Zone euro, déprime des marchés : faut-il jeter l’éponge ? (E&S n°193)

 

Humeur :

Faut-il jeter l’éponge ?

Plus rien ne va. La récession est de retour dans la quasi-totalité des pays de la zone euro. Les changements de gouvernements en Grèce, en Italie et en Espagne n’ont eu aucun effet sur les taux d’intérêt des obligations d’Etat des pays concernés. Ceux-ci restent donc prohibitifs, alimentant le cercle infernal Récession-Chômage-Déficits publics. Parallèlement, les marchés boursiers continuent de déprimer, entretenant un autre cercle pernicieux, à savoir, Baisse des cours-Désinvestissement-Récession.

Pour ne rien arranger, les dirigeants politiques eurolandais demeurent incapables de s’entendre et de stopper l’hémorragie. Enfin, cerise sur le gâteau, la censure de certains médias pro-gouvernementaux et les intimidations en tous genres commencent à se répandre un peu partout, et notamment dans l’Hexagone. Nous en avons été personnellement victimes au cours des dernières semaines. Rassurez-vous, il n’y a, pour le moment, aucune atteinte physique, mais il faut reconnaître que, même si nous sommes habitués aux pressions en tous genres depuis des années, ce refus de la critique, doublé d’une hégémonie de la pensée unique choque toujours. A fortiori, dans le pays des Droits de l’Homme… Nous le savons bien : tout ça n’est qu’une affaire de marketing.

Toujours est-il que face à l’ensemble de ces mauvaises nouvelles, il pourrait être tentant de jeter l’éponge, de conseiller aux investisseurs de vendre toutes leurs actions, de se focaliser sur l’or ou sur les terres arables, ou encore de demander aux chefs d’entreprise d’arrêter d’investir, de réduire au maximum la voilure, voire de s’expatrier dans un « monde meilleur ». Un monde dans lequel la puissance publique représenterait moins de 50 % du PIB, où la pression fiscale serait modérée et qui permettrait aux entrepreneurs, mais aussi aux salariés, d’investir et de travailler en toute liberté. Même s’il paraît très loin de nos frontières, sachez que ce monde existe. Il n’est bien sûr pas parfait (la perfection n’existe d’ailleurs pas sur terre), mais permet au moins de se sentir libre. Libre d’investir, libre de penser, libre de s’exprimer. Des libertés qui sont malheureusement en voie de disparition dans notre vieille Europe et en particulier dans notre douce France.

En d’autres termes, nous ne blâmerons pas ceux qui argueront du marasme actuel pour baisser les bras et passer dans le camp des Cassandre. Pour autant, nous n’en profiterons pas pour tomber, nous aussi, dans les limbes du pessimisme. Car, même si cet appel du large est tentant, il constitue un piège, à l’instar de celui des sirènes qui charment les marins pour pouvoir ensuite les dévorer.

En effet, celui qui abandonne face aux dangers est sûr de perdre. A l’inverse, celui qui ose regarder vers l’avenir n’est certes, pas sûr de gagner, mais dispose au moins d’une grande chance de réussir. Tel est le comportement qu’il nous paraît opportun d’adopter dans le contexte actuel. Et ce, tant pour les entreprises et les particuliers que pour les investisseurs ou encore pour les dirigeants politiques.

Pour ces derniers, ils doivent tout d’abord accepter le dialogue, tout en refusant la pensée unique des technocrates et des hauts-fonctionnaires. Vivant des largesses de l’Etat, il est effectivement clair que, dans leur grande majorité, ceux-ci feront tout pour éviter de réduire les dépenses publiques. Ils préféreront augmenter les impôts, ce qui finira par casser le peu de croissance qui nous reste, et contribuera à augmenter le chômage, les déficits et la dette. Tant que nos dirigeants n’auront pas compris ces évidences, la crise de la zone euro continuera jusqu’à l’explosion de celle-ci.

Du côté des entreprises, elles devront constamment mettre en place des stratégies « anticrise », et notamment des stratégies de niches, d’innovation et de développement international. Quant aux moyens de financement de ces options, les entreprises disposent de deux possibilités. Primo, elles peuvent se retourner vers les banques, qui finiront bien par revenir à leur métier de base, en l’occurrence l’octroi de crédit. Secundo, si la frilosité bancaire continue, notamment à cause de règles prudentielles trop rigides, les entreprises pourront se tourner vers des fonds d’investissement français et/ou internationaux, qui disposent actuellement de liquidités conséquentes.

En ce qui concerne les particuliers, le refus de jeter l’éponge devra passer par une combativité à toute épreuve, que ce soit en matière de qualification, via des efforts permanents de formation, dans le domaine de la qualité du travail effectué et, enfin, sur le front de la mobilité géographique et/ou sectorielle.

Enfin, pour les investisseurs, il faudra rester à l’affût des opportunités, tout en limitant les prises de risque excessives. A ce sujet, il y a justement des signes qui ne trompent pas. C’est ce que l’on appelle des contre-indicateurs avancés ou pour être plus cru, des « chèvres ». Il s’agit d’opérateurs, d’économistes ou encore d’observateurs qui ont régulièrement tout faux. Il s’agit par exemple de ceux qui annonçaient que la crise était finie au printemps 2008, qui prédisaient que le Cac 40 tomberait à 1 500 à l’été 2009, que la croissance ne reviendrait pas en 2010, que la crise grecque ne durerait que quelques semaines, ou encore qui soutenaient en juillet 2011 que les marchés boursiers allaient flamber. Le pire est que ce sont souvent les mêmes. Or, depuis quelques jours, ces « clairvoyants » qui n’ont pas cessé de dire depuis l’été dernier que les cours boursiers allaient rebondir rapidement, se mettent à annoncer qu’il faut tout vendre, que les marchés actions vont aller encore plus bas. En d’autres termes, c’est le moment d’acheter…

Au-delà de l’aspect distrayant et non-conventionnel de cette analyse, il faut se souvenir qu’historiquement, le consensus a très souvent tort. Autrement dit, c’est lorsque tout le monde pense la même chose et va dans le même sens qu’il devient opportun d’aller dans l’autre direction. C’est ainsi que les Warren Buffet, Georges Soros et autres champions de la finance ont fait fortune. Le seul « hic » dans ce raisonnement est qu’aujourd’hui, la balle est dans le camp des politiques, qui sont loin d’être des modèles de vertu et d’efficacité économique. Ah, pessimisme quand tu nous tiens…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Zone euro : chronique d’une récession annoncée.


Si certains avaient encore des doutes, le suspens a pris fin car c’est désormais une certitude : la zone euro va tomber en récession au quatrième trimestre.

C’est en effet ce que nous confirment les statistiques publiées cette semaine.

A commencer par les indices PMI qui constituent un indicateur avancé de la croissance eurolandaise.

Dans le secteur manufacturier tout d’abord, l’indice PMI des directeurs d’achat qui est tombé sous la barre des 50 (frontière entre l’expansion et le recul de l’activité) depuis le mois d’août n’en finit pas de plonger. Ainsi après avoir reculé à 47,1 en octobre il affiche un niveau de 46,4 en novembre soit un plus bas depuis juillet 2009.

Dans les services l’indice PMI des directeurs d’achat après s’être replié sous la barre des 50 depuis septembre, se situe toujours à un niveau très faible en novembre (47,8).

Pour finir, l’indice PMI composite eurolandais avec un niveau de 47,2 est à un plus bas depuis le mois de juillet 2009. De fait, après avoir réussi à « sauver les meubles » au quatrième trimestre en affichant une croissance de 0,2% le PIB eurolandais pourrait chuter de 0,5 % au quatrième trimestre.

Les indices PMI confirment que la zone euro va tomber en récession au quatrième trimestre.

Sources :European Commission , Markit, Bloomberg.

Les indicateurs économiques avancés de la croissance des deux principales économies de la zone euro à savoir l’Allemagne et la France, nous confirment également le repli de l’activité que nous avions déjà annoncé dans nos colonnes (Cf le Weekly du 13 novembre).

En Allemagne tout d’abord, l’indice IFO du climat des affaires qui avait atteint en février un plus haut depuis la réunification (115,4) s’est stabilisé après quatre mois consécutifs de baisse à un niveau de 106,6 en novembre. En dépit de ce répit temporaire cet indice est toujours à un plus bas depuis juin 2010.

L’indice IFO des attentes même s’il se stabilise à un niveau de 97,3, annonce également un recul de l’activité.

En d’autres termes, bien qu’elle soit structurellement forte, l’économie allemande qui souffre de la force de l’euro et de la crise financière, pourrait voir son PIB reculer de 0,3 % au quatrième trimestre.

L’Allemagne souffre et n’échappera pas au ralentissement.

Sources : IFO, Datastream

Par ailleurs, en France, le ralentissement à venir de l’activité se confirme. A l’image de l’indice du climat des affaires de l’enquête INSEE qui recule pour un cinquième mois consécutif pour afficher un niveau de 95. Particulièrement inquiétant, l’indice des perspectives de production plonge (-35) et les carnets de commandes étrangers s’effondrent (-26).

La France sera particulièrement touchée par le recul de l’activité.

Sources : INSEE, Datastream

La récession frappe donc à la porte de la zone euro et participera au « programme des réjouissances » du marasme actuel dès le quatrième trimestre où un recul de 0,5 % de l’activité se profile. Pour le futur, le PIB eurolandais n’affichera au maximum qu’un petit 1 % de croissance en 2012, soit bien trop peu pour endiguer le chômage…

Jérôme Boué


.La météo économique de la semaine écoulée :

 


 

 


Les Marchés:

Hausse des taux longs : personne ne sera épargné.


Dans ce monde de plus en plus chaotique et imprévisible, l’impensable devient réalité. En effet, alors qu’elle semblait constituer un modèle de vertu et paraissait de ce fait inattaquable, l’Allemagne a raté son adjudication obligataire du 23 novembre. Seuls 60 % des obligations proposées par l’Etat ont trouvé preneur.

A l’évidence, la douche est froide pour une Allemagne qui se pensait à l’abri de la crise de la dette publique et refusait par là même de transiger sur son orthodoxie monétariste.

Ainsi, le taux des obligations à dix ans de l’Etat allemand s’est nettement tendu, passant de 1,87 % à 2,26 % en quatre jours (un plancher de 1,64 % avait même été atteint lors de la séance du 23 septembre).

L’Allemagne entre à son tour dans la crise de la dette publique.

Source : Bloomberg

Si cette déconvenue inattendue aura donc le mérite de calmer l’arrogance allemande, elle montre également qu’il n’existe plus de rempart pour lutter contre la défiance des investisseurs à l’égard de la zone euro.

Comme nous l’écrivons depuis bientôt trois ans, la crise grecque n’était que la partie émergée d’une crise beaucoup plus profonde qui concerne toute la zone euro. Ce malaise est avant tout la conséquence des erreurs stratégiques des dirigeants politiques et monétaires de l’UEM depuis plus de dix ans.

La claque que vient de recevoir le gouvernement allemand n’est d’ailleurs que la sanction de son obstination à refuser de modifier le fonctionnement de la zone euro.

Les marchés adressent ainsi un message simple à l’Allemagne : il ne sert à rien de mourir guéri. Autrement dit, à quoi bon vouloir lutter contre un risque inflationniste fantaisiste, alors que la zone euro est menacée par la récession et ensuite par l’explosion ?

Voilà pourquoi, les taux des obligations d’Etat flambent partout dans l’UEM, y compris en Allemagne et dans ses « satellites ».


Pays-Bas, Belgique, Finlande : la vertu n’est plus ce qu’elle était…

Source : Bloomberg

Jusqu’à présent relativement épargnés par la crise, notamment grâce à des efforts de réduction de leurs dépenses publiques, les Pays-Bas, la Belgique et même la Finlande voient leurs taux longs flamber dangereusement.

Certes, ils sont encore loin de leurs homologues des pays du Sud, mais ils montrent que la spirale infernale est contagieuse.

Les taux longs des pays du Sud toujours au sommet.