Ah ce fameux débat du 2 mai ! Tout le monde en parle comme dirait Thierry Ardisson. François Hollande se dit impatient et Sarkozy a hâte d’en découdre… Même si les époques et les contextes sont différents nul doute que les deux finalistes tenteront de tirer des enseignements utiles des cinq débats présidentiels précédents.
Le premier d’entre eux date de 1974, débat mythique s’il en est entre Valery Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Le premier a 48 ans et enfile les habits de John Fitzgerald Kennedy pour incarner la modernité face au second qui fait figure de «has been». VGE, brillant orateur surclasse totalement son adversaire emprunté et mal à l’aise le qualifiant même d’un cinglant «homme du passé». Le contraste est saisissant et VGE porte l’estocade en lui assenant qu’il n’a pas «le monopole du cœur». Pour autant l’écart sera mince pour VGE avec un surplus de seulement 425 000 voix.
Les deux hommes se retrouvent en 1981 et Mitterrand a bien retenu les leçons de son échec passé. Conseillé par Serge Moati, il est parfaitement préparé face à un VGE qui devient «l’homme du passif». Le président sortant a en effet dû affronter deux chocs pétroliers, un chômage galopant et l’affaire des diamants de Bokassa. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu qu’il ne perde les élections législatives de 1978. Hautain et condescendant, VGE adopte un ton professoral à l’égard de Mitterrand qui lui rappelle «vous n’êtes pas mon maître et je ne suis pas votre élève». La gauche prend le pouvoir.
Après deux ans d’une cohabitation sans merci (1986-1988) le premier ministre Jacques Chirac doit débattre avec le Président Mitterrand. Cette cohabitation a pipé les dés et Mitterrand surclasse son adversaire qui ne parvient pas à ce défaire de son costume de chef du Gouvernement. Pasqua alors Ministre de l’Intérieur avait conseillé à Chirac de démolir Mitterrand lui indiquant que ce dernier serait sans pitié. Ses conseils n’ont pas été entendus et Chirac à été laminé…
Sept ans plus tard, en 1995, Chirac se retrouve face à Jospin. Nous avons droit à un débat technique et morne entre deux technocrates. Le face à face est policé et sans relief. D’ailleurs Jospin présent accidentellement du fait du désistement de Delors sait que la partie est perdue d’avance. Détail intéressant alors que le débat est terminé, la caméra continue de filmer et Chirac indique à Jospin que les militants souhaitaient qu’il l’étrille mais qu’il n’a pas cédé, les Français mentionne t-il détestent cela. En 2007 enfin, Sarkozy pressent à juste titre qu’il va l’emporter face à Ségolène Royal et son seul objectif est de rester zen. Lui à qui l’on a souvent reproché son manque de sang froid et son agressivité force même le trait jusqu’à l’obséquiosité envers sa rivale.
Qu’en sera t-il du débat du 2 mai? De prime abord il serait tentant de le comparer au débat de 1981 entre un président sortant et son challenger. Il y a toutefois une différence de taille à savoir que VGE était favori alors qu’aujourd’hui Sarkozy est loin dans les sondages.
Quelles sont les forces en présence? Chez François Hollande tout d’abord. Ce dernier est sûr de lui mais devra faire attention à ne pas être trop présomptueux ou arrogant à l’image de VGE en 1981. Il semble en effet qu’il se prenne déjà pour le Président, comme l’a montré sa dernière conférence de presse. Autre atout, il dispose d’une solide répartie et d’un très grand sens de l’humour qui sont deux armes redoutables en politique. Il n’a cependant que très peu d’expérience, ce sera notamment son premier débat d’entre deux tours, comme Mitterrand en 1974, Chirac en 1988, Jospin en 1995 et Ségolène Royal en 2007, tous les quatre furent battus… Seuls les brillants VGE et Nicolas Sarkozy infirment cette «règle».
Quant à Nicolas Sarkozy, personne ne prépare mieux que lui un débat ou une intervention télévisée. On peut donc s’attendre à une maîtrise exceptionnelle de ses dossiers et à un grand show. Il a beaucoup d’expérience et est un redoutable débatteur. Contrairement à 2007, Nicolas Sarkozy n’a rien à perdre et est donc peut être prêt à tout… C’est la grande inconnue de ce débat, que prépare t-il, a t-il une arme secrète? Réponse le 2 mai.
La phrase de la semaine :
« On aborde la dernière ligne droite avec l’angoisse du boxeur qui mène aux points. Il ne reste qu’à éviter le K.O. dans le dernier round.». Un proche de François Hollande.
Jérôme Boué