Humeur :
Dette publique : Don’t stop the party…
Avec la dette publique, c’est un peu comme avec un célèbre liquide vaisselle jaune : « quand il n’y en a plus, il y en a encore… ». En effet, à peine a-t-on résolu, du moins en apparence, la crise de la dette publique grecque, que d’autres crises du même type apparaissent. Bien sûr, tout le monde songe aux négociations autour du plafond de la dette publique américaine. Pour autant, ces dernières relèvent plus du feuilleton hollywoodien à rebondissements, dont les Américains ont le secret, que d’un véritable danger systémique. En effet, les Républicains tentent simplement d’affaiblir au maximum l’Administration Obama, de manière à distancer ce dernier dans la course à
De plus, il ne faut pas oublier que le ratio dette publique/PIB, qui avoisine désormais les 100 % outre-Atlantique, n’est que le rapport entre un stock de dettes et un flux de revenus. Or, comparer un stock à un flux a peu de sens économique. En fait, le véritable enjeu réside dans le comparatif entre le flux de paiement des intérêts de la dette publique et le flux de croissance économique. Et, de ce point de vue, les Etats-Unis sont très loin de la faillite. Et pour cause : la progression de leur PIB en valeur dépasse largement la charge d’intérêts de la dette publique, en l’occurrence 5,2 % contre 1,7 %. En d’autres termes, la bulle de la dette publique ne sévit pas aux Etats-Unis. Pour éviter un tel écueil, ces derniers devront stabiliser leur croissance autour des 2,8 % en volume et des 5 % en valeur, tout en réussissant à réduire leurs déficits publics structurels. Et ce, notamment en réduisant leurs dépenses publiques inefficaces, en particulier celles de fonctionnement.
Car, c’est bien là que se situe l’erreur fondamentale de la politique budgétaire de Barack Obama. Ce dernier a crû qu’il suffisait d’augmenter les dépenses publiques pour relancer la croissance. A croire qu’il a fait une partie de ses études à l’ENA… De 36 % en 2007, la part des dépenses publiques dans le PIB américain est passée à 43 % en 2009 et à 41,5 % en 2010 et 2011. Face à une telle débauche de moyens, on aurait pu s’attendre à un fort rebond du PIB. Malheureusement, il n’en a rien été, puisque la croissance annuelle de ce dernier oscille entre 2 % et 3 % depuis 2009. En d’autres termes, la crise autour du plafond de la dette publique américaine ne fait que sanctionner une erreur stratégique. Une fois le compromis trouvé, il faudra « simplement » que les Etats-Unis retrouvent leur dynamisme en matière de croissance et d’emploi, ce qui ne pourra se faire qu’en maintenant une pression fiscale modérée et en réduisant les dépenses publiques inefficaces. Après s’être européanisé sous l’influence d’Obama, l’Oncle Sam devra donc rapidement « redevenir américain », s’il ne veut pas se faire souffler la place de première puissance économique mondiale par
Mais quand bien même demeureraient-ils fragilisés, les Etats-Unis paraissent peu enclins à disparaître en tant qu’entité économique et financière de premier plan. Un tel avantage n’est malheureusement pas acquis pour la zone euro. C’est en cela que la crise de la dette publique américaine nous apparaît beaucoup moins dangereuse que celle sévissant au sein de l’Union Economique et Monétaire. Certes, les Eurolandais sont parvenus à un « accord historique » le 21 juillet dernier, mais ils n’ont fait qu’éteindre un premier incendie qui aurait dû être circonscrit il y a au moins deux ans. Surtout, ils ont oublié l’essentiel, en l’occurrence la faiblesse structurelle de la croissance de la zone euro et l’absence de gouvernance économique. Bien entendu, le Président Sarkozy nous a promis que des efforts seraient réalisés sur ce dernier point. Cependant, compte tenu de l’importance des effets d’annonce non-suivis d’effets en la matière, nous sommes en droit de craindre qu’il s’agira plus d’ajustements cosmétiques et/ou de marketing que de réformes de fond. Mais, l’essentiel réside dans le fait qu’à la différence des Etats-Unis, quasiment aucun pays de la zone euro ne génère une croissance économique suffisamment forte pour absorber le poids annuel des intérêts de la dette publique. Seuls trois pays font exception à la règle : l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg. Ce résultat n’est évidemment pas le fruit du hasard, mais bien le produit de nombreuses années de réformes structurelles, de modernisations économiques et de réduction des dépenses publiques.
Outre-Rhin, le poids de ces dernières dans le PIB est ainsi passé de 54,8 % en 1995 à 43,6 % en 2007 et seulement 45 % en 2011 en dépit de la crise de 2008-2009. Sur la même période, ce ratio a augmenté plus ou moins fortement dans la quasi-totalité des pays de la zone euro. En Grèce, il est par exemple passé de 43,2 % à 50 % (avec un pic à 53,2 % en 2009). On comprend dès lors pourquoi les Allemands sont si réticents à rester les fourmis qui se sont serrés la ceinture pendant dix ans pour payer les dérapages des cigales. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ces dernières ne se situent pas seulement au sud de l’Europe. Ainsi,
En attendant, la crise de la dette publique fera encore parler d’elle et continue d’ores et déjà d’inquiéter les marchés. D’ailleurs, après une baisse épidermique le 22 juillet, les taux d’intérêt à dix ans des obligations des Etats en difficulté demeurent particulièrement élevés : 10,95 % au Portugal, 6 % en Espagne et 5,85 % en Italie. Quant aux obligations françaises, si leur taux a légèrement baissé, il se situe encore à 3,26 %, soit 66 points de base de plus que celui de leurs homologues allemandes. En d’autres termes, la crise de la dette publique eurolandaise est non seulement loin d’être terminée, mais pourrait susciter de nombreuses mauvaises surprises à très court terme. Les marchés n’ont donc pas été convaincus par les accords « historiques » européens et semblent prêts à reprendre en cœur le refrain des Black Eyed Peas : Don’t stop the party…
Marc Touati
Quid de l’économie cette semaine ?
Croissance américaine : que de déceptions…
La publication des comptes nationaux américains pour le deuxième trimestre représente une déception supplémentaire nous confirmant que la croissance est particulièrement molle en phase de reprise économique.
Ainsi alors que le consensus attendait une progression annualisée de 1,9 % le PIB américain a affiché une croissance de seulement 1,3 % au deuxième trimestre. Par ailleurs après 3,1 % au quatrième trimestre 2010 et 2,2 % au premier trimestre de cette année le glissement annuel du PIB tombe logiquement à 1,6 %.
Pis les chiffres des deux trimestres précédents ont été drastiquement révisés à la baisse (0,4% contre 1,9% pour le deuxième trimestre 2011 et 2,3 % contre 3,1 % au quatrième trimestre 2010).
La contre – performance du deuxième trimestre s’explique essentiellement par un effondrement de la consommation des ménages américains qui n’a progressé que de 0,1 % au deuxième trimestre contre 2,1 % et 3,6 % pour les deux trimestres précédent. Globalement cette dernière n’a contribué qu’à hauteur de 0,07 % de la croissance contre 1,47 % au premier trimestre. En glissement annuel la consommation des ménages affiche un niveau de 1,1% après 1,6 % au premier trimestre. Il faut souligner la baisse de 4,4 % de la consommation de biens durables.
L’Oncle Sam est victime de la faiblesse de la consommation des ménages.
Sources : BEA, Datastream.
Premier moteur de la croissance américaine l’investissement des entreprises reste solide A commencer par l’investissement en équipements et logiciels des entreprises qui affiche une hausse annualisée de 5,7 % deuxième trimestre après une progression de 8,7 % au premier trimestre.
L’investissement des ménages constitue une très bonne surprise puisque après avoir chuté de 2,4 % au premier trimestre il progresse de 3,8 %.
L’investissement des entreprises souffre toujours.
Sources : BEA, Datastream
Par ailleurs les stocks n’ont pas joué le rôle de variable d’ajustement déterminante puisque leur variation n’a contribué qu’à hauteur de 0,18 point à la croissance.
Enfin il faut noter que la petite performance de l’Oncle Sam au deuxième trimestre s’explique dans une moindre mesure par la poursuite de la réduction des dépenses publiques (-1,1 % après -5,9 % au premier trimestre) n’enlevant que 0,23 point à la croissance contre 1,23 point au premier trimestre.
Le fait qu’après une forte relance Keynésienne l’État se désengage progressivement afin de laisser le relais aux moteurs privés est tout à fait logique. Malheureusement ces derniers sont encore très loin de leur vitesse de croisière notamment en ce qui concerne la consommation des ménages.
Parallèlement les ménages américains retrouvent temporairement le moral. En effet après deux mois de baisse consécutifs l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board a progressé de près de deux points en juillet pour afficher un niveau de 59,5 contre 56 attendu par le consensus.Il est vrai que la baisse du baril de pétrole depuis quelques semaines a agi positivement sur le pouvoir d’achat des consommateurs et donc sur leur confiance.
Si l’indice reflétant la situation présente est en très légère baisse à 35,7, les perspectives des ménages qui avaient chuté d’environ 5 points à 71,6 retrouvent des couleurs pour atteindre 75,4.
Le détail statistique est significatif puisque concernant les attentes à six mois tous les postes indiquent une amélioration. A commencer par les créations d’emplois à 16,7 % après 13,8 % en juin, mais aussi les conditions de travail à 17,7 % sans oublier les salaires à 15,7 % contre 14,1 % en juin.
La confiance des ménages américains retrouve des couleurs.
Sources : Conference Board, Datastream
Les perspectives des ménages qui sont bien corrélées avec l’indice de consommation en volume nous confirment que la consommation des ménages ne devrait pas s’écrouler dans les prochains mois.
A l’image du manque de dynamisme des principaux indicateurs économiques avancés la croissance américaine ne fera pas d’étincelles. Ainsi le PIB devrait croitre de 2,9 % cette année et de 2,8 % en 2012 soit tout proche de son niveau structurel à 3%.
Jérôme Boué
La météo économique de la semaine écoulée :
Les Marchés:
L’euro de tous les paradoxes…
La zone euro est définitivement une terre de paradoxe. Elle a été créée pour devenir un espace de croissance forte, mais la progression de son PIB agrégé n’a jamais été aussi faible que depuis sa création. Elle s’est dotée d’une Banque Centrale totalement indépendante, mais cette indépendance a constamment sacrifié la croissance sur l’autel de l’inflation.
La zone euro : peu d’inflation et peu de croissance.
Sources : Eurostat, Datastream
Un de ses principaux objectifs était l’émancipation de la domination des Etats-Unis et du dollar, mais cette dernière a été renforcée depuis le début des années 2000. Enfin, à chaque fois qu’elle s’emploie à résoudre une de ses crises, sa devise s’apprécie, ce qui casse sa croissance, accroît ses déficits et sa dette publique, relançant mécaniquement la crise.
Les dernières tempêtes qui ont bousculé l’UEM l’ont d’ailleurs bien confirmé. En effet, la croissance commençait à peine à se redresser en 2010 que
- L’emploi retrouve quelques couleurs outre-Atlantique.
- Banque-Finance : Secteurs sinistrés ?