Zone euro, BCE, emploi US : les écarts se creusent. (E&S n°186)

 

Humeur :

Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Mais à quoi jouent les dirigeants politiques et monétaires de la zone euro ? Depuis déjà une décennie, ils semblent prendre un malin plaisir à cumuler les erreurs stratégiques. Ces dernières ont notamment conduit à réduire la croissance structurelle eurolandaise, qui est passée de 2,5 % au début des années 1990 à 2 % dix ans plus tard et à environ 1,3 % aujourd’hui. Dans le même temps, le taux d’investissement a baissé, atteignant un plus bas de19 % depuis 2009, contre 22 % en 2000. Ce mouvement a grippé durablement le cercle vertueux « investissement-emploi-consommation». Conséquence logique de cette dégradation, le taux de chômage est passé de 8,2 % en 2001 à plus de 10 % actuellement.

Le pire est que ces piètres résultats ont été réalisés en dépit d’une forte augmentation des dépenses publiques. En effet, de 46 % en 2000, leur poids dans le PIB atteint désormais plus de 50 %. Et encore, cet accroissement aurait pu être bien plus grave, si les Allemands n’avaient réduit le poids de leurs dépenses publiques à 46 %, contre, par exemple, 57 % pour la France. Dès lors, les comptes publics eurolandais n’ont cessé de se dégrader, générant une dette publique pléthorique qui frôle aujourd’hui les 90 % du PIB, contre 69 % en 2000. A l’évidence, le bilan économique de la zone euro au cours des dix dernières années est loin d’être positif.

Et pour ceux qui croient ou essaient de faire croire que plus l’économie va mal, plus la bourse se porte bien, il faudra simplement ajouter que l’indice EuroStoxx 50 est passé de 5 460 points en mars 2000 à environ 2 100 points actuellement. En d’autres termes, si la croissance structurelle de la zone euro a été divisée quasiment par deux, l’indice boursier eurolandais a chuté de plus de 60 %. De quoi rappeler que l’évolution des marchés boursiers reflète généralement bien la réalité économique. Et celle-ci est donc loin d’être glorieuse au sein de l’Union Economique et Monétaire (UEM).

De surcroit, comme si ces échecs cuisants ne suffisaient pas, les dirigeants eurolandais continuent de déraper et semblent tout faire pour casser définitivement la croissance, l’emploi et l’existence même de l’UEM. Cette tendance à l’autodestruction s’est intensifiée depuis 2007. En effet, alors que la crise des subprimes éclatait et que l’avenir du monde développé s’obscurcissait, les « responsables » eurolandais ont continué de faire comme si de rien n’était et ont poursuivi leurs stratégies de l’échec. Or, si ces dernières plombaient déjà l’économie de la zone lorsque la croissance mondiale était appréciable, la situation ne pouvait qu’empirer en phase de crise, puis de récession internationale. Ainsi, alors que le monde essayait d’éviter la catastrophe, les dépenses publiques eurolandaises continuaient d’augmenter et la BCE s’acharnait à resserrer son étreinte monétaire. En conséquence, l’euro s’est fortement apprécié, le dollar a chuté et les matières premières ont commencé à flamber. L’UEM s’est alors enfoncée dans la récession dés le deuxième trimestre 2008 et s’y est ensuite installée jusqu’en 2009. Bien sûr, les autorités monétaires et politiques ont réagi en 2008-2009, mais, après avoir mis le feu aux poudres, cela était bien la moindre des choses.

D’ailleurs, cette réaction positive ne fut que de courte de durée, puisque dès le printemps 2009, les vieux démons du dogmatisme sont revenus en force au sein des instances dirigeantes eurolandaises. Tout d’abord, à l’inverse de ses consœurs occidentales qui ont tout fait pour soutenir la croissance, la BCE a refusé de baisser son taux refi sous les 1 %. Cela n’a pas manqué de relancer l’euro à la hausse et de freiner la petite reprise qui s’esquissait. Parallèlement, les dirigeants politiques ont continué d’accroître les dépenses publiques dans tous les sens sans réussir à engendrer une croissance au moins égale à la charge annuelle des intérêts de la dette publique. La bulle de la dette s’est donc installée dans l’ensemble des pays de la zone, à l’exception de l’Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas. Comme toujours, le les pays les plus fragiles ont été le premiers visés, à commencer par la Grèce. Et là aussi, alors qu’il aurait été possible de régler le problème en quelques jours, comme le fit Abu Dhabi avec Dubaï quelques mois plus tôt, les dirigeants eurolandais ont laissé pourrir la situation. Pour ne rien arranger, la BCE a commencé à agiter le chiffon rouge du resserrement monétaire et a même augmenté par deux fois son taux refi en 2011, alors que la croissance commençait à reculer et que la crise grecque redoublait d’intensité. A croire que les dirigeants eurolandais avaient vraiment envie de faire replonger la zone euro dans la crise et la récession.

C’est donc ce qui s’est logiquement produit au cours de l’été dernier. Et, une fois encore, plutôt que de prendre le taureau par les cornes et d’essayer de stopper l’hémorragie, ces mêmes dirigeants ont mis de l’huile sur le feu, laissant planer le doute sur la pérennité de la zone euro. Face à un tel degré d’incompétence, les marchés se sont alors engouffrés, dans la brèche et se sont effondrés sans filet. Le problème est que, compte tenu de l’ampleur des dégâts boursiers, les conséquences économiques risquent d’être lourdes au sein de l’UEM. Et ce notamment en matière de financement de l’économie par les banques, qui va forcément s’avérer de plus en plus parcimonieux. Or, qui dit moins de crédits, dit moins d’investissements et de consommation, moins de croissance, plus déficits et plus de dettes publiques. Le cercle infernal dans lequel est tombée la zone euro semble donc loin d’être terminé. Pis, face à cette catastrophe annoncée et inévitable si rien ne change, les dirigeants eurolandais continuent de rester inactifs.

Il faut donc être clair : la balle est dans le camp des « responsables » politiques et monétaires de l’UEM. Ils doivent absolument « sonner la fin de la récré », en s’unissant et en affirmant d’une voix commune que la zone euro est inaliénable et que la Grèce y a bien sa place. Dans ce cadre, aidé également par la baisse de l’euro, nous sortirons de la récession dès le début 2012 et les marchés boursiers rebondiront nettement. A l’inverse, si le cockpit de l’avion eurolandais reste sans pilote et si nos dirigeants continuent d’entretenir la confusion, en laissant planer le doute sur la stabilité de la zone euro, il faut se préparer à un crash sans précédent. Mesdames et Messieurs les gouvernants, prenez donc enfin vos responsabilités et arrêtez le massacre !

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Marché du travail américain : un léger mieux.


Les chiffres de l’emploi du mois d’août avaient fait l’effet d’une douche froide. En effet, alors qu’environ 68 000 nouveaux postes étaient attendus la job machine américaine n’en avait généré aucun selon le rapport du 2 septembre. Heureusement ce mauvais chiffre vient d’être corrigé pour finalement révéler 57 000 créations d’emplois.

Pour le mois de septembre, bien qu’étant loin de son rythme de croisière la job machine retrouve néanmoins quelques couleurs puisqu’elle a créé 103 000 emplois contre 55 000 attendus par le consensus.

Les secteurs traditionnellement vecteurs d’emplois ont bien joué leur rôle. A commencer par le secteur privé qui a généré 137 000 emplois sur la période après + 42 000 en août. Il est important de souligner que la bonne performance du secteur privé en septembre a bénéficié de la fin de la grève des 45 000 employés de chez Verizon qui avait amputé significativement les chiffres du secteur en août.

Le secteur des services qui a créé  119 000 nouveaux postes se distingue encore, avec une mention particulière pour les services aux entreprises (+48 000 emplois). Par ailleurs, le secteur du détail retrouve des couleurs puisqu’il redevient créateur net d’emplois (+14 000 nouveaux postes après en avoir détruit 1 000 en août).

Au registre des bonnes nouvelles, il faut noter que le secteur de la construction a généré 26 000 nouveaux emplois après 7000 destructions de postes en août.

En revanche, et ce n’est pas véritablement une surprise, le secteur manufacturier a détruit 13 000 emplois en septembre confirmant la faiblesse de l’industrie aux États-Unis. Enfin, après une relance Keynésienne le désengagement progressif de l’Etat se confirme avec 34 000 destructions d’emplois dans le secteur public.

L’Oncle Sam peut dire merci au secteur privé.

Sources : Bureau of Labour Statistics, Bloomberg

Parallèlement, le taux de chômage ne recule toujours pas, affichant un niveau élevé de 9,1 % depuis trois mois consécutif. En effet, les principaux moteurs de la croissance outre-Atlantique, à savoir l’investissement des entreprises et la consommation des ménages, ne jouent pas complètement leurs rôles.


Le taux de chômage ne baisse toujours pas…

Sources : BLS, Datastream

Par ailleurs, le glissement annuel de l’emploi progresse légèrement mais reste faible avec un niveau de +1,15 % YoY en septembre après 1,05 % YoY en août.

Pour les mois à venir, l’évolution de l’emploi ne devrait toutefois pas faire d’étincelles. En effet, si l’indice emploi de l’indicateur ISM manufacturier a gagné deux points en septembre passant de 51,8 à 53,8, son équivalent dans les services est passé sous la barre des 50 à 48,7. Les États-Unis étant à 75 % une économie de services le poids de ce dernier indicateur avancé est donc prépondérant.

Les enquêtes ISM confirment que l’emploi est encore loin de sa vitesse de croisière.

Sources : BLS, ISM, Datastream

D’autre part, les salaires restent faibles en septembre (+0,2 % pour le salaire horaire moyen et +0,5 % pour le salaire hebdomadaire moyen) portant leurs glissements annuels à + 1,9 % et 2,1 %. Enfin, le nombre d’heures travaillées progresse légèrement passant de 34,2 en août à 34,3 en septembre

Si les chiffres de septembre indiquent un léger mieux, l’emploi aux Etats-Unis restera faible en phase de reprise économique. En effet le taux de chômage devrait afficher un niveau de 9 % en moyenne cette année.

Jérôme Boué


 

La météo économique de la semaine écoulée :

 


 


Les Marchés:

BCE : please, never again !


Pour son départ en retraite bien mérité, Jean-Claude Trichet aurait pu essayer de se faire pardonner en engageant une baisse du taux refi de la BCE ou au moins en laissant en entrevoir une à court terme. Malheureusement et sans véritable surprise, le futur ex-Président de l’Institut francfortois est resté droit dans ses bottes, préférant le dogmatisme et le mépris plutôt que le pragmatisme et la conciliation.

Son héritage pourrait ainsi être résumé par la célèbre locution latine : Errare humanum est, perseverare diabolicum. Car, ce n’est pas une, ni deux, ni même trois erreurs que la BCE a réalisé au cours des huit dernières années, mais une bonne quinzaine.

L’énumération de ces dernières serait évidemment trop longue. Aussi, rappelons-nous simplement les plus « cuisantes ».

L’erreur est humaine, persévérer est diabolique…

Sources : Eurostat, Commission Européenne, Bloomberg

Dès l’automne 2003, fraîchement nommé, M. Trichet refusa d’abaisser le taux refi sous les 2 %, alors que la zone euro ne parvenait pas à sortir de la léthargie et que l’Allemagne sombrait dans une récession historique. Cet assouplissement aurait pourtant été justifié par le fait que l’inflation restait largement sous les 2 %. Qu’à cela ne tienne, la croissance molle perdura jusqu’en 2006…

Mais si la BCE avait mis tant de temps à assouplir son étreinte en 2002, puis avait refusé de soutenir la croissance en 2003, elle se précipita pour augmenter ses taux directeurs dès le moindre signe d’amélioration de l’activité en 2006. Dès lors, la croissance écrêta très rapidement et ne parvint pas à rattraper le retard accumulé au cours des années précédentes.

Ces deux erreurs majeures n’étaient cependant rien par rapport à celles qui allaient suivre. Ainsi, en 2007, alors que la crise des subprimes éclatait et que la croissance eurolandaise commençait déjà à reculer, la BCE continua d’accroître ses taux directeurs.

Pis, en 2008, la BCE atteignit le sommet de l’erreur, en augmentant encore son taux refi, alors que l’UEM était en train de plonger dans sa plus grave récession.

Le taux de chômage explosa alors à la hausse mais la BCE demeura sourde aux risques sociaux.

Un taux de chômage au plus haut, et alors ?

Sources : Eurostat, Bloomberg

Bien sûr, lors de l’explosion de la crise financière consécutive à la faillite de Lehman Brothers, la BCE s’est enfin décidée à réagir dans le bon sens. Mais face à un tel marasme, qui n’en aurait pas fait autant ?

Pourtant, toujours fier du travail accompli, l’Institut francfortois décida de figer le taux refi à 1 %, alors que toutes les autres banques centrales du monde développé amenèrent leurs taux directeurs centraux entre