Banques, Grèce, Zone Euro, USA : Ca va encore secouer… (E&S n°183)

 

Humeur :

Et si la Grèce sortait de la zone euro ?

Comme dit le dicton « quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la rage »… Ainsi, alors que la crise de la dette publique grecque dure depuis bientôt deux ans et qu’elle paraît de plus en plus inextricable, un nombre croissant d’économistes, d’hommes politiques et d’observateurs en tous genres laisse croire que la sortie de la Grèce de la zone euro pourrait résoudre tous nos problèmes. A les entendre, cette issue permettrait non seulement de mettre un terme à la crise eurolandaise, mais aussi aux déboires grecs. Leur argumentation paraît imparable : en sortant de l’UEM, la Grèce en profiterait pour engager un moratoire de sa dette publique qu’elle négocierait « sereinement » avec ses créanciers, tout en dépréciant fortement sa devise (redevenue la drachme), ce qui lui assurerait ensuite une meilleure compétitivité prix et redorerait le blason de sa croissance. Dans le même temps, une fois l’abcès percé, la zone euro sortirait de l’incertitude et pourrait reprendre son cours normal, sans le « boulet grec »…

Si cette théorie peut apparaître séduisante, elle n’en demeure pas moins erronée et surtout dangereuse. Tout d’abord, cette stratégie que l’on pourrait qualifier du « bouc émissaire » oublie une réalité fondamentale : la crise en question ne se résume pas aux seules difficultés hellènes, mais concerne l’ensemble de la zone euro. Et pour cause : au sein de cette dernière et à l’exception de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg, aucun pays ne parvient à réaliser une croissance économique suffisante ne serait-ce que pour rembourser les intérêts de sa dette publique. Et ce, depuis quatre ans. Il ne s’agit donc pas d’un accident conjoncturel mais d’une donnée structurelle. D’ailleurs, compte tenu du ralentissement qui s’installe dans la zone euro et qui pourrait même se transformer en récession, l’Allemagne et les Pays-Bas rejoindraient, à leur tour, le peloton des « mauvais élèves ».

Autrement dit, que la Grèce soit ou ne soit pas dans la zone euro, la crise de la dette publique continuera de plus belle, dans la mesure où la croissance reste trop faible. A la rigueur, si la Grèce sort de l’UEM et que l’euro s’apprécie de nouveau, cela cassera encore un peu plus l’activité économique, alimentera les déficits publics et fera encore gonfler la bulle de la dette.

En outre, il ne faut pas oublier qu’il n’est pas prévu par le Traité de l’UEM qu’un pays soit exclu de cette dernière. Seule la Nation en question peut décider de sa sortie, de manière souveraine. Ni l’Allemagne, ni aucun autre Etat eurolandais ne pourront donc décider d’exclure la Grèce. Et quand bien même, cette dernière accepterait de quitter le navire, cela se traduirait par une asphyxie générale de son économie et par l’impossibilité de financer ses déficits publics. Il est effectivement inévitable que si les créanciers doivent subir un moratoire, ils ne se précipiteront pas pour acheter de nouveau des obligations de l’Etat grec. Le pays s’enfoncerait donc dans une spirale infernale tant d’un point de vue économique, financier et surtout social. N’oublions pas que la faillite de l’Argentine a suscité une crise sociale de presque dix ans, qui n’est d’ailleurs toujours pas complétement finie.

Dans ce cadre, un tel marasme pourrait amener la Grèce à choisir des solutions extrêmes, par exemple en trouvant un « chevalier blanc » qui assurerait sa stabilité financière en échange de certains actifs. Car, en dépit de ce que l’on entend ici ou là, ces derniers sont nombreux en Grèce (les ports, les aéroports, les autoroutes, les sites touristiques…). Ayant déjà commencé à s’y implanter, la Chine pourrait très bien jouer ce rôle. Après s’être imposé en Asie et en Afrique, l’Empire du Milieu arriverait ainsi en force sur le Vieux Continent. Au-delà de l’avantage géostratégique pour la Chine, cela permettrait également à la Grèce de sortir de la zone euro sans trop de dégâts.

Dès lors, ce choix pourrait faire tâche d’huile et tenter d’autres pays eurolandais, à commencer par le Portugal et pourquoi pas l’Espagne, qui avec des taux de chômage de respectivement 12 % et 21 % sont déjà au bord de la crise sociale. L’effet domino tant redouté pourrait alors s’imposer, entraînant la zone euro dans un « trou noir » dévastateur.  

En fait, même si la Chine ne venait pas à la rescousse de la Grèce, il est clair qu’une sortie de cette dernière de la zone euro créerait un précédent et entraînerait l’UEM dans une phase d’incertitude majeure. Or, si les banques européennes peuvent faire face à un défaut de la Grèce, elles ne pourraient supporter une crise eurolandaise généralisée. Des faillites bancaires se produiraient alors, aggravant encore la situation économique de l’ensemble de la zone euro et entraînant cette dernière dans une crise sociale sans précédent, et pour longtemps…

En conclusion, la sortie de la Grèce de la zone euro n’est pas la solution miracle. Loin s’en faut. Pour sortir véritablement de la crise, il faut engager de front une triple démarche. La première est d’ordre politique et consiste à afficher une unité crédible (et pas seulement de façade) pour confirmer au monde que les Etats eurolandais refusent becs et ongles une explosion de la zone euro. Il faut avouer que les déclarations du ministre allemand de l’économie du week-end dernier n’ont pas été dans ce sens et ont, bien au contraire, mis le feu aux poudres.

La seconde stratégie est économique et doit mettre en œuvre une politique de soutien appuyé en faveur de la croissance, notamment via un niveau de l’euro plus normal (c’est-à-dire vers les 1,20 dollar), une étreinte monétaire assouplie et une politique budgétaire efficace à l’échelle de l’Union.

Enfin, parallèlement à ce double sauvetage, la Grèce doit aussi engager une profonde réforme de son économie, notamment sur le front de la réglementation, des dépenses publiques et des recettes fiscales.

Tant que les dirigeants de la zone euro ne sauront pas mettre en pratique ces trois stratégies de bon sens, l’UEM restera menacée et les risques de contagion iront croissants. La bonne nouvelle est donc que la solution existe. La mauvaise est que les dirigeants eurolandais ne semblent pas disposés ou tout simplement capables de la mettre en œuvre. Les mesures prises jeudi dernier vont dans le bon sens. Il faudra maintenant transformer l’essai…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

 Etats-Unis : le ralentissement continue et l’inflation ne dérape pas.

 


Les principaux moteurs de la croissance américaine et notamment la consommation des ménages, tournent encore au ralenti confirmant la faiblesse de la reprise outre- Atlantique.

Ainsi, les ventes au détail pour le mois d’août déçoivent à leur tour. En effet, alors qu’une petite hausse de 0,2 % était attendue par le consensus, ces dernières ont affiché une croissance nulle sur la période. Hors transport, leur progression reste faible a +0,1 %.

Les statistiques nous indiquent que les ventes de vêtements reculent encore (-0,7%) et que les ventes dans le secteur automobile, qui avaient progressé de 0,2 % en juillet, ont reculé de 0,3 % en août. Enfin les ventes de meubles ont régressé de 0,2 % sur la période. Il faut toutefois noter que le secteur des matériels électroniques tire encore son épingle du jeu puisque après une hausse de 1,2 % en juillet, il progresse de 0,5 % en août.

Il est vrai que les ventes au détail ont été fortement pénalisées par les 8000 destructions nettes d’emplois dans le secteur en août.

En glissement annuel ces dernières affichent un niveau de +7,2 % en août après +8,3 % en juillet.

En dépit de la baisse du baril de pétrole en août qui a soutenu le pouvoir d’achat, les dépenses des ménages américains ne jouent plus leur rôle moteur.

La consommation des ménages à la peine.

Sources : Dept of Commerce-Bureau of Census, BEA, Datastream

Parallèlement la production industrielle qui avait progressé de 0,9 % en juillet, ralentit pour afficher un petit +0,2 % en août portant son glissement annuel à +3,4 %.

Cette contre-performance est essentiellement due à une baisse de 3 % de la production dans le secteur public. En effet, après une relance keynésienne qui a largement bénéficié à l’industrie américaine, le désengagement progressif de l’Etat comme à impacter l’économie.

En revanche, on observe une hausse de 1,2 % dans le secteur minier et de + 0,7 % de la production d’équipements de bureaux.

La production manufacturière reste quant à elle consistante avec une progression de 0,5 % tirée par le secteur automobile (+1,7 %) et les secteurs informatique et électronique (+1,3 %).

Enfin, le taux d’utilisation des capacités de production affiche une petite hausse passant de 77,3 % à 77,4 % en août.

La production industrielle reste molle.

Sources : Federal Reserve, Datastream

Par ailleurs, tirés par la baisse des matières premières et notamment énergétiques, la progression des prix à la consommation a légèrement ralenti avec une hausse de 0,4 % en août contre +0,5 % en juillet. Cependant, comme les prix n’avaient augmenté que de 0,2 % en août 2010, leur glissement annuel mesurant l’inflation affiche un niveau de +3,8 % contre +3,6 % en juillet.

Hors énergie et alimentation, l’inflation progresse également atteignant un niveau de +2 % contre +1,8 % en juillet.

L’inflation reste toutefois sous contrôle outre-Atlantique et devrait atteindre +2,9 % cette année en moyenne annuelle pour tomber à + 1,8 % en 2012.

En revanche, et c’est une bonne nouvelle, les prix à la production ont affiché une croissance nulle en août portant leur glissement annuel à + 6,5 % contre +7,2 % en juillet. Hors énergie et alimentation ces derniers sont restés stables à un niveau de +2,5 %.


 

L’inflation progresse mais ne dérape pas.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream


 

A l’image des statistiques publiées cette semaine, le ralentissement de la croissance se poursuit aux Etats-Unis et le PIB ne devrait finalement croître que de 1,7 % cette année.

 

Jérôme Boué

 



La météo économique de la semaine écoulée :

 

 



Les Marchés:

Que vont devenir les banques françaises ?


Si la dégradation des banques françaises par Moody’s était attendue, celle qui a finalement été décidée est loin d’être aussi catastrophique qu’annoncée par certains. En effet, depuis quelques jours, les pires scénarii étaient avancés : dégradation de la notation de trois crans pour toutes les banques, quasi-faillite d’une d’entre elles,… Tout y est passé.

Or, bien loin de ce marasme annoncé, Moody’s n’a dégradé que deux banques (Société Générale et Crédit Agricole) sur leur dette à long terme et, en plus, de seulement un cran.

Dans la mesure où ces banques étaient parmi les mieux notées de la zone euro, elles ne font ainsi que revenir au niveau de la grand majorité de leurs homologues eurolandaises, BNP Paribas restant au-dessus du lot.

Pourtant, en dépit de ces relatives bonnes nouvelles, les cours boursiers des trois grandes banques françaises ont continué de reculer. Depuis le début 2011, leur chute est impressionnante : -54 % pour la Société Générale, -42 % pour le Crédit Agricole et -36 % pour BNP Paribas. Mais, si on élargit un petit peu l’horizon en remontant à septembre 2008, il ne s’agit plus d’une chute mais d’un écroulement exceptionnel : respectivement -71 %, -61 % et -50 %.

De plus, si en 2008-2009, leur dégringolade boursière pouvait s’expliquer par une prise de risque excessive et mal contrôlée, ainsi que par une crise de liquidités, il n’en est rien aujourd’hui. Depuis 2009, les banques françaises ont effectivement réduit leur exposition aux risques en tous genres, que ce soit en termes de crédit que de marchés.

Une chute vertigineuse tant depuis le début 2011 que depuis 2008…

Sources : Bloomberg, Calculs Assya Compagnie Financière

Dans ce cadre, les banques françaises deviennent particulièrement bon marché et pourraient par là même constituer des proies faciles pour tous types de prédateurs, notamment étrangers. Les capitalisations boursières de ces trois fleurons de la finance française sont d’ailleurs sans appel, dans la mesure où elles ne représentent qu’une partie congrue de leur fonds propres : 51 % pour BNP Paribas, 31 %