France : du syndrome du pouf au psychodrame du plouf…

 

Le 18 décembre 2009, nous expliquions déjà dans ces mêmes colonnes comment la France s’était engluée dans ce que nous appelions le « syndrome du pouf ». Deux ans plus tard, non seulement rien n’a changé, mais la situation s’est même aggravée.

En effet, de nombreux Français, et en particulier leurs dirigeants, refusent toujours d’endurer les difficultés. Aussi, plutôt que de lutter de front contre les dangers ou les crises économiques, au risque de se « faire mal » temporairement, ils préfèrent multiplier les protections et les perfusions publiques en tous genres. Cette gabegie de dépenses publiques est censée protéger l’économie française contre une chute trop violente. Ainsi, lorsqu’elle tombe, cette dernière s’affale sur un pouf qui lui permet donc d’amortir le choc et d’assurer une certaine paix sociale à court terme. En revanche, une fois bien installé dans le pouf, il est généralement très difficile de se relever.

C’est là tout le problème des aides et autres stabilisateurs qui permettent, certes, de limiter les dégâts lors de la chute, mais empêchent ensuite l’économie de se redresser rapidement et fortement. Et ce, notamment à cause de leur coût exorbitant, imposant une pression fiscale extrêmement forte.

Nous le vivons encore aujourd’hui, à l’heure où les plans de rigueur annoncés se focalisent sur une augmentation des impôts et oublient la nécessité de baisser les dépenses publiques. D’ailleurs, aucun des partis politiques en campagne pour la prochaine présidentielle n’ose s’engager sur une réduction de ces dernières, qui, rappelons-le, atteignent 57 % du PIB français, contre 46 % en Allemagne. Or, il paraît clair que les Allemands ne vivent pas moins bien que les Français. Il ne s’agit donc pas d’un problème de quantité de dépenses publiques, mais de qualité et d’allocation de celles-ci.

Malheureusement, en dépit de ces évidences, les partis politiques français continuent de faire comme si la puissance publique restait LA solution. Soyons clairs : le rôle de l’Etat dans l’économie est indispensable, notamment en matière de protection sociale. Cependant, cette intervention doit être efficace, c’est-à-dire générer plus de croissance que ce qu’elle coûte, permettant par là même d’accroître l’emploi, tout en réduisant la pauvreté et les inégalités. Si nous y parvenons, alors notre modèle social est forcément le meilleur.

En revanche, depuis une trentaine d’années, c’est exactement l’inverse qui s’observe dans l’Hexagone, puisque malgré la flambée des dépenses publiques, des déficits et de la dette, la croissance est de plus en plus faible (seulement 1,2 % par an depuis dix ans), le chômage ne cesse de progresser, la pauvreté augmente et les inégalités s’accroissent. Il est donc urgent de faire preuve de bon sens et d’inverser cette tendance destructrice.

Sinon, la France va passer du syndrome du « pouf » au psychodrame du « plouf » qui a d’ailleurs déjà commencé. Car, si nos dirigeants pouvaient se permettre de laisser filer les dépenses publiques lorsque le ratio dette publique/PIB n’était que de 20 % (comme en 1981), voire de 60 % (comme au cours de la décennie 2000), un tel dérapage devient inacceptable lorsque ce rapport dépasse 85 %, comme c’est le cas aujourd’hui, et a fortiori les 90 %, comme ce sera certainement le cas fin 2012.

C’est en cela que l’annonce d’une très probable dégradation de la note de la dette publique française est tout à fait logique. Compte tenu de la récession qui s’annonce, elle devient même mathématique. En effet, si déjà depuis quatre ans, la France ne parvient pas à générer une croissance suffisamment forte ne serait-ce que pour assurer le paiement des intérêts de la dette publique, la baisse prochaine du PIB hexagonal aggravera mécaniquement la situation.

Autrement dit, la réduction de nos déficits publics n’est pas simplement nécessaire pour « faire plaisir » aux agences de notation, ni même aux marchés, mais elle est surtout indispensable pour ne pas gâcher notre avenir et celui de nos enfants. Car il est clair que si rien ne change, les taux d’intérêt des obligations d’Etat à dix ans vont flamber au-delà des 6 % d’ici la fin 2012, cassant le peu de croissance qui nous reste, augmentant le chômage, les déficits, la dette, donc les taux d’intérêt… et le cercle infernal continuera.

Pour autant, répondre à ce danger par un nouveau traité basé sur des sanctions et par une augmentation des impôts est tout aussi calamiteux. Cela montre, une nouvelle fois, combien les dirigeants eurolandais sont obtus, pour ne pas dire irresponsables. Et pour cause : le seul moyen de sortir de la crise de la dette et plus globalement de la crise existentielle dans laquelle est plongée la zone euro réside dans la restauration de la croissance.

Sans croissance, les déficits publics continueront d’augmenter et la dette avec. La rigueur et les sanctions annoncées seront alors plus que contre-productives. Pour faire passer la pilule de la réduction des dépenses publiques, il faut donc que la BCE soutienne davantage la croissance, que l’euro/dollar recule vers des niveaux normaux (c’est-à-dire sous les 1,20 dollar pour un euro) et qu’une politique budgétaire fédérale financée par des Eurobonds voit le jour.

Malheureusement, ce n’est pas la voie que semblent prendre les dirigeants eurolandais. Nous sommes donc au regret d’annoncer que, sauf surprise de dernière minute, la récession va s’intensifier en France et dans la zone euro. Dans le meilleur des cas, la progression annuelle moyenne avoisinera les 0,5 % en 2012. Parallèlement, les notes des dettes publiques eurolandaises seront dégradées dans les trois prochains mois. Celle de la France perdra vraisemblablement deux crans avant les élections présidentielles et certainement beaucoup plus après.

Nous sommes vraiment tristes d’en arriver là, mais l’excès de dogmatisme de nos dirigeants politiques a définitivement dépassé les bornes. Quel gâchis !

Marc Touati