Perspectives économiques et financières 2012 : Haute voltige… (n°198)

 

Humeur :

TVA sociale, taxe Tobin : Ça suffit !

A l’approche des élections présidentielles, un retour en force de la démagogie et de l’électoralisme est inévitable. En moins d’une semaine, nous pouvons dire que nous avons été particulièrement bien servis, avec l’annonce d’une augmentation du taux de TVA, qualifiée pour l’occasion de TVA sociale, puis la volonté affichée de créer une taxe sur les transactions financières. En d’autres termes, déjà particulièrement mal en point, l’économie française risque de souffrir encore bien davantage au cours des prochains mois. Et tout ça pour de simples motifs électoraux.

Débutons ce « petit théâtre des horreurs » par la désormais célèbre TVA sociale. La simple juxtaposition de ces deux notions pose déjà un problème. Et pour cause : comment peut-on qualifier de sociale une taxe qui constitue, par essence, l’un des impôts les plus inégalitaires qui soit ? En effet, la TVA est payée par tous dans les mêmes proportions quel que soit le niveau de revenu du consommateur.

En fait, cette TVA sociale est tout simplement une vraie fausse bonne idée. Certes, il serait tout à fait louable de réduire le coût du travail en France et de redonner ainsi un peu de compétitivité à notre appareil productif tant dans l’industrie que dans les services. De la sorte, il est parfaitement concevable de transférer une partie des charges qui pèsent sur le travail vers la consommation. Cependant, cela ne pourrait se faire qu’à pression fiscale inchangée. Dans la mesure où cette dernière est déjà l’une des plus élevées au monde, une augmentation supplémentaire serait dramatique. Et ce, en particulier sur le front de la TVA, qui, avec un taux de 19,6 %, est déjà prohibitive. Autrement dit, Il est absolument inconcevable que plus de 20 % de la valeur des produits achetés aillent dans les caisses publiques dont l’efficacité est plus qu’aléatoire.

En outre, laisser croire qu’en imposant davantage la consommation, nous allons réduire drastiquement nos importations est illusoire. Cela pour au moins deux raisons. Primo, compte tenu des écarts de coûts de production et de prix de vente entre les produits fabriqués dans le monde, notamment émergent, et ceux usinés dans l’Hexagone, ce n’est pas une augmentation de 3 % à 5 % de la TVA qui va inverser la tendance. Pour redonner de la compétitivité aux produits nationaux, une déprécation de 20 % de l’euro serait beaucoup plus efficace.

Secundo, n’oublions pas que certaines importations sont devenues incontournables et incompressibles. En sus de nombreuses matières premières et notamment pétrolières, il existe de plus en plus de produits qui ont tout simplement disparu du champ productif français, soit par erreur stratégique, soit en raison de coûts trop élevés. Ainsi, avec la meilleure volonté du monde et le plus grand patriotisme possible, il serait, par exemple, impossible d’acheter un ordinateur français.

En résumé, une augmentation du taux de TVA serait non seulement injuste, mais surtout contre-productive, dans la mesure où elle ne garantirait pas de réduction des importations. Pis, dans un contexte où la consommation française est déjà en berne, une hausse du taux de TVA dans les prochains mois serait suicidaire. Elle ne ferait que rogner encore le peu de pouvoir d’achat des ménages, alimenterait la baisse de la consommation et aggraverait la récession (qui a commencé dès le quatrième trimestre 2011 et devrait se poursuivre au moins jusqu’à la fin du printemps). Cette mesure constituerait donc une erreur stratégique particulièrement coûteuse et dangereuse.

Il en serait de même de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Avant tout chose et comme le soulignait d’ailleurs son concepteur, James Tobin, la taxe sur les transactions financières soulève un sérieux problème de faisabilité. Comment peut-on effectivement distinguer parmi l’ensemble des opérations celles qui relèvent de la spéculation pure et celles qui sont utiles à l’économie ? Cela suppose de mettre en place un système de contrôle aussi complexe que coûteux. Et même si l’on franchissait cet obstacle, il faudrait instituer des mécanismes de collecte et de surveillance, qui alourdiraient encore les coûts organisationnels de l’opération.

De plus, imaginer que la spéculation va disparaître grâce à une nouvelle taxe symbolique relève de la gageure. En effet, la spéculation fait partie de la vie des marchés. Pour la supprimer, il faudrait fermer ces derniers. D’ailleurs, si la France était la seule à appliquer cette mesure, ce serait certainement à terme la fin de la place de Paris. Celle-ci étant déjà très loin de ses homologues internationales, le choix du cavalier seul en matière de taxation aggraverait le déséquilibre concurrentiel et ruinerait notre crédibilité.

D’ores et déjà, compte tenu de la pression fiscale et réglementaire (notamment en matière de fonds propres) qui pèse sur les activités de marchés, les banques françaises sont en train de réduire ces dernières à la portion congrue. Comme nous l’évoquons depuis bientôt trois ans, la finance est devenue la sidérurgie des années 1980, à savoir un secteur sinistré. Alourdir, même symboliquement, cette pression, lui donnerait le coup de grâce. Cela se traduirait notamment par une augmentation des destructions d’emplois dans ce domaine et par l’alourdissement des conditions de financements des entreprises. Dans ce cadre, une nouvelle réduction de l’investissement, donc de la croissance et de l’emploi se produirait à l’échelle du pays. Au-delà du simple secteur financer, c’est toute l’économie nationale qui pâtirait de cette mesure.

En conclusion, si nous comprenons parfaitement la volonté des gouvernants actuels d’être reconduits au pouvoir dans quelques mois, nous estimons que ce serait une grave erreur de prendre des mesures aussi dogmatiques et contre-productives que la TVA sociale et la taxe Tobin pour glaner quelques voix. Malheureusement, une certitude se fait jour : après les élections présidentielles, et quelle que soit leur issue, l’économie française va continuer de souffrir.

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

2012, année de la « loose » ?


Généralement, les débuts d’année sont toujours propices aux espoirs et aux vœux d’amélioration. Cette année, l’état de l’économie mondiale ne semble guère s’y prêter. Et ce, en particulier dans la zone euro.

En effet, un peu comme en 2009, nous commençons 2012 en pleine récession. Dès lors, afficher des prévisions économiques et financières optimistes apparaît presque impossible.

En tout état de cause et même à supposer une embellie miraculeuse de l’économie eurolandaise au cours du second semestre 2012, la baisse du PIB de la zone euro au quatrième trimestre génère mécaniquement un acquis de croissance négatif pour l’année à venir.

Aussi, il est d’ores et déjà certain que la progression annuelle moyenne du PIB en 2012 ne pourra pas dépasser les 0,7 % dans la zone euro et les 0,5 % en France. Dans ce cadre, le taux de chômage va continuer de croître et les déficits publics ne reculeront pas.

Face à ces piètres résultats, il pourrait être tentant de baisser les bras et de se dire que finalement 2012 sera pire que 2011. C’est d’ailleurs le scénario consensuel qui semble s’imposer.

Pourtant, comme nous l’avons souvent souligné, la prévision consensuelle est souvent la plus mauvaise. Voilà pourquoi, en dehors de la récession eurolandaise et française, 2012 pourrait tout de même réserver quelques bonnes surprises.

La première est déjà perceptible puisqu’il s’agit de la résistance de l’économie américaine. En effet, après avoir nettement rebondi en 2010, puis ralenti en 2011, la croissance semble retrouver de belles couleurs outre-Atlantique. Mieux, après une année de déceptions, le taux de chômage a retrouvé le chemin de la forte baisse dès la fin 2011.

L’évolution des enquêtes ISM des directeurs d’achat dans l’industrie et les services montrent d’ailleurs que cette embellie devrait se prolonger au moins jusqu’à l’été 2012.

La croissance américaine résiste bien.

Sources : ISM, Bloomberg

Par la suite, l’approche des élections présidentielles réservera forcément son lot d’attentisme, mais sans susciter un ralentissement trop prononcé.

Au total, la croissance américaine devrait avoisiner les 2,4 % sur l’ensemble de 2012.

La deuxième bonne nouvelle de ce début d’année réside dans la bonne tenue de la croissance chinoise. En effet, après avoir fait craindre le pire, cette dernière s’est stabilisée autour des 9 % en 2011 et devrait en faire de même en 2012.

De quoi rappeler que les Chinois restent maîtres dans l’art du « fine tuning » (le réglage fin). L’an passé, ils ont effectivement décidé d’apprécier le yuan de manière à éviter la surchauffe. Le ralentissement de l’économie chinoise est donc voulu et non subi. Pour autant, avec un niveau de 6,4 yuans pour un dollar, le renminbi reste encore très loin de son niveau d’équilibre (en l’occurrence 3,50 yuans pour un dollar selon la parité des pouvoirs d’achat).

La Chine contrôle son ralentissement.

Source :Bloomberg

De plus, avec plus de 3 200 milliards de dollars de réserves de changes, la Chine pourra soutenir l’activité en cas de besoin. Autrement dit, en dépit d’un ralentissement salutaire et contrôlé, la croissance chinoise restera comprise entre 8,5 % et 9 % en 2012.

Parallèlement, l’ensemble des pays émergents devrait profiter de la bonne tenue des deux premières économies mondiales et ce d’autant qu’après s’être appréciées exagérément, leurs devises commencent à revenir vers des niveaux plus normaux. Cette évolution permettra donc de soutenir leur activité en 2012, comme par exemple au Brésil.


La baisse du réal permettra au Brésil de redémarrer.

Source :Bloomberg

Il s’agit d’ailleurs de la troisième bonne nouvelle de ce début d’année, en l’occurrence l’appréciation du dollar et, son corolaire, une accalmie des cours des matières premières.

En effet, c’est grâce à ce mouvement que la croissance mondiale va progressivement se rééquilibrer. Et ce, non seulement pour les pays émergents, mais aussi et surtout pour la zone euro.

Ainsi, grâce au retour de l’euro vers son niveau d’équilibre (en l’occurrence 1,20 dollar pour 1 euro) d’ici l’été prochain, l’économie eurolandaise pourra progressivement retrouver de l’allant et sortir de la récession.


Seule La baisse de l’euro permettra de sortir de la crise.

Source : Eurostat, Bloomberg

Cela permettra notamment de stopper le dangereux découplage qui s’est installé depuis l’été 2011, entre la résistance des économies américaines et chinoises et l’effondrement de celle de la zone euro. Ainsi, sur une croissance mondiale de 3,5 % tant en 2011 qu’en 2012, la contribution de la zone euro n’a été que de 0,2 point l’an passé et sera d’au mieux 0,1 point cette année.

A titre de comparaison, la contribution de la Chine a été de 1,2 point sur ces deux années et celle des Etats-Unis passera de 0,4 en 2011 à 0,5 point cette année.

Si les dirigeants de la zone euro se décident enfin à choisir le camp du pragmatisme en 2012, alors l’UEM pourra enfin retrouver le chemin d’une croissance durablement proche des 2 %, pour 2013-2014. Mieux vaut tard que jamais…

 

Marc Touati


La croissance partout, sauf dans la zone euro.

Source : Assya Compagnie Financière


.La météo économique de la semaine écoulée :

 


 

 


Les Marchés:

Haute voltige…


Si nous sommes globalement sereins sur nos prévisions économiques, nous restons toujours aussi circonspects en matière d’anticipations financières.

En effet, tant que la crise de la zone euro ne sera pas résolue, et malheureusement, elle ne pourra l’être avant les élections présidentiel