Sarkozy, Hollande, Draghi : menteurs, menteurs…

 

Comment les dirigeants monétaires et politiques de la zone euro veulent-ils retrouver un minimum de crédibilité s’ils ne cessent de prendre leurs concitoyens pour des « demeurés ». La semaine écoulée vient de nous en donner trois exemples cinglants. Les deux premiers nous ont été fournis lors du débat des deux « finalistes » (on se croirait presque à la Star Academy…) aux élections présidentielles. Le troisième par « Super » Mario Draghi qui risque de perdre son qualificatif élogieux plus vite que prévu.

Tout d’abord, alors que les Français étaient en droit d’attendre un vrai débat et un maximum de détails sur les programmes économiques des deux candidats, nous avons assisté à des échanges musclés, parfois plein d’agressivité, notamment de la part d’un des deux, mais dont le seul but était de déstabiliser l’adversaire, sans entrer dans la profondeur de la situation française passée et surtout à venir.

Comme cela s’est observé tout au cours de la campagne, nous étions donc en plein « débat » marketing, mais très loin des enjeux qui attendent la France et l’Europe au cours des prochains mois.

Ainsi, les candidats, en particulier un, ont enchaîné les approximations et les contre-vérités économiques. Comment peut-on par exemple soutenir que la France n’a pas connu de récession en 2009 et qu’elle présente l’une des meilleures performances de croissance à l’échelle de la planète ? Car, malheureusement, les chiffres sont sans appel. Sur le seul premier trimestre 2009, le PIB français a chuté de 1,6 %, enregistrant ainsi quatre trimestres consécutifs de baisse. Pis, la croissance annuelle moyenne de celui-ci a été de 0,5 % au cours des cinq dernières années et de 0,07 % depuis 2008.

Au sortir du quatrième trimestre 2011, le PIB hexagonal affiche encore un repli de 0,3 % par rapport à son niveau du premier trimestre 2008. En d’autres termes, en dépit de la flambée des déficits publics et d’une dette d’environ 90 % du PIB cette année, la richesse nationale n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise. Et encore, cela ne tient pas compte du premier trimestre 2012 qui devrait faire état d’une décroissance notable.

Bien sûr, il sera toujours possible d’objecter que la Grèce et le Portugal ont fait pire. Mais est-ce bien à la hauteur de la France de se comparer aux plus faibles. Ne doit-on plutôt pas viser nos partenaires qui enregistrent de meilleurs résultats que nous. Et n’en déplaise à certains, ceux-ci sont nombreux. Ainsi, de 2007 à 2011, la France réalise la troisième plus mauvaise croissance annuelle moyenne du G7 (rappelons-le 0,5 %), juste devant le Japon (- 0,1 %) et l’Italie (-0,5 %). La première place ex-aequo revenant à l’Allemagne et au Canada, avec 1,2 %.

La comparaison avec l’ensemble des pays dits développés est encore plus frappante. Que dire effectivement des 5,8 % de Singapour, des 4 % d’Israël, des 3,5 % de la Corée du Sud, des 2,6 % de l’Australie, du 1,7 % de la Suisse… Pour faire simple, sur les 34 pays de l’OCDE, la France figure à la vingt-quatrième place. Nous ne parlerons évidemment pas des pays dits émergents, histoire de ne pas trop nous ridiculiser. Bien sûr, il y a plus mauvais que la France, mais avancer que l’Hexagone réalise l’une des meilleures performances de croissance de la planète depuis le début de la crise est tout simplement une contre-vérité inacceptable.

C’est en cela que le débat de l’entre-deux tours a été particulièrement médiocre. En effet, il ne sert à rien de se voiler la face, de refuser la réalité économique ou encore de se chamailler sur les chiffres du chômage. Ce qui compte c’est de reconnaître ses erreurs et de tout mettre en place pour les corriger. Pour y parvenir et pour redorer le blason de l’Hexagone, il faudra donc commencer par restaurer sa crédibilité et sa capacité à faire de la croissance forte, ce qui n’a plus été le cas depuis plus de douze ans…

Et malheureusement, sans vouloir être méchant, il faut reconnaître que ni François Hollande, ni Nicolas Sarkozy ne paraissent susceptibles d’y parvenir, du moins pour le moment.

Le pire est que, pour y arriver, la France aura aussi besoin des autres pays de la zone euro et des institutions eurolandaises, à commencer par la BCE. Et, sur ce point, il est clair qu’en dépit des apparences et des effets d’annonce et malgré un bien meilleur travail que son prédécesseur, Monsieur Draghi s’est également joué de nous. En effet, à peine une semaine après avoir souligné que le retour d’une croissance forte était indispensable pour permettre à la zone euro de sortir de la crise, le Président de la BCE et ses compères ont refusé d’abaisser le taux refi. Et, comme si cette nouvelle erreur ne suffisait pas, ils n’ont pas manqué de souligner que le risque d’inflation était important, laissant par là même entendre qu’ils allaient encore sacrifier le peu de croissance qui nous reste sur l’autel de la sacro-sainte inflation.

Dans ce triste contexte de mensonges, de faux-semblants et d’erreurs stratégiques à répétition, comment veut-on que les Français et les Eurolandais retrouvent l’espoir et la confiance en leurs dirigeants ?

A l’aune de ces graves manquements, il est évident que la zone euro reste en danger existentiel. Nous estimons que sa probabilité d’explosion est d’environ 30 %. Ce scénario catastrophe est donc toujours évitable, mais il faut absolument que nos dirigeants politiques et monétaires agissent vite et bien. L’espoir fait vivre.

Toujours est-il qu’à l’heure où l’hétérogénéité s’aggrave entre les différents pays de la zone euro, il y a au moins un facteur de convergence : la capacité de ses dirigeants, de ses hommes politiques et de ses hauts-fonctionnaires à mentir comme ils respirent…

 

Marc Touati