Zone euro, croissance US : Ouf ! (E&S n°189)

 

Humeur :

La zone euro est sauvée… pour l’instant.

Ouf ! Le énième sommet européen « de la dernière chance » a été couronné de succès. Ainsi, 50 % de la dette publique grecque détenue par des organismes privés va être effacée (soit environ 100 milliards d’euros sur une dette totale de 350 milliards). L’enveloppe du Fonds Européen de Stabilité Financière va être largement augmentée, à 1 000 milliards d’euros. Les banques vont devoir respecter un ratio de fonds propres de 9 %, ce qu’elles se sont engagées à faire par leurs propres moyens. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

D’ailleurs, accueillant avec enthousiasme l’ensemble de ces mesures, les bourses européennes ont flambé, retrouvant leurs plus hauts depuis début août 2011. Cette remontée s’explique principalement par un effet de correction de la baisse excessive des mois précédents. Cette dernière correspondait effectivement à des craintes de sortie de la Grèce de l’UEM, d’explosion de la zone euro et de faillites bancaires. A présent que ces risques ont été écartés, du moins temporairement, les cours boursiers et notamment ceux des banques n’ont aucune raison d’être aussi bas. D’où leur remontée massive et rapide.

A contrario, il est clair que si le sommet européen avait débouché sur un échec, un nouveau krach boursier se serait produit, les taux d’intérêt auraient flambé et la récession, qui a déjà certainement commencé, aurait redoublé d’intensité. Autrement dit, un accord était indispensable. C’est pourquoi, il constitue forcément une bonne nouvelle. Cependant, ce succès de façade n’a fait qu’éteindre l’incendie qui menaçait la maison UEM. En revanche, il n’a absolument pas résolu les problèmes de fond de la zone euro. A commencer par l’absence de gouvernance économique efficace et par la faiblesse structurelle de la croissance.

N’oublions effectivement pas que la crise eurolandaise n’est que la juste conséquence de dix ans d’erreurs de politiques monétaires et budgétaires. Une décennie au cours de laquelle la croissance annuelle de la zone euro n’a été que de 1,2 %. Pis, alors que la monnaie unique était censée nous protéger des chocs extérieurs, l’UEM a été la zone de la planète qui a le plus souffert de la crise de 2008. C’est également celle qui a subi la plus forte récession en 2009, qui a connu la plus faible reprise en 2010 et qui, pour couronner le tout, est déjà en train de retomber dans la récession. A l’évidence, il aurait été difficile de faire pire, sachant que ces piètres performances ont été obtenues malgré une gabegie historique de dépenses publiques.

Les satisfécits des dirigeants politiques eurolandais au lendemain du sommet ne font d’ailleurs que mettre en exergue les carences et les paradoxes de la zone euro. En effet, si cette dernière a bien été sauvée à court terme, le problème de fond, à savoir la faiblesse de la croissance, n’a absolument pas été résolu. Et pour cause : « grâce » à cet accord, l’euro est reparti à la hausse passant au-dessus de la barre des 1,41 dollar. Déjà quasiment inexistante, la croissance va donc encore s’affaiblir, ce qui ne manquera pas d’augmenter le chômage, d’accroître les déficits publics et in fine les dettes des Etats.

En d’autres termes, les problèmes qui ne cessent de menacer l’UEM depuis deux ans resurgiront dans six mois. Qui plus est, pour obtenir cet accord aux forceps, les Eurolandais ont concédé aux Allemands qu’ils allaient s’engager clairement dans une véritable politique d’austérité, de manière à réduire significativement les déficits publics. Cette évolution pose trois problèmes principaux.

Primo, elle montre que l’Allemagne a retrouvé son leadership européen et que la France n’a d’autres choix que de la suivre. Cette évolution est, sommes toutes, logique dans la mesure où l’Allemagne est le seul grand pays eurolandais à avoir tenu ses engagements en matière d’assainissement budgétaire. Le « deal » est désormais clair : soit la France et ses homologues du Sud adoptent une politique « à l’allemande » de réduction des dépenses publiques et la zone euro est sauvée, soit ils continuent d’augmenter ces dernières et la zone euro finira par exploser…

Secundo, si, pour une fois, les dirigeants eurolandais respectent leurs engagements et se lancent dans une politique de rigueur, notamment en augmentant les impôts, la récession va s’intensifier, aggravant les déficits et la dette publique. De quoi susciter très rapidement une nouvelle crise.

Tertio, en adoptant une vision monétariste de l’avenir, les Eurolandais interdisent d’ores et déjà l’instauration d’une véritable politique de soutien à la croissance, tant en matière de taux directeurs de la BCE que de taux de change.

Et c’est bien là que réside le danger principal de ces nouveaux accords « de la dernière chance », car si la BCE ne baisse pas ses taux d’intérêt rapidement et fortement, si l’euro ne retourne pas vers les 1,15 dollar au plus vite et si aucune politique budgétaire fédérale de soutien à l’activité n’est engagée, la zone euro n’a aucune chance de retrouver le chemin de la croissance à court-moyen terme. Les pays qui la composent seront alors dans l’impossibilité de respecter leurs engagements budgétaires, ce qui entachera de nouveau leur crédibilité, suscitera une nouvelle crise financière et requerra un nouveau sommet de la « dernière chance », au plus tard en juin 2012.

La question est alors de savoir si, une fois encore, l’Allemagne acceptera de pactiser et finalement de se ridiculiser. La réponse risquant d’être négative, une nouvelle voie commence à se dessiner, celle du financement par les pays émergents et notamment par la Chine. Pour le moment, cet afflux de capitaux chinois vers la zone euro est présenté comme une bonne nouvelle, dans la mesure où il permettra de bénéficier d’un bol d’air conséquent. En revanche, à moyen terme, cette ingérence marquera forcément une perte d’indépendance et une obligation de satisfaire aux désidératas chinois. Or, en matière de négociation, il est clair que la Chine risque d’être « beaucoup » moins conciliante que l’Allemagne…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Léger mieux pour la croissance américaine.


La publication des comptes nationaux aux États-Unis pour le troisième trimestre, nous confirme qu’à l’inverse de la zone euro, l’Oncle Sam évitera la récession

En effet, après avoir affiché une croissance de 1,3 % (variation annualisée) au deuxième trimestre, le PIB américain a progressé de 2,5 % au troisième trimestre, laissant son glissement annuel inchangé à +1,6 %.

Le détail statistique nous indique que les principaux moteurs de la croissance américaine ont pleinement joué leur rôle.

A commencer par la consommation des ménages qui progresse de 2,4 % au troisième trimestre après une petite hausse de 0,7 % au deuxième trimestre. En dépit d’un fort taux de chômage et d’une inflation élevée, les ménages américains répondent néanmoins présent.

Par ailleurs, l’investissement des entreprises progresse de 4,1 % sur la période, avec une mention particulière pour l’investissement en équipements informatiques & logiciels qui bondit de 17,4 %.

Enfin, le commerce extérieur apporte une contribution positive dans la mesure où les exportations ont augmenté de 4 % alors que les importations n’ont progressé que de 1,9 %.

Il est important de souligner que les stocks ont fortement reculé, passant de 39,1 milliards à 5,4 milliards de dollars, enlevant 1,08 points à la croissance. En d’autres termes, hors stocks, la croissance du PIB a atteint 3,6 % outre-Atlantique au troisième trimestre. Nous sommes donc très loin du « double dip » annoncé par beaucoup.

L’investissement des entreprises et la consommation des ménages soutiennent la croissance américaine.

Sources : Department of Commerce, BEA, Datastream

Par ailleurs, les statistiques récentes nous confirment la bonne résistance de l’Oncle Sam.

A commencer par la production industrielle qui a progressé de 0,2 % en septembre pour afficher un glissement annuel de + 3,2 %. Parallèlement, la production manufacturière a augmenté de 0,4 % portant son glissement annuel à + 3,9 %.

A la lecture des chiffres, nous observons une hausse de 1 % de la production de matériel électronique et d’ordinateurs et une progression de de 0,7 % dans le secteur automobile. En revanche, la production dans le secteur public régresse de 1,8 %, reflétant logiquement le désengagement de l’État après une forte relance keynésienne. Dans ce cadre, le taux d’utilisation des capacités de production a légèrement progressé pour atteindre 77,4 % en septembre.

D’autre part, les mises en chantier ont constitué une agréable surprise. En effet, après avoir reculé de 7 % en août à 572 000, ces dernières ont bondi de 15 % en septembre atteignant 658 000. Si elles restent encore loin de leur niveau d’avant crise, les mises en chantier ont toutefois atteint un plus haut depuis avril 2010.

 

Le secteur de la construction est toujours à la peine.

Sources : Department of Commerce, BEA, Datastream

En revanche, les statistiques des permis de construire, qui représentent un indicateur avancé des mises en chantier, furent décevantes. Ainsi, alors que le consensus attendait une baisse de 2,4 %, les permis de construire ont reculé de 5% pour tomber à 594 000 en septembre après 625 000 en août. En d’autres termes, en dépit de quelques éclaircies, le secteur de la construction n’a pas fini de souffrir, impactant négativement la croissance outre-Atlantique.

Du côté du moral des ménages américains, le temps est à l’orage. C’est ce qu’indique l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board pour le mois d’octobre, qui a chuté de 6,6 points pour tomber à 39,8 soit un plus bas depuis mars 2009. L’indice mesurant la situation actuelle chute quant à lui de 10 points à 26,3 et l’indice relatif aux attentes perd 6,4 points à 48,7.

La confiance des ménages américains est principalement affectée par la faiblesse des créations d’emplois ainsi que par un taux de chômage qui reste au- dessus de la barre  des 9 % depuis juillet.


Les ménages restent inquiets.

Sources : Conference Board, Datastream

Enfin, l’inflation a encore progressé en septembre pour atteindre un niveau de 3,9 %, soit un plus haut depuis deux ans. Hors énergie et alimentation, cette dernière s’est stabilisée à 2% outre-Atlantique, confirmant que malgré leur tendance baissière, les cours de matières premières sont bien la principale cause de hausse des prix.


L’inflation progresse sans risques.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream

Pour conclure, bien que la croissance reste encore faible pour une phase de reprise, l’économie américaine résiste bien et le PIB pourrait croître de 1,8 % cette année et de 2,4 % en 2012.

 

Jérôme Boué


.La météo économique de la semaine écoulée :

 


 

 


 


 

 

Les évènements à suivre du 31 octobre au 4 novembre :


La job machine américaine se redresse progressivement.

 


L’actualité économico-statistique sera dense cette semaine aux États-Unis. Nous connaitrons tout d’abord les indices ISM dans le secteur manufacturier (mardi), puis dans les services (jeudi). Mercredi nous suivrons la réunion du FOMC et la décision sur le taux des fed funds. Enfin nous prendrons connaissance vendredi du rapport sur l’emploi pour le mois d’octobre.

De ce côté de l’Atlantique, nous suivrons dans la zone euro la première estimation de l’inflation pour le mois d’octobre (lundi) ainsi que la réunion de politique monétaire de la BCE et la décision sur le taux refi (jeudi).