FMI, DSK, USA, YEN : Cherchez l’erreur… (E&S n°171)

 

Humeur :

FMI, France, Grèce : la vie après DSK…

Depuis bientôt une semaine, on ne parle quasiment que d’un seul et même sujet, qui occupe au moins la moitié des journaux télévisés, monopolise une bonne partie des sites Internet d’information et dope le tirage des quotidiens nationaux. S’agit-il de la crise grecque ? De la guerre en Libye ? Des émeutes en Syrie ou au Yémen ? Des éventuelles représailles à la suite de la mort de Ben Laden ? Pas du tout. Comme par enchantement, tous ces sujets qui faisaient craindre le pire il y a encore quelques jours ont presque disparu du paysage médiatique.

Ce dernier est donc désormais focalisé sur une seule affaire : l’arrestation de Dominique Strauss Kahn. Bien entendu, compte tenu du poste occupé par celui-ci au moment des faits, en l’occurrence Directeur Général du Fonds Monétaire International, l’information est importante. Et ce d’autant qu’il était également pressenti comme candidat, voire comme vainqueur potentiel, des élections présidentielles françaises de 2012. De là à en faire la préoccupation principale des Français pendant au moins une semaine et certainement encore beaucoup plus, il y a peut-être une « légère » exagération.

Certes, les symboles sont forts. En quelques heures, celui qui était perçu comme l’un des « maîtres » du monde économique et financier se retrouve accusé, humilié et incarcéré dans une cellule de douze mètres carrés. A l’évidence, cela a de quoi calmer l’arrogance et le sentiment d’impunité qui prévalent souvent au sein des élites, notamment françaises. Bien que très difficiles à acquérir, l’humilité et le self control sont certainement les principales qualités que l’on attend d’un dirigeant, quel qu’il soit.

Pourtant, au lieu de relativiser et de prendre du recul, de nombreuses personnalités politiques et économiques sont montées au créneau en passionnant le débat et en dramatisant les conséquences économiques et financières de l’arrestation de DSK. Certains ont crié au complot, d’autres ont indiqué que ces évènements les empêchaient de dormir. Enfin, une grande majorité de ces passionnés n’a pas hésité à avancer que, sans DSK, le FMI allait perdre sa crédibilité, que la crise grecque allait redoubler d’intensité, voire que la zone euro exploserait…

Et pourquoi pas le déclenchement d’une guerre entre la France et les Etats-Unis ? Vraiment, il serait bon de garder son sang froid. Certes, on peut comprendre que les amis de DSK, voire une partie des Français, qui ne sont pas habitués à voir une personnalité politique menottes aux poings, soient choqués par ce qui arrive à l’ancien Ministre de l’Economie de Lionel Jospin. Pour autant, il paraît vraiment déplacé de plonger dans un catastrophisme planétaire pour un seul homme, quand bien même serait-il le Directeur Général du FMI. Comme le rappelait régulièrement Georges Clémenceau « les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, qui ont tous été remplacés ». En d’autres termes, il est clair que si les Européens veulent sauver la Grèce et globalement la zone euro, ils le feront avec ou sans DSK. Le FMI est déjà parvenu à résoudre de nombreuses crises financières avec d’autres Directeurs Généraux.

En ce qui concerne son remplaçant, il est vrai que le poste était implicitement promis à une personnalité du monde émergent. Néanmoins, cette promesse à demi-mot date de 2007-2008. Et, à l’époque, le FMI et son Conseil d’Administration étaient loin d’imaginer qu’un pays de la zone euro aurait besoin de leur soutien. Aujourd’hui, compte tenu de cette crise et des circonstances du départ de DSK, il paraît clair qu’une certaine continuité dans la Direction Générale du FMI devient indispensable. D’où la probable nomination à ce poste d’un Européen et pourquoi par de Madame Christine Lagarde. Celle-ci présente effectivement de nombreux avantages : elle connaît bien les dossiers en cours, dispose d’une culture à la fois française et anglo-saxonne et, enfin, apparaît « compatible » avec les intérêts du monde émergent. En outre, il sera également possible de confier le poste de numéro deux du FMI (qui se libère à l’automne prochain) à un représentant du monde émergent, « histoire de faire plaisir à tout le monde ». Que l’on soit donc rassuré : le monde ne va pas s’écrouler avec le remplacement de DSK à la tête du FMI.

De même, il ne faut pas exagérer l’impact que l’affaire du Sofitel de New York pourrait avoir sur l’image de la France à l’international. Déjà, comme aiment le souligner les commentateurs des chaînes américaines, la réputation des Français en matière charnelle n’est plus à faire. De là à imaginer que la France serait jetée au banc des Nations pour les dérapages éventuels d’un seul homme, il y a un pas qu’il serait incongru de franchir.

Pour autant, l’éviction de DSK de la présidentielle française aura des conséquences dans l’Hexagone. En effet, même si ce dernier n’était pas assuré de passer les primaires socialistes, puis d’être élu Président, il paraissait susceptible de garantir une certaine crédibilité de la France à l’échelle internationale. Ainsi, de nombreux dirigeants socialistes espéraient qu’en cas de victoire en 2012, ils pourraient, grâce à lui, augmenter les dépenses publiques sans risque de dégradation de la note de la dette publique.

Si cet espoir n’était évidemment pas garanti, il a désormais complètement disparu. En d’autres termes, si Martine Aubry ou François Hollande sont élus Président(e) de la République Française en 2012 et qu’ils n’engagent pas de politique de réduction des dépenses publiques, il est fort probable que la France perdra son AAA en quelques mois, voire en quelques semaines. Les taux d’intérêt flamberont alors, la croissance s’effondrera et la dette publique augmentera de nouveau. D’où une nouvelle crise de la zone euro, qui pourrait alors bien sonner le glas de cette dernière. Le cas échéant, c’est donc seulement à ce moment là que l’on pourra juger de l’impact des déboires actuels de DSK…

Marc Touatiit


Quid de l’économie cette semaine ?

Etats-Unis : une semaine en demi-teinte.


Si tous les moteurs de la reprise sont bien en marche outre-Atlantique, cette semaine statistique en demi-teinte nous confirme que certains secteurs restent néanmoins fragiles.

A commencer par le secteur de la construction qui ayant beaucoup de mal à redémarrer, constitue encore un frein important à la croissance de l’économie américaine. Ainsi après être redescendues sous la barre des 600 000 depuis février, les mises en chantier qui avaient progressé de 12,9% en mars à 585 000 n’ont pas confirmé leur rebond. En effet, alors que le consensus attendait une petite hausse de 3,6 %, ces dernières ont chuté de 10,6 % pour tomber à 523 000 en avril.

Si le plus dur est bel et bien passé sur le front de la construction, les mises en chantier ne parviennent toutefois pas à retrouver une tendance haussière.

Parallèlement, les permis de construire qui constituent un indicateur avancé des mises en chantier continuent de souffrir. En effet, après avoir progressé de 7,5 % en mars à 574 000, ces derniers ont retrouvé le chemin de la baisse en avril pour reculer de 4 % à 551 000.

Tant que le secteur de la construction restera grippé cela empêchera la Fed de remonter ses taux d’intérêt.

Le secteur de la construction reste grippé.

Sources : Department of Commerce, BEA, Datastream

Par ailleurs, la production industrielle américaine qui avait progressé de 1,6 % au 1T11 démarre très timidement le deuxième trimestre. En effet alors qu’une petite hausse de 0,4 % était attendue par le consensus, cette dernière a affiché une croissance nulle en avril.

Il faut cependant relativiser cette petite «contre performance» puisqu’elle fait suite à une hausse de 0,7 % en mars.

De surcroît, le glissement annuel de la production industrielle américaine demeure conséquent puisqu’il affiche un niveau de 5 % en avril.

Enfin, si la production manufacturière a régressé de 0,4% en avril, c’est essentiellement du fait d’une chute de 8,9 % dans le secteur automobile.

 En effet, ce secteur subit les effets collatéraux du séisme japonais qui a considérablement affecté l’approvisionnement des pièces automobiles vers les Etats-Unis.

 En d’autres termes, il ne s’agit aucunement d’un problème structurel mais d’un facteur externe, donc temporaire. D’ailleurs, hors automobile, la production manufacturière américaine affiche une hausse de 0,2 %.

L’industrie est toujours solide outre-Atlantique.

Sources : Federal Reserve, Datastream

Enfin, l’indicateur avancé du Conference Board a été relativement décevant. En effet, alors que le consensus attendait une petite hausse (+0,1 %), cet indicateur s’est replié de 0,3 % en avril.

Cependant, un point ne fait pas une tendance, et ce recul qui intervient après neuf mois de hausse ininterrompue, peut être considéré comme une correction baissière logique.

Le détail statistique indique que ce sont l’emploi et le secteur de la construction qui ont tiré l’indicateur avancé du Conference Board vers le bas. Plus globalement, ces deux secteurs qui malgré leur progression, restent convalescents, expliquent largement pourquoi la croissance américaine ne pourra pas atteindre les 4 % en 2011.

Cette dernière sera toutefois soutenue cette année, puisque bien loin du petit 2 % attendu dans la zone euro, le PIB américain devrait se situer autour de son niveau structurel à savoir 3 %.

Jérôme Boué


La météo économique de la semaine écoulée :

 

 



Les Marchés:

Japon : la baisse du yen est la dernière chance.


Une fois encore, le Japon se démarque par son infortune. Après déjà vingt ans de déflation, qui lui ont fait perdre sa place de deuxième puissance économique mondiale l’an passé, après une baisse de 0,8 % de son PIB au quatrième trimestre 2010, l’Archipel a subi une nouvelle vague de décroissance au premier trimestre 2011. Ainsi, alors que tous les pays développés ont enregistré une croissance appréciable au cours des deux derniers trimestres, le Japon a continué de s’enfoncer.

Autrement dit, avec deux trimestres consécutifs de baisse, le Japon est retombé dans la récession qu’il venait à peine de quitter.

Bien entendu, la baisse du PIB du premier trimestre (0,9 %, soit 3,7 % en rythme annualisé) est principalement liée au Tsunami et à la catastrophe nucléaire qui a suivi. Pour autant, la forte chute de l’ensemble des postes de la demande confirme que le marasme nippon n’est pas près de s’inverser.

Ainsi, après avoir déjà baissé de 1 % au quatrième trimestre 2010, la consommation a régressé de 0,6 % au premier trimestre. De même, après avoir augmenté de seulement 0,1 % au dernier trimestre de l’an passé, l’investissement des entreprises a reculé de 0,9 % au premier trimestre 2011.

Quant aux exportations, elles n’ont progressé que de 0,7 %, après avoir baissé de 0,8 % au trimestre précédent, tandis que l’évolution des importations a été de respectivement + 2 % et – 0,3 %.

La récession est de retour.

Sources : Ministry of Internal Affairs and Communication, Economic and Social Research Institute Japan, Bloomberg

Même si un effet de correction haussière est prévisible au deuxième trimestre, l’économie japonaise ne semble donc plus en mesure de retrouver une croissance durablement forte.

Avec un acquis de décroissance de  – 1 % au sortir du premier trimestre, le PIB japonais devrait au mieux se stabiliser en 2011, pour progresser d’environ 1,5 % en 2012.

Ces piètres « performances » sont d’autant plus inévitables qu’avec  avec une dette publique de 220 % du PIB et un taux d’intérêt directeur de 0,1 %, le Japon n’a plus aucune marge de manœuvre pour relancer la machine.

Une politique monétaire sans effet.

Sources : ESRI Japan, Bloomberg

La seule issue possible réside dans une dépréciation forte et durable du yen.

Or, le paradoxe est que, compte tenu des importants rapatriements de capitaux en provenance de l’étranger, les Japonais font mécaniquement monter le yen.

Pas de sortie de la déflation sans dépréciation du yen.

Sources : Ministry of Internal Affairs and Communication, Bloomberg

Dans ce cadre, il n’y a guère qu’une action concertée au niveau mondial qui pourrait inverser la tendance. Autrement dit, les dirigeants occ