Après les élections, le krach ?

 

Si la campagne présidentielle a été, à juste titre, mise entre parenthèses à la suite des tragédies de Toulouse et Montauban, il n’en demeure pas moins que les interrogations et les inquiétudes se multiplient sur l’issue de ces élections. Qui sera élu ? Dans quelle configuration ? Avec quelle majorité à l’Assemblée ? Quelles seront les premières mesures adoptées ? Comment évolueront les relations franco-allemandes ? Quelle sera la position de la France à l’égard de l’Europe ? Comment réagiront les agences de notation, ainsi que les marchés financiers et l’ensemble des investisseurs internationaux ? Autant de questions dont les réponses seront lourdes de conséquences pour la France, l’Europe, voire l’ensemble de la planète. En effet, sans vouloir jouer au Français qui croit que le monde tourne autour de l’Hexagone, il est clair que, jamais depuis 1981, nos élections présidentielles n’ont été aussi déterminantes.

Et pour cause : la zone euro a pour l’instant été sauvée grâce à la détermination du couple franco-allemand et ce, notamment pour éviter tout clash avant les présidentielles françaises. Une fois ces dernières passées, la dure réalité va s’imposer à tous : la crise grecque et globalement celle de l’UEM sont loin d’être terminées. En annulant une partie de la dette grecque et en accordant une énième aide à l’Etat hellène, les dirigeants eurolandais n’ont fait que mettre un gros sparadrap sur une énorme plaie qui est loin d’être cicatrisée. En fait, ils n’ont fait que gagner du temps, en attendant de voir plus clair dans la stratégie de la France.

En somme : les Allemands se sont une fois de plus fait violence en acceptant le laxisme des autres pays eurolandais. Ils ont néanmoins posé un ultimatum à ces derniers : engagez-vous très vite à baisser vos dépenses publiques !

Si, pour le moment, les Italiens, les Espagnols et les Portugais ont réalisé des efforts notables, quitte à sacrifier encore un peu plus leur croissance, le véritable test aura lieu avec la France. En effet, dès 2007, le Président Sarkozy s’était engagé à baisser significativement les dépenses publiques. A l’époque, ces dernières ne représentaient « que » 52,6 % du PIB français. Aujourd’hui, elles avoisinent les 57 % ! Pendant ce temps, l’Allemagne a réussi à stabiliser ce ratio à 46 %, en passant même par un point bas de 43,5 % en 2007-2008. Parallèlement, l’Italie a réussi à la maintenir à 49 %.

En fait, la France est tout simplement le pays eurolandais dans lequel le poids des dépenses publiques dans le PIB est le plus élevé, le deuxième étant la Finlande avec 53,5 %, puis la Belgique, avec 52,4 %. Même la Grèce est loin derrière, avec « seulement » 48 %. Pour l’ensemble de la zone euro, ce ratio avoisine les 49 %. En d’autres termes, le bonnet d’âne revient bien à l’Hexagone.

Et si jusqu’à présent, les Allemands ont passé l’éponge, comme ils le font depuis vingt ans, il est clair qu’ils ne le feront pas en 2012. Dès lors, si par malheur, la France ne s’engage pas dans une baisse marquée et crédible de ses dépenses publiques, le couple franco-allemand va vivre des heures très difficiles.

Ces tensions seront certainement encore plus vives si François Hollande est élu Président. En effet, dans la mesure où Angela Merkel a clairement pris position pour son concurrent, il paraît clair qu’il n’y aura pas de lune de miel franco-allemande postélectorale. A fortiori, si M. Hollande engage une augmentation des dépenses publiques, l’écart entre l’Allemagne et la France sur ce point deviendra mécaniquement insupportable, dégradant les relations entre les deux côtés du Rhin. Enfin, la situation risque encore de s’envenimer par la volonté affichée de Monsieur Hollande de renégocier le pacte de stabilité prenant davantage en compte la croissance. Et si, sur ce point, nous sommes entièrement d’accord avec cette nécessité, il est clair que les Allemands y verront une attaque supplémentaire qui détériorera encore les relations franco-allemandes.

Dans ce cadre, il est à craindre que le spread de taux longs entre la France et l’Allemagne, qui est déjà autour des 100 points de base, se tendra encore, pour atteindre aisément les 200 bps. Une nouvelle vague d’inquiétude s’imposera alors sur les marchés boursiers. D’autant que la récession se prolongera dans l’ensemble de la zone euro, comme l’a confirmé cette semaine la nouvelle détérioration des indicateurs avancés des directeurs d’achat. Les marchés boursiers repartiront à la baisse, le temps que François Hollande et les Allemands mettent de l’eau dans leur vin, en espérant qu’ils le fassent.

Compte tenu de ce triste scénario, il pourrait donc être facile de dire qu’une réélection de Nicolas Sarkozy serait plus favorable pour les marchés. Mais, il n’en est rien. Certes, un Président qui annonce que la Finance est son grand ennemi suscite évidemment l’inquiétude et l’agacement des intéressés. Néanmoins, comme l’ont montré les exemples de François Mitterrand en 1982 et Lionel Jospin en 1998, ce sont parfois les guerriers qui font la paix et les pacifistes qui font la guerre. Si l’élection de François Hollande fera forcément réagir négativement les marchés à court terme, rien n’est perdu pour le moyen terme.

A l’inverse, les marchés ne connaîtront pas de vague euphorique si Nicolas Sarkozy est réélu. D’une part, parce que, c’est sous son mandat que les dépenses publiques ont atteint des sommets historiques. D’autre part ; parce que son programme est loin de garantir le sauvetage de l’euro. Pis, en faisant de l’Europe un bouc-émissaire à nos problèmes de sécurité et de compétitivité, le Président sortant s’est déjà remis les Allemands à dos.

En conclusion, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, le couple-franco-allemand va souffrir et la zone euro avec. Après les élections, il faut donc se préparer à une nette remontée des taux longs, à une nouvelle dégradation de la note de la dette publique française et à une vague baissière sur les marchés boursiers. Espérons que les candidats et les médias prendront rapidement la mesure de ces dangers et sauront élever le débat. Mais, malheureusement, rien n’est moins sûr.

Marc Touati