Bourses, emploi US : la crise n’est pas finie… (E&S n°181)

 

Humeur :

Marre d’être manipulés !

« Ce que je sais c’est que je ne sais rien ». En ces temps troublés, il serait bon que chacun médite régulièrement cette phrase du philosophe Socrate. En effet, qu’ils soient dirigeants politiques, banquiers centraux, agents de notation, politologues, économistes, financiers, analystes en tous genres ou encore météorologues, il est frappant de voir avec quelle facilité et quelle rapidité, la grande majorité de ces soi-disant « sachants » ne cesse de se tromper et de lancer des contre-vérités, parfois lourdes de conséquences. L’été qui vient de s’écouler nous en a encore fourni des exemples flagrants.

Le plus récent réside dans les craintes sur le cyclone Irène qui, aux dires des experts américains, devait dévaster la Floride. Mais il n’en fut rien. Puis, ce fut au tour de Manhattan d’être l’objet de toutes les inquiétudes. A en croire les spécialistes et même le Maire de New York, le « Hurricane Irene », pourtant rétrogradé en catégorie 1, était en mesure de balayer les gratte-ciels new-yorkais…Finalement, les plus gros dégâts ont été enregistrés dans le Vermont, qui était pourtant présenté comme peu vulnérable, à tel point qu’aucun plan d’évacuation n’y avait été décidé… La période des cyclones venant de commencer outre-Atlantique, cela promet encore pas mal d’atermoiements et de grosses frayeurs. Espérons simplement que les erreurs à venir ne seront pas coûteuses en vies.

Comme nous le rappelons régulièrement, les économistes ont été créés par solidarité avec les météorologues, afin que ces derniers ne soient pas les seuls à se tromper. Il existe donc un parallèle naturel entre les erreurs des « Monsieur Météo » autour du cyclone Irène et celles des économistes, analystes et autres financiers autour de la crise de cet été. Et pour cause : tout et n’importe quoi a été dit sur les dettes publiques européennes et américaines, si bien que moins de trois ans après le cyclone de catégorie 5, Lehman Brothers, un nouvel ouragan était sur le point de détruire une bonne partie de la planète financière internationale. Tout ça pour quoi ? Parce que, dans un bureau new-yorkais, quelques « professeurs Nimbus » en puissance ont choisi de dégrader la note de la dette publique américaine de AAA à AA+.

Dans un contexte estival de faibles volumes d’échanges sur les marchés boursiers internationaux, et après avoir été déjà largement alimentée par la crise grecque, la spéculation s’est alors emballée, si bien qu’il paraissait impossible de stopper l’hémorragie. Toutes les rumeurs les plus folles se rependaient, alimentant le plongeon des bourses mondiales. En quelques jours, des entreprises saines, affichant des profits élevés et n’ayant rien à voir, de près ou de loin avec la dette publique américaine, voyaient leurs cours s’effondrer dans des proportions démesurées.

Face à de tels mouvements excessifs, il faut constamment se demander « à qui profite le crime ? ». Et ce d’autant qu’au plus fort de la dégringolade boursière, les principaux ordres de vente ne venaient pas des Institutions financières traditionnelles, mais plutôt de fonds d’investissement très court-termistes ayant intérêt à alimenter la volatilité. Dès lors, à partir du moment où les cours boursiers devenaient vraiment trop bas et sans véritable justification économique, ces mêmes fonds ont racheté massivement les actions qu’ils avaient tant vilipendées quelques jours plus tôt. Comme souvent, nous avons donc été manipulés. De là à imaginer qu’il s’agit d’une manœuvre orchestrée par la CIA pour affaiblir l’Europe, il y a néanmoins un fossé à ne pas franchir. De quoi rappeler combien le fonctionnement des marchés reste encore mal compris par le plus grand nombre.

Car, ne l’oublions pas : la spéculation ne tombe pas du ciel. Elle commence toujours à cause d’un mobile objectif. Ainsi, si la crise de la dette publique a explosé dans la zone euro, ce n’est pas parce que l’Oncle Sam l’a décidé, mais parce que la politique économique menée dans l’UEM a été constamment inefficace, générant de plus en plus de dette publique et de moins en moins de croissance. Et, sauf à penser que Jean-Claude Trichet et les dirigeants politiques eurolandais soient des agents de la CIA, cela n’est pas de la faute des Etats-Unis. En outre, si la crise avait été commanditée par ces derniers, pourquoi auraient-ils demandé à une agence de notation de dégrader leur propre dette publique ? Si la manipulation financière existe, il faut donc arrêter de laisser croire qu’elle serait le fruit d’un grand complot international. Cela rappelle d’ailleurs de tristes moments de l’histoire du vingtième siècle et montre comment certaines dérives dangereuses peuvent revenir sans crier gare… Pour autant, il est clair que les conditions dans lesquelles l’abaissement de la note de la dette américaine a été décidé sont particulièrement opaques. Elles font d’ailleurs l’objet d’une enquête de la SEC, notamment parce que la chute des cours boursiers s’est bizarrement intensifiée quelques jours avant l’annonce de cette dégradation.

En fait, ces évolutions rappellent simplement que les risques de manipulations sont permanents et que le seul moyen de les éviter réside dans une meilleure connaissance des mécanismes économiques et surtout une grande prise de recul par rapport aux annonces des dirigeants politiques et des « experts ». La liste des « forfaitures » serait trop longue pour être dressée. Ne serait-ce que depuis le début d’année, que n’avons-nous pas entendu : « l’hyper-inflation va s’installer en Europe, le taux de chômage français va passer sous les 8 %, les déficits publics de la France et de l’ensemble de la zone vont se réduire fortement, la crise grecque n’est pas une crise de la zone euro, il n’y aura pas d’effet de contagion aux autres pays eurolandais, la croissance va dépasser les 2 % dans l’Hexagone et dans l’UEM en 2011… » Bref, tout était faux.

Pour notre part, si nous avons réussi à dénoncer ces contre-vérités, parfois seuls contre tous, nous avons également commis quelques erreurs, notamment sur la flambée des cours de l’or et le ralentissement de la croissance américaine, qui ont été plus forts que prévu. Plus que jamais et à l’instar de Socrate, il faut donc faire preuve d’humilité et de retenue, non seulement en matière de prévisions mais aussi de comportement global. Espérons que les dirigeants politiques et monétaires, ainsi que tous les soi-disant « sachants » de la planète sauront s’en souvenir. En attendant, et pour éviter d’être trop manipulés, rappelons-nous simplement que sur la plupart des annonces de ces derniers, il n’y a qu’environ 20 % de vrai…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Job machine américaine : zéro pointé !


A l’image de la petite croissance américaine pour une phase de reprise économique les chiffres de l’emploi du mois d’août ne font pas d’étincelles.

Ainsi après avoir créé seulement 85 000 postes en juillet la job machine américaine s’est brusquement arrêtée au mois d’août en ne créant pas d’emplois alors que le consensus en prévoyait 68 000.

Le détail statistique nous indique que les secteurs généralement porteurs ont tourné au ralenti. Ainsi après avoir créé 156 000 emplois en juillet le secteur privé n’en a généré que 17 000 en août et seulement 20 000 pour les services contre 104 000 attendus en juillet. En revanche les services aux entreprises restent stables avec 28 000 emplois créés comme en juillet.

Si les 17 000 destructions d’emplois dans le secteur public ne sont pas étonnantes, en revanche la mauvaise surprise provient du secteur manufacturier et du commerce de détail qui ont respectivement détruit 3 000 et 8 000 emplois en août.

Il est important de souligner que la grève de 45 000 employés de l’opérateur de télécommunications Verizon a largement contribué aux destructions d’emplois sur la période.

Le secteur privé marque le pas.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Bloomberg

Parallèlement, le glissement annuel de l’emploi reste faible affichant un niveau de +0,97 % YoY en août après 0,92 % YoY en juillet.

De surcroit après avoir fortement reculé en juillet, l’indice emploi des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière s’est encore replié en août pour afficher un niveau de 51,8. L’indice ISM relatif à l’emploi (attendu le mardi 6 septembre) dans les services devrait également régresser en août.

En d’autres termes le marché du travail restera particulièrement faible dans les mois à venir.


La faible croissance pénalise l’emploi.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream

En revanche, le taux de chômage qui avait atteint 9,2 % en juin puis affiché un petit recul en juillet (9,1%) s’est stabilisé à ce niveau en août. Si le cercle vertueux investissement-emploi-consommation est bien en place outre-Atlantique il reste encore très loin de sa vitesse de croisière. En effet, si après une relance Keynésienne l’état se désengage progressivement, force est de constater que  les moteurs privés (l’investissement des entreprises et la consommation des ménages) ne prennent pas véritablement pas le relais.

Le taux de chômage reste stable.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream

D’autre part, après avoir progressé en juillet les salaires ont marqué le pas en août (-0,1 % pour le salaire horaire moyen et -0,4 % pour le salaire hebdomadaire moyen) portant leurs glissements annuels à + 1,9 %. Enfin, le nombre d’heures travaillées qui s’était stabilisé en juillet, indique un petit recul en août à 34,2.

Pour conclure la job machine américaine restera sur un petit braquet cette année et le taux de chômage devrait afficher un niveau de 9 % en moyenne annuelle.

Jérôme Boué

 


La météo économique de la semaine écoulée :

 



Les Marchés:

Bourses : les montagnes russes vont perdurer.

 


4 108 le 10 mai 2011, 3 002 le 10 août, 3 254 sept jours plus tard, 3 016 trente-six heures après et finalement 3 153 le 2 septembre. A l’évidence, l’évolution récente du Cac 40 n’a rien à envier aux plus vertigineuses montagnes russes de la planète.

En fait, cette volatilité extrême n’est pas nouvelle. Elle s’est durablement installée depuis bientôt trois ans et la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008.

Depuis trois ans, les marchés boursiers sont devenus incontrôlables…

Sources : Bloomberg, calculs Assya Compagnie Financière

Pour autant, après une année de relative accalmie, les marchés sont retombés dans une phase d’instabilité extrême qui n’est d’ailleurs pas près de s’arrêter.

Au-delà des traditionnelles manipulations évoquées dans l’Humeur, cette volatilité aggravée s’explique par deux craintes majeures et malheureusement durables.

Une année 2011 complètement folle…

Sources : Bloomberg, calculs Assya Compagnie Financière

Tout d’abord, les investisseurs se demandent si, après la faillite de la troisième banque d’affaires américaine, un État européen ne va pas connaître, lui aussi, une faillite, ou du moins une cessation de paiement. Dès lors, les créanciers de cet Et.at, et notamment les banques européennes, subiront de lourdes pertes et une situation de fort déséquilibre du système bancaire international s’installera comme à l’automne 2008. Mais avec une différence de taille : les Etats de la planète (à part peut-être ceux du monde émergent) n’ont plus les moyens d’engager une relance budgétaire…

Confirmant cette crainte, il faut d’ailleurs noter que le secteur boursier qui a le plus souffert et qui apparaît comme le plus instable est bien celui de la banque. Et pour cause : depuis leurs plus hauts de février dernier, les valeurs financières ont subit une chute de 35 % pour le Stoxx 600 600 et de quasiment 40 % pour le Cac 40.

Les banques à la cave…

Sources : Factset, calculs Assya Compagnie Financière