salaire sera fortement abaissé. Malheureusement, il arrive parfois, notamment en France, que, dans certains cas et pour des raisons obscures (telles que l’appartenance à une caste ou toute autre connivence malsaine), un salarié, voire un patron, complètement inefficace, continue de toucher un salaire excessif. On pourra alors se consoler en pensant que ce « gros salarié » dépensera fortement en France et alimentera par là même le « business » dans l’Hexagone. Tertio, ce salarié méritant on non contribuera à augmenter les recettes fiscales et, normalement, permettra par là même à l’Etat Providence de faire son boulot.

En résumé, il ne sert à rien de s’offusquer de tel ou tel salaire, car, sauf dans certains cas très spéciaux (banditisme, fraude, castes…), les gains récupérés par la collectivité seront conséquents. C’est d’ailleurs ce qu’a bien compris David Cameron lorsqu’il a appelé les Français et les chefs d’entreprise plus ou moins fortunés à émigrer vers le Royaume-Uni. De la sorte, ces derniers viendront augmenter la consommation et les recettes fiscales outre-Manche, tout en produisant l’effet inverse dans l’Hexagone. Or, s’il y a moins d’activité et moins de rentrées fiscales en France, le déficit public, la dette et le chômage s’accroîtront de nouveau, jusqu’à l’avènement d’une crise sociale sans précédent. Les annonces d’augmentation massive des impôts par l’actuel gouvernement, ainsi que les nombreux plans de licenciements, et notamment celui de PSA, montrent que ces dangers ne sont pas seulement dans la tête de votre serviteur. Ils sont devenus réalités. A ce rythme, MM. Hollande et Ayrault n’auront bientôt plus rien à envier à M. Papandréou.

Aussi, sans vouloir casser le climat apparemment apaisé des vacances estivales, il est de notre devoir de continuer à dire la vérité. Oui, le taux de chômage va encore s’accroître fortement en France au cours des prochains mois. Selon nos estimations, il sera d’au moins 12 % d’ici l’été 2013. Et encore, ce résultat tient compte de la faible augmentation de la population active. Si nous étions dans les années 1990 (lorsque cette dernière progressait d’environ 300 000 personnes par an), le taux de chômage serait déjà supérieur à 12 %. En outre, n’oublions pas toute l’ingéniosité dont ont fait preuve nos hauts fonctionnaires pour créer des mesures « d’accompagnement social » du chômage, qui ont surtout pour but de réduire le nombre officiel de chômeurs.

Pour ne rien arranger, lorsqu’on observe les réactions et les propositions de l’actuel gouvernement pour essayer de restaurer la croissance et/ou de faire face aux différents plans de licenciement, cela fait froid dans le dos. Peut-on effectivement continuer de laisser croire aux Français que l’Etat a encore les moyens de créer des aides factices pour tel ou tel secteur d’activité, voire qu’il pourrait s’ingérer dans les affaires internes d’une entreprise privée quitte à monter dans son capital ? Arrêtons donc de prendre des vessies pour des lanternes. Depuis une vingtaine d’années, la France s’est engagée avec obstination dans une voie sans issue, avec, à droite, l’augmentation des dépenses publiques, à gauche, l’accroissement des impôts et, au bout du chemin, la faillite. Aujourd’hui, le mur se rapproche dangereusement. Mais la France accélère et klaxonne, pensant peut-être qu’ainsi le mur va disparaître.

Evidemment, il n’en sera rien. Malheureusement, c’est notre génération qui va devoir gérer le choc frontal. Et ce, alors qu’elle n’y est pas du tout préparée et que nos dirigeants le sont encore moins. Si beaucoup d’économistes continuent également de se voiler la face, espérant un poste de sous-fifre dans tel ou tel ministère ou une légion d’honneur ou simplement une petite faveur, nous continuerons de faire notre travail et de dénoncer ces errements. Nous n’appartenons à aucun courant politique. Nous voulons simplement que la France se redresse. Vu les circonstances, elle ne pourra pas le faire avant septembre… 2014, c’est-à-dire une fois que la crise sociale aura obligé les dirigeants français à faire un virage à 180° et en espérant que la zone euro n’aura pas disparu d’ici là. En attendant passez donc de bonnes vacances et carpe diem !

Marc Touati



Quid des marchés cette semaine :

Le calme avant la tempête ?


 


« Pour l’instant, ça va… » Telle pourrait être la synthèse de l’évolution des marchés boursiers depuis le début de l’été.

A l’évidence, nous sommes bien loin de l’été 2011 et plus précisément de son mois de juillet au cours duquel les bourses mondiales s’est littéralement effondrées. La crise grecque battait son plein, la note des Etats-Unis était dégradée. Bref, tout allait pour le mal dans le pire des mondes.

De 2011 à 2012 : de l’été qui pleure à l’été qui rit…

Source : ACDEFI

Il est vrai que, jusqu’à présent et à l’inverse de l’été 2011, la planète économico-financière semble avoir évité le pire : la Grèce est sorti du marasme politique (du moins en apparence), l’Espagne n’a pas (encore ?!) sombré dans la faillite, l’Italie résiste dans la rigueur et la France a réussi à passer entre les gouttes. Bref, pour le moment, la zone euro est sauvée.

Certes, tous les investisseurs raisonnables sont bien conscients que les Européens ne font que colmater les brèches et gagner du temps, sans résoudre les problèmes de fond (en particulier l’absence de croissance durablement soutenue). Mais, au diable l’avarice ! Le pire a été évité de justesse, profitons-en !

Dans le même temps, si l’Oncle Sam et la Chine commencent à afficher de sérieux signes de ralentissement, la Fed et la Banque Populaire de Chine veillent au gré et feront tout pour éviter une rechute.

Les statistiques américaines n’ont ainsi que modérément affecté les marchés la semaine dernière. Pourtant, la baisse de 0,5 % des ventes au détail en juin a de quoi inquiéter.

Hors inflation, ces dernières n’ont ainsi progressé que de 1,5 % en rythme annualisé au deuxième trimestre, après + 2,5 % au cours du trimestre précédent. En dépit de la baisse des prix des matières premières et du pétrole, le consommateur américain a donc bien perdu de sa superbe. Et ce, en particulier à cause de l’affaiblissement des créations d’emplois.

Certes, le rebond de 0,7 % de la production manufacturière en juin a redonné du baume au cœur. Néanmoins, cette progression ne fait qu’effacer le repli de 0,7 % observé en mai. En d’autres termes, l’activité industrielle américaine demeure faiblarde.

De plus, l’inflation est restée plus que sous contrôle outre-Atlantique, le glissement annuel des prix à la consommation se maintenant à 1,7 % en juin et à 2,2 % hors énergie et produits alimentaires.

Dans ce contexte de ralentissement économique et de faible inflation, la Fed va donc commencer à mettre en place une troisième phase de « Quantitative Easing », histoire de ne prendre aucun risque de rechute quelques semaines avant les élections présidentielles.

Grâce à ce cadeau exagéré, les marchés boursiers ont donc de quoi rester calmes jusqu’à la prochaine tempête. Cependant, compte tenu de la fragilité de l’économie européenne, cette nouvelle tempête pourrait arriver très vite. En conséquence, la prudence restera donc de mise et la volatilité demeurera très forte.

Et ce, d’autant que la perspective d’un nouvel assouplissement monétaire américain a permis de stopper la remontée du dollar et même d’apprécier légèrement l’euro face au billet vert.

Ce mouvement devrait se prolonger jusqu’à la fin de l’été. De quoi, certes, consolider la croissance américaine, mais, aussi, casser de nouveau le peu de croissance qui reste dans la zone euro.

L’euro/dollar, arme de politique économique au service des Etats-Unis et au désavantage de l’UEM.

Sources : Eurostat et ACDEFI

De la sorte, la crise eurolandaise reviendra aussi vite qu’elle s’est temporairement effacée, relançant par là même l’euro/dollar à la baisse.

Comme d’habitude, les Eurolandais seront donc les « dindons de la farce », et pourtant Thanksgiving est encore loin…

Marc Touati



 


 

Les évènements à suivre du 23 au 27 juillet :


Croissance molle aux Etats-Unis et récession dans la zone euro.

 


Le point d’orgue de cette semaine économico-statistique sera évidemment la publication des comptes nationaux américains du deuxième trimestre (le vendredi 27). Il faudra également suivre les enquêtes de conjoncture menées en Allemagne (enquête IFO le mercredi 25) et dans l’ensemble de la zone euro (enquêtes PMI le mardi 24). En France, les chiffres du chômage de juin (connus le mercredi 25) feront encore trembler le gouvernement.

 

Mardi 24 juillet, de 9h à 11h (heure de Paris) : les directeurs d’achat continuent de broyer du noir dans la zone euro.

La descente aux enfers continue pour les directeurs d’achat de la zone euro. Que ce soit en France, en Allemagne ou dans l’ensemble de l’UEM, les indicateurs synthétiques des enquêtes PMI devraient rester sous la barre des 50 et avoisiner les 46. Déjà commencée dans de nombreux pays du Sud de l’Europe, la récession est donc bien en train de se généraliser à la quasi-totalité des pays de la zone euro.

Seule la faiblesse des cours des matières premières devrait permettre d’éviter une forte baisse de ces indicateurs avancés de l’activité économique.

 

Mercredi 25 juillet, 10h : Nouvelle baisse des indices IFO outre-Rhin.

Dans le sillage de la dégringolade de l’indice ZEW reflétant le moral des investisseurs allemands, l’indice synthétique de l’enquête IFO devrait poursuivre son mouvement de baisse en juillet. Après avoir atteint un niveau de 105,3 en juin, il pourrait reculer vers les 104,5 en juillet.

De quoi rappeler que la crise et la récession ne sont pas cantonnées à l’Europe de Sud. Chacun son tour…

 

Mercredi 25 juillet, 18h : le chômage continue d’augmenter dans l’Hexagone.

Les mois se suivent et se ressemblent sur le front du chômage français : la hausse encore et toujours. Après avoir augmenté de 33 300 personnes en mai, le nombre de chômeurs devrait progresser d’au moins 30 000 personnes en juin. La barre des 2,950 millions de chômeurs serait ainsi dépassée. Et cela n’est malheureusement pas terminé. Et pour cause : la baisse de l’activité économique prend environ six mois avant de se répercuter sur l’emploi. La multiplication des plans de licenciements au cours des dernières semaines ne fait d’ailleurs que confirmer que le taux de chômage pourrait rapidement atteindre la barre des 11 % et au plus tard fin 2012.

 

Jeudi 26 juillet, 14h30 : Repli correctif des commandes de biens durables aux Etats-Unis.

Après avoir augmenté de 1,3 % en mai, les commandes de biens durables devraient reculer d’au moins 1 % en juin. Fort heureusement, la baisse des prix des matières premières devrait permettre de limiter les dégâts. Toujours est-il que la faiblesse récurrente de cet agrégat montre que l’investissement des entreprises restera moribond jusqu’à la fin de l’année, sans pour autant s’effondrer.

 

Vendredi 27 juillet, 14h30 : pas plus de 1,5 % de croissance annualisée au deuxième trimestre outre-Atlantique.

Cela ne fait guère de doute : dans le sillage de la faible progression des ventes au détail en volume, mais aussi de la production industrielle et des carnets de commandes, sans oublier le repli des indices ISM des directeurs d’achat, la croissance américaine devrait encore ralentir au deuxième trimestre 2012. Selon nos estimations basées sur l’ensemble des indicateurs avancés que nous venons d’évoquer, elle atteindrait au mieux 1,5 %, après 1,9 % au premier trimestre.

Cette croissance molle, qui restera certes appréciable, notamment au regard de la récession eurolandaise, indique que la progression annuelle moyenne du PIB n