Draghi, Hollande, Sarkozy, emploi US : Déceptions… (E&S n°211)

 

Humeur :

Draghi, Hollande, Sarkozy : menteurs, menteurs…

Comment les dirigeants monétaires et politiques de la zone euro veulent-ils retrouver un minimum de crédibilité s’ils ne cessent de se moquer de leurs concitoyens. La semaine écoulée vient de nous en donner trois exemples cinglants. Les deux premiers nous ont été fournis lors du débat des deux « finalistes » (on se croirait presque à la Star Academy…) aux élections présidentielles. Le troisième par « Super » Mario Draghi qui risque de perdre son qualificatif élogieux plus vite que prévu.

Tout d’abord, alors que les Français étaient en droit d’attendre un vrai débat et un maximum de détails sur les programmes économiques des deux candidats, nous avons assisté à des échanges musclés, parfois agressifs, notamment de la part d’un des deux, mais dont le seul but était de déstabiliser l’adversaire, sans jamais aborder en profondeur la situation économique française passée et surtout à venir.

Comme cela s’est observé tout au cours de la campagne, nous étions donc en plein « débat » marketing, mais bien loin des enjeux qui attendent la France et l’Europe au cours des prochains mois.

Ainsi, les candidats, ont enchaîné les approximations et les contre-vérités économiques. Comment peut-on par exemple soutenir que la France n’a pas connu de récession en 2009 et qu’elle présente l’une des meilleures performances de croissance à l’échelle de la planète ? Car, malheureusement, les chiffres sont sans appel. Sur le seul premier trimestre 2009, le PIB français a chuté de 1,6 %, enregistrant ainsi quatre trimestres consécutifs de baisse. Pis, la croissance annuelle moyenne de celui-ci a été de 0,5 % au cours des cinq dernières années et de 0,07 % depuis 2008.

Au sortir du quatrième trimestre 2011, le PIB hexagonal affiche encore un repli de 0,3 % par rapport à son niveau du premier trimestre 2008. En d’autres termes, en dépit de la flambée des déficits publics et d’une dette d’environ 90 % du PIB cette année, la richesse nationale n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise. Et encore, cela ne tient pas compte du premier trimestre 2012 qui devrait faire état d’une décroissance significative.

Bien sûr, il sera toujours possible d’objecter que la Grèce et le Portugal ont fait pire. Mais est-ce bien à la hauteur de la France de se comparer aux plus faibles ? Ne doit-on pas plutôt viser nos partenaires qui enregistrent de meilleurs résultats que nous ? Et n’en déplaise à certains, ceux-ci sont nombreux. Ainsi, de 2007 à 2011, la France réalise la troisième plus mauvaise croissance annuelle moyenne du G7 (rappelons-le 0,5 %), juste devant le Japon (- 0,1 %) et l’Italie (-0,5 %). La première place ex-aequo revenant à l’Allemagne et au Canada, avec 1,2 %.

La comparaison avec l’ensemble des pays dits développés est encore plus frappante. Que dire effectivement des 5,8 % de Singapour, des 4 % d’Israël, des 3,5 % de la Corée du Sud, des 2,6 % de l’Australie, du 1,7 % de la Suisse… Pour faire simple, sur les 34 pays de l’OCDE, la France figure à la vingt-quatrième place. Nous ne parlerons évidemment pas des pays dits émergents, histoire de ne pas trop nous ridiculiser. Bien sûr, il y a plus mauvais que la France, mais avancer que l’Hexagone réalise l’une des meilleures performances de croissance de la planète depuis le début de la crise est tout simplement une contre-vérité inacceptable.

C’est en cela que le débat de l’entre-deux tours a été particulièrement médiocre. En effet, il ne sert à rien de se voiler la face, de refuser la réalité économique ou encore de se chamailler sur les chiffres du chômage. Ce qui compte c’est de reconnaître ses erreurs et de tout mettre en place pour les corriger. Pour y parvenir et pour redorer le blason de l’Hexagone, il faudra donc commencer par restaurer sa crédibilité et sa capacité à faire de la croissance forte, ce qui n’a plus été le cas depuis plus de douze ans…

Et malheureusement, sans vouloir être méchant, il faut reconnaître que ni François Hollande, ni Nicolas Sarkozy ne paraissent susceptibles d’y parvenir, du moins pour le moment (notamment parce qu’ils veulent tous les deux augmenter les impôts alors que notre pression fiscale rapportée au PIB est déjà l’une des plus élevée au monde).

Le pire est que, pour y arriver, la France aura aussi besoin des autres pays de la zone euro et des institutions eurolandaises, à commencer par la BCE. Et, sur ce point, il est clair qu’en dépit des apparences et des effets d’annonce et malgré un bien meilleur travail que son prédécesseur, Monsieur Draghi s’est également joué de nous. En effet, à peine une semaine après avoir souligné que le retour d’une croissance forte était indispensable pour permettre à la zone euro de sortir de la crise, le Président de la BCE et ses compères ont refusé d’abaisser le taux refi. Et, comme si cette nouvelle erreur ne suffisait pas, ils n’ont pas manqué de souligner que le risque d’inflation était important, laissant par là même entendre qu’ils allaient encore sacrifier le peu de croissance qui nous reste sur l’autel de la sacro-sainte inflation.

Dans ce triste contexte de mensonges, de faux-semblants et d’erreurs stratégiques à répétition, comment veut-on que les Français et les Eurolandais retrouvent l’espoir et la confiance en leurs dirigeants ?

A l’aune de ces graves manquements, il est évident que la zone euro reste en danger existentiel. Nous estimons que sa probabilité d’explosion est d’environ 30 %. Ce scénario catastrophe est donc toujours évitable, mais il faut absolument que nos dirigeants politiques et monétaires agissent vite et bien. L’espoir fait vivre.

Toujours est-il qu’à l’heure où l’hétérogénéité s’aggrave entre les différents pays de la zone euro, il y a au moins un facteur de convergence : la capacité de ses dirigeants, de ses hommes politiques et de ses hauts-fonctionnaires à mentir comme ils respirent…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

La job américaine reste décevante.


Si les statistiques de l’emploi avaient été décevantes en mars avec seulement 154 000 nouveaux postes outre-Atlantique, le rapport du mois d’avril indique que la job machine américaine n’est toujours pas à la hauteur des attentes. En effet, cette dernière n’a créé que 115 000 emplois en avril contre 160 000 attendus par le consensus.

Le détail statistique nous montre que le secteur privé ne joue plus complètement son rôle avec seulement 130 000 nouveaux emplois sur la période (après 277 000 en janvier, 254 000 en février et 166 000 en mars). A noter, 116 000 nouvelles créations pour le secteur des services dont 62 000 pour les seuls services aux entreprises.

Une bonne nouvelle toutefois, le secteur du détail qui avait détruit 21 000 postes en mars redevient créateur net d’emplois en avril (+29 000). En revanche, le secteur manufacturier déçoit avec 16 000 nouveaux emplois contre 20 000 attendus par le consensus.

Enfin, et ce n’est pas une surprise, le secteur de la construction et le secteur public restent dans le rouge, supprimant respectivement 2 000 et 15 000 emplois.

Les services et le secteur manufacturier continuent de souffrir.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream.

 

Par ailleurs, le glissement annuel de l’emploi ralentit, puisqu’après une progression de 1,49 % en mars, il n’affiche qu’une hausse de 1,38 % en avril. Cependant, comme nous l’indiquent les indices ISM emplois publiés en avril, la situation devrait se redresser dans les mois qui viennent.

Dans le secteur manufacturier tout d’abord, où cet indice progresse pour un deuxième mois consécutif pour atteindre 57,3. Dans les services ensuite, malgré un recul, ce dernier reste toutefois sur un niveau conséquent de 54,2 soit bien au-delà de la barre des 50 marquant la frontière entre l’expansion et le repli de l’activité.


Les indices ISM emploi indiquent que l’horizon devrait s’éclaircir dans les prochains mois.

Sources : ISM, BLS, Datastream.

Parallèlement le taux de chômage qui avait reculé à 8,2 % en mars se repli encore en avril à un niveau de 8,1 %, un plus bas depuis janvier 2009. Force cependant est de constater que le seuil des 7 % qui aurait considérablement maximisé les chances de ré-élection du Président Obama, ne sera pas atteint d’ici octobre.

Le taux de chômage poursuit son repli.

Sources : Bureau of Labor Statistics , Datastream.

Autre déception, les salaires qui marquent le pas avec une progression nulle tant pour le salaire horaire moyen que pour le salaire hebdomadaire moyen, portant leur glissement annuel à des niveaux respectifs de + 1,8 % et + 2,1 %. Pour finir, le nombre d’heures travaillées reste stable à 34,5 en avril.

Il ne faut toutefois pas s’alarmer de cette contre-performance du mois d’avril. En effet, le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est bien en place et devrait s’accélérer dans les mois à venir aux États-Unis. A l’inverse, la zone euro vient d’atteindre en mars son record de 1997 avec un taux de chômage de 10,9 %…

Jérôme Boué

 


La météo économique de la semaine écoulée :

 

 


 


 


 


 

 

Les évènements à suivre du 7 au 11 mai :


Une semaine calme.

 


L’actualité économico-statistique sera particulièrement calme cette semaine. Nous suivrons outre-Atlantique le détail de la balance commerciale pour mars (jeudi) ainsi que l’indice des prix à la production pour le mois d’avril (vendredi).

De ce côté de l’Atlantique, nous prendrons connaissance jeudi, de la production industrielle en France en mars, puis nous suivrons la réunion de politique monétaire de la BoE pour le mois de mai et la décision sur le taux de base.

 

Jeudi 10 mai, 8h45 (heure de Paris) : la production industrielle française retrouve le chemin de la baisse en mars.

Bénéficiant de la vague de froid qui a dopé la consommation de gaz et d’électricité, la production industrielle française a légèrement progressé en février (+ 0,3 %), alors que la production manufacturière chutait de 1,2 %. Ce répit ne sera que de courte durée puisque la production industrielle hexagonale devrait plonger de 0,9 % en mars, portant son glissement annuel à -1,6 %. Le PIB qui ne pourra pas compter sur cette dernière, pourrait reculer de 0,2 % au premier trimestre.

 

Jeudi 10 mai, 13h : statu quo sans surprise pour le taux de base de la BoE.

L’économie du Royaume-Uni qui est essentiellement basée sur la finance a été durement frappée par la crise. En effet, celle-ci est tombée en récession (deux trimestres consécutifs de baisse du PIB) dès le troisième trimestre 2008 pour n’en ressortir qu’au troisième trimestre 2009. Alors que la récession refait surface outre-Manche au premier trimestre 2012, la BoE laissera logiquement son taux de base inchangé en mai à 0,50 %.