Banques, Marchés boursiers : la zizanie… (E&S n°187)

 

Humeur :

Faut-il (encore !) sauver les banques ?

Trois ans après avoir frôlé la faillite, la banque franco-belge Dexia a tout simplement disparu. Si la banqueroute a donc été évitée, ce démantèlement rappelle tristement que le système bancaire européen reste très fragile. De là à imaginer qu’une nouvelle crise bancaire internationale est imminente, il n’y qu’un pas que beaucoup franchissent allégrement. Selon ces derniers, celle-ci serait même pire qu’en 2008. En trois mots « tous aux abris !». Cette inquiétude se répand d’autant plus que les dirigeants politiques européens affichent une volonté tenace de recapitaliser leurs banques. Alors, une nouvelle catastrophe financière dans les prochains mois ?, info ou intox ?

Selon nous, ces craintes sont exagérées. Certes, la mort en douceur de Dexia rappelle étrangement «l’enterrement de première classe » de la banque américaine Bear Stearns au printemps 2008. A l’époque, la reprise de cette dernière par JP Morgan Chase était censée mettre un terme à la crise bancaire qui avait débuté à l’été 2007 avec l’explosion de la bulle des subprimes. Malheureusement, il n’en fut rien et les faillites bancaires outre-Atlantique ne faisaient en réalité que commencer. Dès lors, on comprend mieux pourquoi de nombreux investisseurs et prévisionnistes anticipent de nouvelles faillites de banques en Europe.

Cependant, si la comparaison entre Dexia et Bear Stearns est tentante, elle doit s’arrêter là. Tout d’abord, parce que le démantèlement de Dexia n’est finalement que la fin logique de sa quasi-faillite de 2008. Les pouvoirs publics franco-belge lui avaient alors donné une dernière chance, en espérant qu’elle saurait la saisir pour rebondir rapidement. Mais, une fois encore, ses dirigeants n’ont pas été à la hauteur et n’ont pas réussi à rompre avec les erreurs du passé. Pour ne rien arranger, et par peur de prendre trop de risques, cette banque s’est ruée sur les dettes souveraines, notamment celles des pays du Sud de l’Europe. Cette stratégie ne faisait d’ailleurs que suivre les recommandations des autorités publiques, tout en ayant pour but de respecter la réglementation en matière de solvabilité. De quoi rappeler que les ingérences gouvernementales et les contraintes réglementaires excessives sont loin d’être des gages de réussite.

Et c’est bien là que réside le paradoxe du système bancaire actuel. En effet, pour éviter de rééditer les excès d’avant 2008, les banques européennes ont décidé de réduire massivement leur exposition au risque. Pour ce faire, ces dernières ont délaissé les crédits aux agents économiques a priori risqués (en particulier les PME innovantes), pour se concentrer sur des dettes apparemment peu risquées, en l’occurrence celle des Etats européens. Or, compte tenu des dérapages de ces derniers, ces dettes sont rapidement devenues beaucoup plus dangereuses qu’elles n’y paraissaient.

Dès lors, pour avoir voulu respecter du mieux possible les ratios de solvabilité, les banques se retrouvent aujourd’hui prises à leur propre piège. Dans ce contexte, deux scénarii extrêmes se dessinent. Première solution : la zone euro lâche la Grèce et finit à moyen terme par exploser. Si tel est le cas, plus besoin de se cacher derrière son petit doigt et de chercher des euphémismes : une crise systémique sans précédent se produira en Europe et à l’échelle de la planète. Deuxième solution : les dirigeants de la zone euro s’engagent sur le caractère inaliénable de cette dernière, avec la Grèce et tutti quanti. A ce moment-là, les banques n’ont aucune crainte à avoir sur leur avenir et verront leurs cours boursiers flamber.

Cette reprise sera d’autant plus justifiée que les fondamentaux de la majorité des banques européennes et notamment françaises sont globalement solides. Celles-ci ont effectivement réduit massivement, voire cessé complétement, leurs activités de prop trading (c’est-à-dire de spéculation avec leurs fonds propres). Après la douche froide de 2008, elles ont également limité fortement leurs produits complexes, basés sur des modèles mathématiques extrêmement puissants mais qui masquaient bien souvent la réalité du risque. Enfin, même si elles s’en défendent, elles ont été extrêmement parcimonieuses en matière de crédits à l’économie.

C’est d’ailleurs ce dernier point qui nous paraît le plus inquiétant. En effet, si, comme nous pouvons l’imaginer, la zone euro est sauvée, les banques s’en sortiront sans trop d’égratignures, leurs cours boursiers remonteront et elles pourront ainsi éviter de devenir les proies de prédateurs étrangers. Dans le même temps, l’épargne des citoyens sera largement protégée. Il ne sert donc à rien d’aller retirer ses liquidités ou encore d’enterrer des lingots dans son jardin, l’argent des petits épargnants est en sécurité sur les comptes de la plupart des banques européennes.

En revanche, compte tenu des risques récurrents qui pèsent sur leurs activités, des contraintes réglementaires de plus en plus draconiennes et de leur volonté de limiter leur prise de risques, les banques eurolandaises vont certainement réduire encore davantage leur offre de crédits. Dès lors, l’investissement en pâtira, la croissance restera molle et l’emploi moribond. Conséquence logique de ce cercle pernicieux, les déficits publics demeureront élevés et la dette publique continuera de croître dangereusement. Les notations des dettes souveraines européennes seront donc encore dégradées. Pas de chance : ce sont justement les classes d’actifs sur lesquels les banques auront continué de se focaliser pour éviter de prendre trop de risques

En d’autres termes, après une accalmie à court terme, les craintes pesant sur la santé des banques reprendront rapidement du « poil de la bête ». Face à ces dérapages récurrents, il pourrait être tentant de laisser tout simplement les banques faire faillite, de manière à faire le ménage une bonne fois pour toutes. Dans ce cas de figure, le monde s’engagera dans une crise historique qui se terminera forcément par un ou plusieurs conflits militaires. Les Etats n’ont donc pas le choix : ils doivent sauver leurs banques et protéger ainsi leurs citoyens. Pour autant, ils leur faut parallèlement restaurer une croissance forte et réduire par là même leurs déficits. La balle n’est donc plus dans le camp des banques, qui ne font finalement qu’obéir aux ordres et à la réglementation, mais elle est bien dans celui des pouvoirs publics qui se doivent enfin d’être à la hauteur de la situation.

Marc Touati


.La météo économique de la semaine écoulée :

 


 


Les Marchés:

Cac 40 : vers un rallye de fin d’année ?


Après un écroulement exceptionnel de 30,5 % entre le 4 juillet et le 22 septembre 2011, le Cac 40 semble enfin sur la voie de la reprise.

En fait, entre l’été dernier et aujourd’hui, la situation économique ne s’est pas améliorée. Elle s’est même dégradée. En effet, alors qu’elle n’était qu’une hypothèse il y a quelques mois (hypothèse que nous avancions dès le printemps pour notre part), le retour de la récession dans la zone euro est devenu une certitude.

Comme convenu, les montagnes russes perdurent.

Source : Bloomberg

Dans ce cadre, les profits des entreprises vont forcément s’en trouver affectés. D’où moins de dividendes et a priori moins d’appétence pour les marchés boursiers.

Le rebond récent de ces derniers pourrait donc apparaître paradoxal. Il est pourtant assez logique. Et ce, pour au moins quatre raisons.

Une dégringolade excessive, qui appelle une correction.

Source : Factset

Premièrement, cette remontée constitue une correction de la baisse excessive de l’été dernier. En effet, cette dégringolade s’appuyait sur un scénario catastrophe de défaut de plusieurs pays de la zone euro, voire d’une explosion à moyen terme de cette dernière. Dans la mesure où ce cas de figure extrême a été évité, les marchés boursiers ont donc logiquement rattrapé une partie du retard accumulé cet été. Il faut d’ailleurs noter qu’au regard de l’écart toujours important entre les capitalisations boursières et le niveau des fonds propres, ce rattrapage est loin d’être terminé.

Deuxièmement, après avoir fait craindre le pire il y a encore quelques mois, les cours des matières premières ont nettement baissé. Ce repli engendre deux avantages. D’une part, il limite les pressions inflationnistes à venir. D’autre part, il favorise la croissance des prochains trimestres.

Le repli du baril reste une bonne nouvelle pour la croissance et les marchés boursiers.

Source : Bloomberg

Troisièmement, après avoir retrouvé des niveaux prohibitifs lors de l’été dernier, l’euro est reparti à la baisse. Et, même si cette dépréciation est encore insuffisante pour permettre à l’économie de repartir fortement, elle devrait alimenter l’optimisme sur les marchés boursiers. Il ne reste plus qu’à espérer que le rebond récent de l’euro/dollar ne sera pas trop important et surtout trop long.

L’euro doit encore se déprécier pour éviter une récession durable.

Sources : Eurostat, Bloomberg

Quatrièmement, compte tenu de l’ensemble de ces évolutions positives, la croissance eurolandaise devrait progressivement s’améliorer. Seul bémol, elle retrouvera la récession au second semestre. Les comptes nationaux du troisième trimestre, qui seront connus le 15 novembre, devraient d’ailleurs faire état d’une baisse du PIB eurolandais d’environ 0,2 %. Après une remontée appréciable, les cours boursiers pourraient donc repartir à la baisse avec la publication de cette statistique. Il s’agira alors d’un point d’entrée intéressant pour profiter d’un dernier rallye de fin d’année. Et ce notamment, parce qu’en dépit de ses difficultés récentes, l’économie américaine évitera la récession et connaîtra une croissance stabilisée autour des 1,8 %.

Bien que limitée, la croissance mondiale restera un rempart contre la morosité boursière.

Source : Bloomberg

 


En conclusion, après avoir sur-réagi à la baisse en prévision d’un scénario catastrophe, les marchés boursiers devraient terminer l’année sur une note globalement positive (autour des 3500 points pour le CAC 40). Ils resteront néanmoins chahutés par une forte volatilité.

 

Marc Touati


 


Les évènements à suivre du 17 au 21 octobre :


Stabilisation de l’inflation outre-Atlantique.

 


L’actualité économico-statistique sera dense cette semaine outre-Atlantique. Nous suivrons la production industrielle (lundi) ainsi que les chiffres de l’inflation et des mises en chantier (mercredi). Pour finir, nous prendrons connaissance jeudi de l’indicateur avancé du Conference Board.

 

De ce côté de l’Atlantique nous suivrons en Allemagne l’indice ZEW du sentiment économique (mardi) ainsi que l’indice IFO du climat des affaires (vendredi).

 

Enfin, nous connaitrons mardi le PIB Chinois pour le troisième trimestre.

 

Lundi 17 octobre, 15h15 (heure de Paris) : la production industrielle américaine retrouve quelques couleurs en septembre.

Après un petit 0,1 % de progression au deuxième trimestre, la production industrielle américaine s’est reprise en juillet (+0,9 %) mais a ralenti en août (+0,2%). Pour le mois de septembre cette dernière devrait retrouver quelques couleurs pour augmenter de 0,3 %. C’est en effet ce qu’indique l’indice production de la dernière enquête ISM dans le